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Le tao du migrant - Le blog de Mustapha Harzoune - Page 44

  • Les identités meurtrières

    Amin Maalouf

    Les identités meurtrières

     

    langue_babel.jpgPourquoi Amin Maalouf, ce célèbre romancier  libanais qui a passé les 29 premières années de sa vie dans son pays natal et 22 autres en France (à la parution de ce livre)  a t-il ressenti le besoin d’écrire un essai sur la notion d’identité? L’homme refuse de compartimenter son identité et revendique une identité et une seule mais “faite de tous les éléments qui l’ont façonnée (...)”. Cette évidence ne l’est pas pour tout le monde et surtout elle ne correspond pas à “l’air du temps”. Cela se vérifie quand ce franco-libanais, arabe, d’origine chrétienne, issu d’une minorité marginalisée dans son pays, aux riches ramifications familiales et personnelles doit répondre à l’anodine - en apparence - et récurrente question : “mais au fin fond de vous même qu’est ce que vous vous sentez?”. Ainsi,  prix Goncourt ou pas, l’immigré Amin Maalouf doit justifier, défendre une autre conception de l’identité, que celle, “meurtrière” qui tend à réduire, “au fond”, à une seule appartenance l’identité des uns et des autres - entendre aussi bien celle des individus que des communautés ou des nations. “Car c’est notre regard  qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, et c’est notre regard qui peut les libérer”. Il est facile d’imaginer les difficultés – voire les impasses – des jeunes issus de l’immigration pour se libérer du regard de la société française. Ce regard qui tend à les enfermer dans une identité unique ou même une identité de substitution – l’arabité ou l’islamisme par exemple – et ne les aide pas, à l’instar d’un Amin Maalouf, à se construire à partir d’une autre conception de l’identité  et de leur place au sein de la société.

    L’identité complexe ici défendue n’est pas seulement une séduisante et salutaire construction théorique, elle correspond, en cette fin de siècle, à un élément essentiel de la modernité, elle est vécue, portée, avec plus ou moins de bonheur et de souffrance, par des millions d’hommes et de femmes que la vie moderne, les évolutions politiques et les révolutions dans les technologies de la communication   placent à la croisée de nombreux chemins linguistiques, culturels, communautaires, nationaux ou, tout simplement, socio-professionnels.

    Amin Maalouf cherche à dégager les voies d’une autre conception de l’identité. A une identité meurtrière, parce que réductrice, communautaire, tribale, etc.,  il témoigne, après et avec d’autres, d’une conception complexe de l’identité revendiquant des appartenances multiples, irréductibles. L’enjeu est d’importance : “ceux qui pourront assumer pleinement leur diversité serviront de “relais” entre les diverses communautés, les diverses cultures, et joueront en quelque sorte le rôle de “ciment” au sein des société où ils vivent”.

    L’auteur ne limite pas sa réflexion à l’individu ou à la société. Sa pensée porte aussi sur les crises d’identité des pays du Tiers-Monde confrontés à une modernité née il y a plusieurs siècles en Occident . “Pour le reste du monde (...) la modernisation a constamment impliqué l’abandon d’une partie de soi-même”.

    Il consacre de nombreuses pages à l’analyse, toujours dans une perspective historique et non idéologique ou religieuse, des  différentes réponses  du monde arabe  à la nécessaire modernisation : nationalisme d’abord, islamisme radical ensuite.

    La montée du religieux, n’est pas une spécificité musulmane. Elle correspond aussi bien à la chute du mur de Berlin, à la crise partielle du modèle occidental qu’aux impasses de nombreuses sociétés du Tiers-Monde. Elle est aussi et peut-être surtout liée au processus de “mondialisation”, à ces bouleversements en matière de communication. Alors, la montée du religieux ne serait pas, pour Amin Maalouf “une simple réaction” mais “peut-être une tentative de synthèse entre le besoin d’identité et l’exigence d’universalité”.

    Dans le monde rêvé d’Amin Maalouf où “le besoin de spiritualité serait dissocié du besoin d’existence”, “séparer l’Eglise de l’Etat, ne suffit plus, tout aussi important serait de séparer le religieux de l’identitaire.  (...) Il faudrait pouvoir satisfaire d’une autre manière le besoin d’identité”.

    Amin Maalouf n’est pas un naïf. Il n’ignore pas les dangers de la mondialisation. Il les dénonce même : uniformisation, hégémonie idéologique, politique, économique ou médiatique, et même l’insupportable condescendance de certains en Occident...

    Pourtant, cette mondialisation pourrait être une chance pour l’émergence d’une nouvelle conscience identitaire où l’appartenance humaine prendrait le pas sur la somme des appartenances.

