Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

BD

  • Peyi an nou

    Jessica Oublié et Marie-Ange Rousseau

    Peyi an nou

     

    peyi an nou couv gif.gifBD reportage, BD documentaire, particulièrement documentée même, où l’histoire familiale de Jessica Oublié (mère guadeloupéenne, père martiniquais) rejoint l’histoire migratoire nationale, où les silences parfois agacés des ainés laissent les générations d’après comme orphelines, où les non dits, et parfois les mensonges de la France administrative et politique fabriquent des citoyens ignorants, partant possiblement hostiles. Peyi an nou raconte l’exil de ces Antillaises et Antillais embarqués dans les années 60 et 70 pour venir se les geler et trimer en métropole. Bien sûr, ceux-là, à la différence des enfants de la Réunion - chers à Michel Debré soi-même[1] - ou des travailleurs indochinois des années 40[2], on ne les a pas forcés. Juste incités. Et, comme toujours, en matière de migrations, la France est-là pour rendre service. Aujourd’hui ne prétend-on pas accueillir « toute » (sic) « la misère du monde » (resic), servir un plat de lentilles aux démunis ? Hier, il s’agissait d’offrir des perspectives de travail, des formations et des plans de carrière à faire pâlir de surprise et rougir de confusion le premier Antillais venu. Bonne mère, la France préfère exposer à la face du monde, son grand cœur ; par pudeur sans doute, elle tait ses petits besoins. Des besoins que l’Etat et le patronat satisferont des années durant en allant – autre temps autre mœurs – assouvir leur appétit de main d’œuvre en Europe du Sud, en Afrique du Nord, du côté des Antilles, de la Réunion et, dans une moindre mesure, de la Guyane. Qu’importe aux dirigeants politiques et économiques les remontés gastriques et les indigestions. La responsabilité, dont les uns et les autres se gargarisent à longueur de prêches, tient en une formule, davantage royale que biblique, « après moi le déluge ».

    peyi an nou 3 gif.gifIl faut dire que sous les cocotiers la pression démographique, plus encore que le savoureux ty punch, avait de quoi faire tourner la tête de nos « responsables » politiques. Pas loin de six enfants en moyenne par martiniquaise et guadeloupéenne dans les années 1960- 64. En revanche, si les bras ne manquaient pas, le travail, lui, se faisait rare. Pas très bon pour le moral des troupes et comme ferment contestataire - voire indépendantiste - y’a pas mieux. Alors, pourquoi ne pas faire miroiter une place au soleil des Trente glorieuses ? Résultat, dès les années 50 et jusqu’au mitan des années 70, les Antilles deviennent terres d’émigration. A Paris, à l’heure des yéyés, la biguine et ses avatars s’apprêtent à reprendre des couleurs. Tout fut organisé par les différents gouvernements pour faire venir les Antillais. « Nos responsables » politiques se sont retroussés les manches et trémoussés d’importance pour amblousser nos concitoyens ultramarins. Jusqu’à payer à chacun et chacune son voyage. Aller seulement… point trop n’en faut tout de même. Crée en 1963, le Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer (Bumidom) fut au cœur du dispositif réglementaire et administratif. Mais, comme souvent en matière migratoire, il y a loin de la coupe aux lèvres et les belles promesses se briseront sur le mur (ou le dur pépin) de la réalité : les emplois seront subalternes, la paie maigrichonne, les formations faiblardes, la promo rachitique et le logement riquiqui. A la poste, dans la police, dans les hôpitaux et les autres administrations publiques, il n’y eut pas de quoi entretenir le vertige méritocratique. Tout partit en eaux de boudin. Pas bégueules, les Antillais, qui s’y connaissent eux en boudins, firent avec. Comme d’autres.

