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Littérature libyenne

  • L'herbe de la nuit

    Ibrahim al-Koni
    L'herbe de la nuit


    IbrahimAL-KONI.jpgWan Tihay, un seigneur du désert, se livre aux forces de la nuit et ne cesse d'enfreindre les règles millénaires du nomos ("la loi"). Il utilise une herbe aux vertus aphrodisiaques, transgresse les usages les plus sacrés, épouse une fille de la brousse, une esclave noire - "Quelle est futile la blancheur ! Qu'elles sont laides les femmes blanches !" -, provoquant du même coup la haine des filles nobles et la vengeance des sages de la tribu. Se protégeant de la clarté du jour sous une double tente, ne sortant qu'à la nuit tombée, s'isolant chaque jour davantage en quête de la vraie lumière, le vieillard répand le scandale.  Après Poussière d'or (Gallimard,  1998) et Le Saignement de la pierre (L'Esprit des péninsules,  1999), Ibrahim al-Koni se livre ici à une méditation aux accents philosophiques sur les méfaits des hommes, sur les ressorts de la malignité, de la jalousie, de la malveillance, du désir et de l'amour, sur le licite et l'illicite, sur l'ombre et la lumière... Cette réflexion est portée par les conversations entre le "maître de l'obscurité" et un vieux sage, esclave noir,  détenteur du secret d'éternité.  À deux reprises, ce secret sera révélé, entraînant à chaque fois de funestes conséquences.  Si le récit a pour toile de fond le désert, les croyances et les règles en usage dans une société berbère, les propos d'Ibrahim al-Koni, Lybien d'origine touarègue, résonnent aussi dans "nos" sociétés si modernes et si civilisées. Sans doute parce qu'ils sont propos de vérités... universelles et éternelles. Qui a parlé de choc des civilisations ?

    Traduit de l'arabe (Libye)  par François Zabbal, L'Esprit des péninsules,  2001, 151 p., 16,77 €

  • L’Oasis cachée

    Ibrahim Al-Kony
    L’Oasis cachée


    41VRQZ9CGWL._SL500_AA240_.jpgFort heureusement, la Libye ne se réduit pas aux intempérances polymorphes de son vieillissant et mégalomane dictateur voire aux accointances, supposées ou réelles, du pays avec le terrorisme international et encore moins à un livre unique, le fameux - en son temps du moins - Livre vert du non moins fameux Khadafi. Grâce à ses romans, l’écrivain Ibrahim al-Kony, touareg libyen partagé entre Suisse alémanique et désert saharien, tire régulièrement le lecteur de ce ronron réducteur et injuste. Si la formule de notre La Fontaine national renferme quelque crédit (“pour vous mieux contempler, demeurez au désert ”) alors il faut sans plus tarder se précipiter non seulement sur L’Oasis cachée mais aussi sur les précédents livres de cet auteur si singulier. Car Al-Kony a le don de parler des affaires du monde et parmi les plus modernes en s’inspirant de la vie au désert et de récits en apparence les plus anodins. Al-Kony conte ici l’histoire d’un homme devenu malgré lui le chef de sa tribu contrariant ainsi sa vocation de poète, son amour et même, au soir de sa vie, sa passion pour le chant d’un oiseau. Sa mort bousculera la Loi de la tribu. Cette Loi qui selon Ammamma “l’intemporel” a tué le chef aussi sûrement que ce “couteau qui a pour nom : cela ne se fait pas ”. Mais, selon une prophétie, le défunt, après avoir été possédé de son vivant par la tribu, la possédera à son tour dans la mort. Rapportées par la bouche d’une jeune vierge qui deviendra la prêtresse du tombeau, les prophéties du chef se succèdent et bouleversent l’ordre ancestral à commencer par cette décision prise par les anciens de séjourner à jamais près du disparu et donc de renoncer à l’errance : “nous guiderons aujourd’hui nos vies sur la lueur venue du tombeau”.

    Dans ce dialogue souvent énigmatique - fait de légendes, d’ancestrales sagesses et de paraboles - entre le monde des vivants et l’“Autre monde”, l’augure de la tribu accomplira, guidé par le défunt chef, un voyage “vers la hamada du couchant”. Ce voyage qui, dans le contexte politique et littéraire du monde arabe et nord africain, n’est pas sans significations iconoclastes et vertus libératrices, sera pour l’augure une épreuve pour le conduire à se “défaire de l’antique fardeau”, à se “libérer des chaînes de la raison”, à cesser de “s’identifier toujours au peuple de la hamada du levant et [de s’agripper] encore aux chaînes de l’esclavage”.
    La quête de l’oasis cachée devra-t-elle emprunter cette direction ou bien serait-elle là où, autour de la tombe du chef, est née une oasis prospère ? Ibrahim Al Kony, lui, ce berbère qui a appris à écrire en arabe à l’âge de douze ans, a choisi, sans rien renier de lui-même, de s’ouvrir à l’universalité en plaçant son roman sous l’égide de Pascal, de Faulkner, de Schopenhauer, de Virgile, de penseurs chinois et hindous.

    Edition Phébus, 2002, 181 pages, 18 €