    La route est encore longue. Dans un ultime chapitre - “apprivoiser la panthère” - il explore les pistes qui pourraient aider à la naissance de cette nouvelle conscience identitaire. La connaissance - et la défense - des langues est au cœur des préoccupations de l’auteur. Les langues offrent “la merveilleuse particularité d’être à la fois facteur d’identité et instrument de communication. (...) la langue a vocation à demeurer le pivot de l’identité culturelle, et la diversité linguistique le pivot de toute diversité”.

    Mais l’homme moderne ne fera pas l’économie d’une réflexion “sereine et globale” sur les moyens juridico-politiques qu’il se donne pour préserver la diversité des cultures. Le libanais Amin Maalouf met en garde contre les dangers et les dérapages du système des quotas ou du communautarisme. Il ne croit pas non plus que la loi du nombre – le suffrage universel – soit en la matière une garantie pour le maintien de cette diversité. “Ce qui est sacré, dans la démocratie, ce sont les valeurs, pas les mécanismes. (...) le mode de scrutin  doit être adapté à cette exigence”. Des garde-fous institutionnels peuvent se révéler indispensables – il cite des exemples au Royaume Uni, en France, aux  Etats-Unis ou en Afrique du Sud -  comme pourrait l’être, dans des situations extrêmes de massacres ou de graves discriminations, une “supervision active de la part de la communauté internationale”.


    Edition Grasset, 1999. Réédité en poche en 2001 (LGF)



  • Maintenant ils peuvent venir

    Arezki Mellal
    Maintenant ils peuvent venir


    41DB83F8E0L._SS500_.jpgArezki Mellal signait à cinquante et un an son premier roman, un texte attachant malgré des maladresses et la présence de quelques propos inutilement polémiques sur les Algériens exilés ou les romanciers édités en France. Dans le contexte algérien, le titre n’augure rien qui vaille et les sombres prémonitions du lecteur seront finalement au rendez-vous. L’horreur - qui n’en finit pas malgré les silences médiatiques - rythme le quotidien de ce récit situé au début de la décennie quatre-vingt-dix.
    Le narrateur traîne sa vie et plie sous la culpabilité que sa mère, diabétique à l’article de la mort, a pris soin, jour après jour d’entretenir. Ce poids trop lourd à porter l’empêche de vivre, annihile en lui toute volonté et enferme son devenir dans les rets des « injonctions » maternelles. Au point même que son mariage - ce qui convenons-en n’est pas chose rare - sera manigancé par sa mère et par Yasmina. « Yasmina m’a épousé » écrit le narrateur et, sans jamais rien avoir décidé ni désiré, cette jeune voisine si dévouée lui imposera deux enfants. A l’« impossible » tendresse maternelle répond cette « impossible » union. Zakia, sa collègue de bureau, un temps, fera battre son cœur, mais cette fois c’est l’amour qui sera « impossible ». Refusant toujours Yasmina, l’homme finira pas assumer ses responsabilités de père, jusqu’à endurer une autre et terrible culpabilité.
    Ainsi, après avoir étouffé ses enfants, bouché tous les horizons et brouillé tous les héritages, il ne restait plus à ce pays qu’à les dévorer en associant à la plus sauvage des barbaries, les cruautés les plus sophistiqués dans l’art de répandre la désolation et la mort. Pourtant, l’Algérie d’Arezki Mellal ne se réduit ni à ces barbus qui pullulent et sèment la peur et l’effroi ni à ce « Bled Mickey » où tout va de guingois (misère, saleté, pénuries, absence de mixité, frustration affective...). Arezki Mellal montre « un peuple qui se débrouille seul face au terrorisme », d’où émergent des d’individualités attachantes, nobles et profondément humaines comme Ammi Slimane, le jardinier amoureux, qui vit sa foi dans la simplicité et la paix de l’âme, ou Salah, le vieux militant communiste. Il y a aussi et surtout ces femmes qui, dans l’anonymat mais toujours héroïquement, résistent, à l’image de Yasmina, impénétrable, digne et forte, toujours debout malgré le malheur qui ne l’épargne pas.

