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BOUDJEDIA Nor Eddine

  • Little Big Bougnoule

    Nor Eddine Boudjedia

    Little Big Bougnoule

     

    publication_i_1_1176.jpgNor Eddine Boudjedia est conseiller d’éducation et enseignant à l’IUFM et signait là son premier, et pour l'heure, son unique roman. Il y raconte le voyage d’un architecte, parfaitement intégré, vers le pays d’origine, l’Algérie de ses parents. Thème nullement nouveau en littérature mais que Nor Eddine Boudjedia aborde avec sincérité, une écriture maîtrisée, émouvante et sans boursouflures.

    Pas facile d’ailleurs de (re)venir au bled : qu’est ce qu’on vient y chercher et pourquoi ? Qu’est-ce qu’on y trouve ? Qu’est-ce que l’on apprend sur soi-même, sur les siens et sur les autres ? Autant d’interrogations et tant d’autres qui trottent dans la tête du narrateur et au bout de la plume de l’auteur. Une chose est sûre ce narrateur n’a « aucune envie de tuer l’Arabe, même inconsciemment… ». Il est d’une filiation, celle qui le rattache à l’émigration-immigration, « cette chaîne humaine faîte de dénuement et de courage ». De ça au moins il n’y a pas de doute, mais après, les eaux mêlées qui traversent le personnage en font un être insaisissable, décalé : « des enfants me dévisagent et j’ai le sentiment désagréable qu’ils se foutent de ma gueule blanche et de ma tenue de citadin. À la rigueur j’aurai souhaité ressembler à un aviateur, à Saint-Ex par exemple, à un officier britannique, à Lawrence d’Arabie, pourquoi pas ? Je ne ressemble qu’à un pas du tout d’ici et à un plus tout à fait d’ailleurs, bref à un con anachronique. » Et au cœur de la sempiternelle interrogation, « N’ta Roumi oula Migri ? », il n’y a que le piège. L’impossible réponse. Une sourde révolte. Un mur d’incompréhension. La solitude. Difficile de déchiffrer « les joies et les douleurs d’un homme hybride qui n’ose encore creuser le sable pour retrouver les empreintes de sa mémoire fossile ».

    Et pourtant l’exploration des méandres de la mémoire (bel hommage rendu au père et à la mère) comme des cicatrices cachées ou inavouables (la guerre d’Algérie, le personnage de Mozart né d’un viol) se fera de concert avec la découverte de l’hospitalité, de l’humanité et de la générosité,  « la tendresse et l’amitié, sans doute l’amour, ne portent pas de voile ». Le narrateur apprivoise les codes et les conversations autres, le déplacement des centres d’intérêt, des préoccupations, du regard porté, le jeu différent des représentations, des postures et des séductions. Il faut le croire quand au bout du chemin il y a cette enfin sereine acceptation : « Nous devons comprendre et enfin accepter que nos vies soient une succession d’accidents fortuits, de déflorations commises à chaque recoin de notre histoire. »

    Comme d’autres avant lui, nés de la migration et du mouvement, le néant est peut-être au bout de ce chemin : « Rien ne me soulagerait autant que l’ignorance de ce qui s’est tramé sous nos yeux, que l’amnésie qui libère des douleurs, que l’amnésie qui éloigne les rancœurs. Pourtant… » Pourtant et pour l’heure cette plongée dans la mémoire des origines débouche sur la dissolution de l’ego dans un monde insoupçonné. Celui de l’histoire des hommes et des siècles : « Tous ces morts vivent en toi et tu les exhumes à chacune de tes impulsions. » La redécouverte d’une énergie, celle des origines, celle qui permet à l’être nouveau, l’hybride aux eaux mêlées de rester droit et de fixer l’horizon. Loin devant.

     

    Edition Anne Carrière, 2005, 170 pages, 16 €