    Edition Actes Sud, 2002, 202 pages, 15,90 €

  • Les mots étrangers

    Vassilis Alexakis
    Les mots étrangers


    Alexakis_DS-retouche-2.jpgSi selon le philosophe et sinologue François Jullien il y a urgence à « penser d’un dehors », car il serait impossible voire dangereux de vouloir se penser sans penser le monde, sans penser au dialogue entre les cultures, aux échanges entre les hommes, alors, Vassilis Alexakis, romancier grec installé en France depuis des années, raconte ici une expérience qui pourrait, en partie, servir d’illustration et de défense à cette disposition de l’esprit pressante face aux menaces qui pèsent sur la figure de l’étranger et aux dangers d’uniformisation, marchande ou guerrière, qui guettent la planète.
    Vassilis Alexakis qui écrit aussi bien dans sa langue maternelle qu’en français, décide, peu de temps après la mort de son père, d’apprendre une autre langue, des mots nouveaux, des « mots étrangers ». Il s’y plonge comme dans une « cure de jouvence ». Des mois durant, aidé d’un seul gros dictionnaire et de l’unique méthode existante, il se lance dans l’étude, quotidienne et solitaire, du sango. Idiome au nombre de locuteurs réduit, usitée dans le seule Centrafrique, langue de tradition strictement orale ne bénéficiant d’aucun enseignement et encore moins de méthodes pédagogiques. Méprisée par les Français et les nouveaux maîtres du pays, seul, un quarteron de chercheurs, ethnologues, universitaires et autant, c’est-à-dire bien peu, de locuteurs du cru, s’efforcent de tirer de l’oubli et de sauver cette langue et une culture tout de même et aussi patrimoine de l’humanité. Quand la globalisation se plait à rimer avec uniformisation et utilitarisme, cette initiative personnelle et littéraire s’avère bien salutaire et invite, sans grand discours ni effets de manche, à réfléchir sur la responsabilité de chacun dans la marche du monde. Car enfin, pourquoi diable aller se coltiner avec le sango quand tant d’autres langues, parlées par des millions de locuteurs et dotées d’une culture livresque plusieurs fois millénaire, sont là qui nous tendent les bras et nous offrent mille et une raisons gratifiantes pour justifier des heures et des heures de travail (d’investissement pour nos modernes esprits calculateurs) ? Avec d’autres (Patrick Chamoiseau, Amin Maalouf...), Vassilis Alexakis met son talent et son expérience au service de la diversité menacée : « il me serait très douloureux d’écrire en français si j’avais dû renoncer au grec. Je peux faire l’éloge de l’étude des langues, pas celui de leur oubli ». Mais enfin et pour en revenir au sango, « ne pas avoir de raison d’apprendre une langue n’est pas une raison ne de pas l’apprendre »...
    Sans raison ? En apparence seulement. Car le Monde est Un et si depuis Térence - un autre Africain, mais berbère celui-là - nul n’est sensé ignorer que rien de ce qui est humain ne lui est étranger ; à l’aube de ce XXIè siècle, nul ne peut non plus prétendre mettre à distance ce monde qui constitue, de plus en plus, le quotidien de chacun. La « société-monde » (Edgar Morin), est là dans nos intérieurs, sur notre table, dans nos rues, dans nos langues, dans nos vies et dans nos mémoires.
    Ainsi par l’histoire, celle de la communauté grecque installée en terre africaine, par sa famille et par son enfance, Vassilis Alexakis avait rendez-vous avec le Centrafrique et le sango. Le dehors de l’autre devient notre dedans.
    Avec ce texte plaisant, un brin enchanteur, le lecteur partage la jubilation de l’écrivain pour ces mots étrangers, ces phrases aux constructions nouvelles qui laissent deviner une autre ouverture au monde, une autre poésie, un autre imaginaire. Avec lui, il partage cette « cure de jouvence », ce « nouveau départ » qui à nouveau rend disponible. Disponible d’abord à l’autre à commencer par les Africains de son quartier jusque là « invisibles », disponible aussi à une nouvelle approche de l’existence marquée notamment par la positivité de cette langue nouvelle comparée au grec et au français. « Les mots me font penser à des immigrés qui ressassent leurs souvenirs : ils me parlent de leur pays sans réussir à me communiquer leur nostalgie ou leur détresse ».
    Vassilis Alexakis séjournera quinze jours en Centrafrique. Il y expérimente et parfait ses récentes acquisitions linguistiques et connaissances culturelles. Il évoque en visitant des commerces et des habitations souvent délabrées et abandonnées la présence grecque dans le pays et retrouve même le dernier représentant de cette communauté. Un vieil hellène dont le malheur est d’avoir un fils qui « n’est heureux qu’au milieu des Noirs », lui, qui, comme la plupart des membres de la communauté française, n’a que mépris pour eux et leur langue.
    Mais laissons là les grincheux et laissons nous plutôt gagner, au sortir de ces bains de jouvence, par cette disponibilité oubliée, ce sentiment de fraternité avec toutes les choses créées que Jean Amrouche, chantre lui aussi d’une autre langue et culture menacées, appelait « l’esprit d’enfance ».

    Edition Stock, 2002, 321 pages, 18,95 €

  • La notion de culture dans les sciences sociales

    Denys Cuche
    La notion de culture dans les sciences sociales


    yue_minjun_art_pointing.jpgA l'heure où de nombreuses questions taraudent nos contemporains et notamment comment marquer sa différence dans un universel tout aussi revendiqué, à l'heure de la crise de l'Etat-nation sous l'assaut conjugué de dynamiques internes mais aussi de cette fameuse mondialisation qui ne serait qu'une américanisation qui ne dit pas son nom, à l'heure enfin, où des apprentis sorciers jouent, en utilisant le tison du multiculturalisme, avec le feu du communautarisme quand d’autres s’amusent à ouvrir la boîte de Pandore de l’identité, Denys Cuche permet à la fois de prendre quelques distances avec l'actualité et d'esquisser des réponses à des débats souvent passionnels et chargés sur le plan affectif.

    Dans son livre, devenu un classique plusieurs fois réédité, il brosse à grands traits mais de manière éclairante l'histoire de l'idée moderne de culture née au XVIIIème siècle, les approches théoriques, aux USA et en Europe, des questions culturelles et identitaires, des situations de rencontres culturelles et des processus d'acculturation c'est à dire des mouvements de rapprochement culturel.
    Il montre en quoi chaque culture particulière se rattache à un universel commun,  et en quoi, parce que l'humanité est une, les différences culturelles ne représentent que l'application de principes culturel universels.
    Constituant des systèmes cohérents en soi, les différentes cultures sont sujettes à des transformations, soit par le fait de logiques internes soit sous l'influence d'éléments extérieurs. Elles sont dynamiques, mouvantes, changeantes, tout le contraire donc de certaines représentations  muséographiques - sans doute pour mieux les nier - ou figées dans un âge d'or lointain et irréel.
    Denys Cuche montre la distinction à établir entre les notions de culture et d'identité. Alors que la culture relève en grande partie de processus inconscients, l'identité elle, renvoie à un processus réfléchi d'affirmation de "sa" différence. Une affirmation qui repose à la fois sur des normes d'appartenance (nous) et d'opposition (les autres). Autrement dit, comme l'écrit l'auteur, "il n'y a pas d'identité en soi, ni même uniquement pour soi. L'identité est toujours un rapport à l'autre".
    L'étude de ce rapport s'inscrit dans le champs complexe des rapports sociaux, des relations entre groupes culturels minoritaires et l'Etat-nation mais aussi sur le plan individuel, le parcours affectif, psychologique, socio-culturel... de chacun.
    Dans cette lutte au quotidien pour simplement marquer une présence, une existence, une vie, l'affirmation d'une identité revient toujours à tracer une frontière.
    Mais attention "une même culture peut être instrumentalisée de façon différente, voire opposée, dans diverses stratégies d'identification". Ainsi, n'assiste t-on pas aujourd'hui au lamentable spectacle de l'appauvrissement d'une culture et d'une histoire pourtant si riche et foisonnante par ceux qui, en instrumentalisant et trahissant la foi d'un milliard d'hommes et de femmes, revendiquent une identité mortifère  et liberticide ?
    Avec force, il faut dire et redire, armé de ce travail important, que "ce qui sépare deux groupes ethno-culturels ce n'est pas au départ la différence culturelle (...). [Non] ce qui crée la séparation, la "frontière" c'est la volonté de se différencier et l'utilisation de certains traits culturels comme marqueurs de son identité spécifiques".
    Si,  par le fait même qu'il est extrêmement dense, le livre est parfois d'un abord difficile il est en revanche - après un tour d'horizon sur plus de deux siècles de débats et d'usage de la notion de culture en sociologie, en anthropologie et en ethnologie,  indispensable pour réaffirmer qu' "il n'y a pas de différence essentielle entre les hommes et les cultures - autrement dit que l'autre n'est jamais absolument autre, qu'il y a du même chez l'autre, parce que l'humanité est une, ce qui fait que  la  Culture est au cœur  des  cultures ou, selon l'expression consacrée, que "l'universel est au cœur du particulier (...)".

    Edition La Découverte, collection Repères, 2004, 124 pages, 7,95€

    Illustration: Yue Minjun

  • Quatre mille marches. Un rêve chinois

    Ying Chen
    Quatre mille marches. Un rêve chinois


    Chen_Ying.jpgYing Chen est née en 1961 à Shanghai. En 1989, elle décide de partir, de s’envoler vers d’autres horizons, de larguer ses racines comme on largue les amarres. Elle s’installe au Canada, à Montréal d’abord puis à Vancouver, où elle a publié en français, depuis 1992, six romans (1). Ce livre rassemble des textes parus dans différentes revues et des discours prononcés à diverses occasions entre 1997 et 2003. Ils permettent de mieux connaître l’écrivain, son travail, sa conception de la littérature, de l’écriture, sa relation à la langue française comme au chinois… Ils donnent surtout à approcher l’infiniment petit, l’intime de son expérience individuelle, pour déboucher sur l’infiniment grand de cette expérience collective que sont les migrations et les transplantations. De ce point de vue, ce petit livre est précieux. Car, sans tomber dans le banal éloge d’une banale universalité, Ying Chen aide à mieux appréhender les millions de transplantés, ou enfants de la migration, héritiers malhabiles d’une histoire qui n’est plus vraiment la leur et fragiles porteurs d’un futur incertain. Cette « autre espèce » en gestation qui pourrait bien, un jour, contribuer à bouleverser les représentations culturelles, identitaires et nationales.
    Ying Chen parle avec bonheur et d’une manière lumineuse d’un sujet difficile aux contours encore flous : de quelle universalité les modernes migrations sont-elles porteuses et quelles autres représentations, autres paradigmes pourraient en émerger et finalement être partagés par le plus grand nombre. Elle en parle en usant de notions encore peu communes et même déstabilisatrices dans des univers cartésiens où règnent ligne droite et frontière, gestions en termes de stocks et non de flux, appartenances déclinées collectivement et même exclusives condamnant toute complexité et plus encore tout paradoxe… Les critiques émises ici par un lecteur chinois, s’appuyant notamment sur l’héritage de Kongzi (Confucius) en offre une belle illustration.
    Ying Chen dit, de manière non théorique, en écrivain doué de sensibilité, l’importance du mouvement, du détachement et de l’impermanence (de la mémoire notamment), sa « répugnance » des racines, l’illusion des origines, les mythes de la pureté et de l’autochtonie. Elle démontre comment la plongée dans le soi le plus intime peut retrouver le grand tout de l’humanité. Elle évoque la relativité des valeurs et la multiplicité des vérités. Faisant l’éloge du cheminement sans but, elle retrouve le mythe de Sisyphe. Elle rappelle que « la mondialisation » n’est pas un « événement » mais « depuis l’aurore de l’humanité, une loi naturelle, le processus inévitable dans l’évolution du monde ». Et pour les frileux, les partisans de la fermeture des frontières, elle distille une dose de réalisme : « si on bloquait les courants – les frontières sont faites pour cela -, le monde serait trempé et pourri dans des eaux mortes ».
    Au centre de la réflexion et du travail de l’auteur qui « rêve de ne plus être une personnalité exotique », il y a l’individu. La prise en compte de ce qu’elle nomme la « désindividualisation » des temps modernes exige de la littérature qu’elle « cultive une vision du monde microscopique, [et] transforme si possible le dialogue des cultures en des dialogues entre des individus (…) ». « Je pense que le monde sera peut-être sauvé le jour où on distinguera moins entre les groupes qu’entre les individus ».
    Elle sait que le nationalisme, le patriotisme, le besoin de s’enraciner sont aussi consubstantiels à l’espèce humaine que son « besoin de s’envoler », aussi est-ce sans naïveté qu’elle écrit : « la notion de pays n’avait plus de signification réelle pour moi ». Et dans un autre de ces textes, elle poursuit : « mon véritable foyer est là où je deviens ce que je veux être. Plus encore : mon vrai nid se trouve dans les mots, entre les lignes, dans ce presque-rien qu’on ne peut même pas désigner comme « une place ». Des propos qui rappellent ceux de l’écrivain franco-maroco-algérien et professeur d’anglais, Kebir Ammi (2).
    La poésie est au cœur de l’écriture de Ying Chen qui dans un de ses textes évoque et suscite le désir de découvrir l’œuvre de Saint-Denys Garneau, poète de l’exil, de la simplicité et du mouvement. C’est aux vers d’un autres poète que les mots et les pensées de Ying Cheng font aussi penser. À ce petit poème de Pessoa : « Plutôt le vol de l’oiseau qui passe sans laisser de traces / Que le passage de l’animal dont le sol garde le souvenir. / L’oiseau passe et disparaît, ainsi doit-il en être. /Là où il n’est plus, et donc ne sert à rien, l’animal / Montre qu’il a été, ce qui ne sert à rien. / Le souvenir est une trahison envers la Nature / Parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature. / Ce qui fut n’est plus rien, / et se souvenir est ne pas voir. /Passe oiseau, passe, et enseigne-moi à passer ! ». Le premier texte de ce recueil s’ouvre d’ailleurs sur une « nuée d’oiseaux ». Ces oiseaux qui inspirent à Ying Chen « l’envie de les imiter ». Et son lecteur avec.

    1. Tous réédités chez Acte-Sud et au Seuil
    2. Voir notamment le texte de Kebir M.Ammi, « Écrivain maghrébin, dites-vous ? » paru dans Expressions maghrébines, Vol. 1, N°1, été 2002.


    Edition du Seuil, 2004, 108 pages, 14 €

  • Voeux

    Bonne année à tous!

     

     

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    Foujita, Hommage à La Fontaine

    Extrait du très beau livre, Foujita, Le maître du trait,  d'Anne Le Diberder, éd. Picquier, 2009

  • Voyage à Istanbul, la ville où l’Europe et l’Asie s’étreignent

    Daniel Rondeau
    Voyage à Istanbul, la ville où l’Europe et l’Asie s’étreignent


    bosphore2003.jpgCommencé il y a plus de quinze ans, Daniel Rondeau terminait ici son périple méditerranéen dans la ville où l’Europe et l’Asie s’étreignent. Souvent, le livre prend les allures d’un guide touristique. Certes, l’écriture est autre, élégante et spirituelle, mais le récit n’échappe pas à de longues descriptions architecturales et détours historiques construits sur une vaste érudition livresque. En forçant le trait, certaines pages laissent l’impression que, pour visiter Istanbul, il suffirait de rester confiné chez soi, avec force atlas et autres manuels.

    Les déambulations de l’écrivain conduisent au quartier tzigane de Solukule (“un coupe-gorge” pour les Stambouliotes) qui est en train de perdre son âme : l’argent (et le touriste) partout est roi et n’a que faire ici aussi des traditions ! Elles ressuscitent le quartier juif de Balat, se perdent à Fatih, “le quartier où l'Islam abonde”, visitent la patricienne Galatasaray opposée à la populaire Fenerbahçe, dévoilent Byzance et Constantinople. Mais ces longues et savantes promenades débouchent sur un triste constat : Istanbul, que les Stambouliotes pur sucre finissent par ne plus reconnaître tant les “envahisseurs” - entendre les paysans venus d’Anatolie - en ont modifié la physionomie, n’est plus. La ville-monde, la ville cosmopolite se transforme en une énième “mégapole-mondialisée”. Les Stambouliotes pleurent “leur patrie perdue”, ce “reflet idéal du globe, servi chaque jour à domicile. Peuples, costumes, coutumes, religions, toujours mêlés, jusque dans la fureur, pour former une entité qui les dépassait. Sous les murailles existait une civilisation”.

    Les croisières du samedi soir ne peuvent faire oublier que le Bosphore aussi se meurt. À ce propos, s’il fallait une bonne raison pour intégrer la Turquie à la communauté européenne, Daniel Rondeau en donne au moins une : le Bosphore justement, menacé par la pollution, les méthaniers et le tourisme. Tandis que le poisson s’esbigne, les pêcheurs préfèrent le rapport plus lucratif des bateaux promenades. C’est Bruxelles et ses réglementations parfois si insupportables qui sauvera le Bosphore ! dixit Yucel, un vieux pêcheur en passe lui aussi de raccrocher ses filets.

    Nil Editions, 2002, 265 pages, 18 €

  • Un crime en Algérie

    André Allemand
    Un crime en Algérie


    9782743607579.jpgAlger, 15 août 1963. Danielle Orsini et son amant viennent d’être victime d’une agression sur la plage du Rocher bleu à l’est de la capitale. Elle aurait été violée. Son partenaire est mort. L’agresseur serait un homme armé d’un automatique. La jeune fille est prise en charge par des gendarmes français. Nous sommes au lendemain de l’indépendance algérienne.
    Danielle Orsini est la secrétaire de Jean Mercier le consul de France, ce qui complique singulièrement l’enquête. Mercier prend fait et cause pour son employée, une pied-noire raciste qui a fricotée avec l’OAS. Une relation troublante se noue entre la jeune femme et son aîné quinquagénaire. Par petites touches, l’auteur montre l’atmosphère de ces années de transition et de confusions. Le contexte politique est difficile : les vengeances individuelles et les exactions commises à l’encontre des biens de la maigre colonie française encore présente ont succédé aux milliers de disparus ; le crime, le vol, les prévarications et autres abus de pouvoir des nouveaux maîtres du pays prospèrent en toute impunité sur un désordre juridico-policier quasi absolu.
    De plus, le gouvernement français négociant avec le président algérien un important accord pétrolier, l’ambassadeur s’emploie à calmer les ardeurs du consul pour « son ingénue » qui, en la circonstance, « ne représente guère plus qu’une fourmi emportée par l’eau d’un oued en crue ».
    Ousmane, le Contrôleur général de la sûreté est chargé de l’enquête. Hirsute, court et adipeux, l’homme est craint. Ses manières, son accoutrement, ne le rendent guère sympathique. Il croit Danielle coupable du meurtre et s’emploie à le démontrer. A Mercier, il fait comprendre que le pouvoir aujourd’hui c’est lui. Les Français, fussent-ils consul, n’ont qu’à rentrer dans le rang et se plier aux nouvelles lois du pays !
    Mercier, lui, est convaincu de l’innocence de sa protégée. Serait-ce alors Mrs Francis Jones, une Britannique, « la quarantaine pulpeuse » et un brin aguicheuse ? Elle a été l’amant de la victime et lui aurait prêté une importante somme d’argent. Soupçonnée d’être un agent des services secrets de sa Majesté, elle semble bénéficier de solides soutiens au sein du gouvernement et des forces armées du pays. Mais le meurtre pourrait aussi bien être un règlement de compte commandité par les anciens camarades de la victime, comme lui membres de l’OAS. André Allemand laisse ouvertes toutes les pistes.
    La passion sensuelle contrariée d’un sentiment paternel de Mercier pour Danielle Orsini interfère sur l’enquête. Ces deux lignes de force du livre se croisent, se renforcent pour maintenir une tension constante et ascendante.
    Un Crime en Algérie (re) plonge le lecteur dans une période de l’histoire algérienne peu abordée dans la littérature. On pourra reprocher à l’auteur de présenter les Algériens sous les traits de vulgaires et parfois dangereux obsédés sexuels : « vous autres Algériens êtes des obsédés du sexe. Votre gouvernement devrait prévoir des distributions obligatoires de bromure pour les mâles de plus de douze ans... ». Seul le procureur général Ahmad, qui a épousé une Française, échappe à ce triste tableau. On aurait pu y ajouter Ousmane, le Contrôleur général de la sûreté, n’était la révélation en fin d’ouvrage.

    Edition Rivages/Noir, 2001, 170 pages

  • La Maladie de l’islam

    Abdelwahab Meddeb
    La Maladie de l’islam


    img_1258127373481.jpgL’écrivain et poète, par ailleurs enseignant, directeur de la revue Dédale et animateur de l’émission « Cultures d’islam » sur France Culture entend ici « pointer la dérive des siens et aider à leur ouvrir les yeux sur ce qui les aveugle ». Persiflage et érudition sont mis au service du projet de ce livre écrit dans l’urgence après les attentats du 11 septembre : balayer devant sa porte ! L’auteur ne s’interdit pas de nommer les causes externes et connues de la maladie : l’islamophobie occidentale nourrie d’une « non-reconnaissance » et d’exclusions, le colonialisme et ses séquelles persistantes, la politique extérieure des Etats-Unis, son hégémonie qui lui permet, en toute impunité, une politique à courte vue, marquée du sceau du deux poids deux mesures et du reniement de ses principes quand ses intérêts le demandent. Mais de cela, il ne veut retenir qu’un effet de catalyse. Toujours, il maintient le cap et, privilégie une « critique interne ». Il prévient d’ailleurs contre la facilité qui consisterait à renvoyer dos-à-dos les maladies, celle de l’islam et celle de l’Occident : « si tel était le cas, mon projet serait vidé de sa substance ; loin de moi de neutraliser la maladie dont je traite par l’invocation de la maladie de l’autre ». Le diagnostic ne souffre d’aucune ambiguïté : l’intégrisme est la maladie de l’islam et c’est en son sein qu’il faut en trouver les causes.
    Plutôt que d’esquisser ici une démarche essentialiste – cela lui a été reproché -  Abdelwahab Meddeb cherche à cerner la question de l’individu dans l’islam aujourd’hui, les fondements, les principes qui guident sa relation au monde et aux autres, ce qui le constitue en tant que sujet ou au contraire l’entrave. Empruntant à Nietzsche la figure de « l’homme du ressentiment », il remonte loin dans l’histoire pour extirper de cette terre d’islam les radicelles d’une attitude culturelle qui se pose dans la négation de l’autre et l’oubli de soi.
    Les éléments du diagnostic ne sont pas totalement méconnus, à commencer par cette représentation idéologique « simplifiée et archaïque » de l’islam dispensée à coup de pétrodollars par l’Arabie Saoudite ou la conjonction détonante de ce wahhabisme saoudien et du jihadisme de Qotb qui, via la lutte armée en Afghanistan, a donné naissance aux Talibans et à l’organisation de Ben Laden. Abdelwahab Meddeb pourfend aussi l’amnésie et l’ignorance par les musulmans eux-mêmes de leur culture et de la riche tradition exégétique, le nivellement par le bas des sociétés islamiques symbolisé par la teneur des prêches télévisés ou l’instruction sans culture dispensée aux futures élites. Il ne tait pas la xénophobie et la mutation d’un antijudaïsme traditionnel en un antisémitisme moderne. Enfin, il regrette la disparition au sein de la société islamique d’une « tradition hédoniste, fondée sur l’amour de la vie » et déplore la triste réalité qui s’est emparée des rues de la cité : la pudibonderie, la haine de la sensualité, des « corps balourds coupés du souci de soi ». Ce souci de soi qui renvoie une fois de plus à cette question de l’individu et de l’affirmation d’un sujet souverain qui, au lieu de chercher à abolir l’autre, rechercherait « la confrontation des différences et le respect de la diversité du monde ».
    Après avoir balayé quelques thèses en vogue après le 11-Septembre, Abdelwahab  Meddeb, en thérapeute, esquisse un double traitement. 
    En direction des sociétés islamiques d’abord. Il voudrait les voir revenir à une profonde connaissance des débats, des polémiques des controverses dont s’est nourrie la tradition. Lutter contre l’oubli permettrait que « s’instaure la liberté d’une parole plurielle, conflictuelle, entretenant le désaccord dans la civilité ». La question juridique est centrale, c’est par elle que passe la mise en forme d’un droit adapté aux acquis de la modernité. Quant à l’école, priorité chère à l’Algérien Tahar Djaout, assassiné en 1993, il faudrait en extirper l’intégrisme ambiant.
    En direction des sociétés occidentales ensuite. Que l’Occidental se débarrasse de l’islamophobie consciente ou inconsciente dont il est l’héritier. Dans le champ de la croyance, il serait temps de « voir en Mohammed une figure sainte », mais également, dans les champs séculiers de l’art, de la poésie, de la philosophie, temps de désenclaver la référence islamique et, avec Dante, Goethe, Aragon accepter cette évidence historique que l’islam est interne à l’Occident et qu’il participe à l’universalité du monde. Mais cette intégration doit aussi se manifester dans le champ du politique. Abdelwahab Meddeb pointe trois urgences : l’Irak, la question palestinienne et la nécessité d’éclaircir les rapports entre l’Arabie Saoudite et les États-Unis. On le voit, l’ordonnance repose sur une pharmacopée éducative. À n’en pas douter, l’analyse d’Abdelwahab Meddeb, pour pertinente qu’elle soit, souffre de l’absence ou de la sous-estimation du poids des évolutions socio-politiques des sociétés musulmanes (mais aussi de celles des sociétés occidentales où une importante communauté musulmane a fait souche) et des intérêts économiques et stratégiques mondiaux, américains notamment. Mais cela n’infirme nullement son diagnostic, courageux certes mais surtout fort éclairant à l’heure où, lorsqu’il est question d’Islam et d’Arabe, l’obscurantisme et la suspicion gagnent tous les étages de la société.

    Edition du Seuil, 222 pages, 2002, 20 €

  • Entendez-vous dans les montagnes...

    Maïssa Bey
    Entendez-vous dans les montagnes...


    9782752601704.jpgÉvidemment, “Entendez-vous dans les montagnes... ” de Maïssa Bey résonne comme en écho aux paroles de Rouget de l’Isle et, d’un point de vue strictement national, les montagnes algériennes valent bien les campagnes françaises. Pourtant, dans ce court récit en partie autobiographique, où trois personnages partagent le même compartiment d’un train filant dans la nuit, le lecteur trouvera autre chose à moudre que la condamnation des exactions de l’armée française en Algérie et la posture morale qui l’accompagne et sied si avantageusement, et surtout si facilement aujourd’hui, à tout un chacun.

    Les trois voyageurs ont tous à voir avec l’Algérie. La narratrice d’abord. Algérienne, réfugiée un temps dans l’hexagone pour souffler et respirer loin des massacres, mais déjà lasse de ce qu’en France, lorsqu’il est question de son pays, on ne retient que sa face sanglante renvoyant toujours au passé sa part de lumière. Face à elle, un vieil homme, plutôt engageant. Trop au goût de la première, perturbée d’abord par les questions de son importun interlocuteur, lui-même ancien combattant en Algérie. Avec eux, Marie. Jeune fille décontractée, écouteurs sur les oreilles, elle ne s’imagine la présence française en Algérie qu’à travers le seul souvenir des parties de pêche rapporté par son pied-noir de grand-père !

    Si le nœud de cette histoire est l’évocation par la narratrice - et pour la première fois par l’auteur elle-même - de son père torturé et abattu par la soldatesque française, l’objet de la conversation, difficile et hachée, entre la fille de fellaga, l’ancien appelé et la petite-fille de pied-noir porte, mais entre les lignes, sur la confrontation des mémoires. Cette confrontation tourne au détriment du vieil homme. Par un jeu subtil, l’Algérienne, avec qui Marie va se solidariser, s’applique à acculer le vieil homme “au bord d’un gouffre” et à lui faire “perdre l’équilibre”.

    Ce texte, certes sensible et chargé en émotions, peut paraître quelque peu décalé à l’heure où l’action des historiens et la multiplication des témoignages tendent à restituer un peu de complexité à cette page des relations franco-algériennes. Il semble même, en France du moins, que nombre d’acteurs de cette tragique histoire rompent avec cette “culture du silence” ici dénoncée. De ce point de vue, les personnages qui campent l’ex-appelé du contingent ou la descendante de pied-noir paraissent par trop caricaturaux.
    Mais enfin on ne peut pas reprocher à Maïssa Bey de ne pas avoir pu placé toute l’Algérie coloniale dans un seul et unique compartiment de la SNCF !

    Editions de l’Aube, 2002, 72 pages, 9,50€