    C’est cette longue histoire que racontent Jessica Oublié pour le texte et Marie-Ange Rousseau pour les dessins. Une enquête de deux ans, précise, riche en témoignages et entretiens avec de nombreux spécialistes (dont Françoise Vergès, Sylvain Pattieu, Anton Perdoncin, Stéphanie Condon, Ary Broussillon, Claude Valentin-Marie ou Pap Ndiye), une enquête, à cheval entre les Antilles et la métropole, menée auprès de rien moins que trois générations : celle des « migrants », celles des premières et des deuxièmes générations en y incluant, pour chacune de ces dernières, « les métisses ». Car derrière ce travail d’investigation sur le premier âge de l’émigration antillaise, les auteures lèvent le voile sur les conséquences - aux Antilles, sur les hommes et les femmes exilés - de politiques à courte vue ; de politiques honteuses. Il est question du mécontentement in situ, des luttes et mobilisations des populations, comme du « développement contrarié » des Antilles. On estime qu’entre 1967 et 1974, la Guadeloupe et la Martinique ont perdu respectivement 39 000 et 40 000 habitants, soit près de 12 % de leur population résidente. Il y a donc l’Histoire et il y a l’intime, fait de « fissures » dans les généalogies, de bricolage culturel ce que d’autres nomment les recompositions identitaires, de fidélités et de l’émancipation des plus jeunes, sans forligner - le fameux héritage sans testament. Les auteures évoquent aussi le cas de ces Antillais passés par la case Bumidon et qui, azimutés, se coltinent depuis souffrances, mésestime de soi et autres troubles psychologiques. Jessica Oublié et Marie-Ange Rousseau ne négligent pas les aspects culturels : mode de vie, cuisine, proverbes, langue créole etc. Elles offrent ainsi quelques plages de respiration, restituent aux protagonistes de cette histoire leur part d’humanité, ou, plus simplement, cette dimension humaine faites d’émotions, de quotidien, de parcours, de partage, etc.

    peyi.gifEn ouvrant l’album, on craint une présentation par trop didactique et démonstrative mais très vite, la bédé, texte et dessins, trouve son rythme et dégage un parfum de… familiarité. Familiarité avec « nos » deux protagonistes qui, d’entrée et tout du long, se mettent en scène et mettent en scène leur travail, sa progression, les rencontres, entretiens et voyages. Cela donne une bande dessinée colorée, vives, pétillantes d’informations et de spontanéité. Quinze chapitres, tous introduits en créole, structurent le récit. Le découpage, en mode vivace, est servi par une ligne épurée, légère. Les dessins, où dominent portraits et visages, participent de l’humour de cet album.

    La population antillaise comptent aujourd’hui quelques 386 000 personnes installés, avec plus ou moins de bonheur, dans ce Peyi an nou, à tout le moins dans « un pays qu’ils pensaient être le leur » comme l’écrit Jessica Oublié. Si l’émigration n’a pas permis d’aider au développement des Antilles, il est un fait incontournable, elle a élargi l’espace de vie et de reproduction, l’espace de culture et de création des Antillais, bien au-delà des territoires d’origine. Faisant, ici encore, de la France, de toute la France, un peyi an nou, qu’il faudra bien construire. Volens nolens.

    Steinkis, 2007, 208 pages, 20€

     

    [1] Eugène Durif, Laisse les hommes pleurer, éd. Actes Sud, 2008 et Ivan Jablonka, Enfants en exil, transfert de pupilles réunionnais en métropole (1963-1982), Seuil 2007.

    [2] Pierre Daum, Immigrés de force. Les travailleurs indochinois de France (1939-1952). Préface de Gilles Manceron. Edition Solin-Actes Sud, 2009 et Pierre Daum, Clément Baloup, Les Linh Tho’. Immigrés de Force. Mémoires de Viet Kieu. Préface de Benjamin Stora, La Boîte à Bulles 2017

  • Sympathie pour les "fantômes" du 17 octobre 1961

    Didier Daeninckx, Octobre noir  et Kader Attia, Réfléchir la mémoire

     

    Didier-Daeninckx.jpgOctobre noir revisite la manifestation des immigrés algériens à Paris le 17 octobre 1961. Le texte est signé Daeninckx et les planches, remarquables, Mako (Lionel Makowski). Le décor est sombre et nocturne (Laurent Houssin est aux couleurs), le dessin est réaliste, vif et expressif, tour à tour menaçant, terrible, poignant. Au réalisme des images, Daeninckx ajoute une dimension fictionnelle, une ouverture par le texte sur une époque.

    Nous sommes donc au début des années 60. Blouson noir, banane, gomina and… rock & roll ! Vincent chante dans le groupe des Gold Star. La répétition se termine tard, juste avant le dernier métro et le dernier petit trou pour le débonnaire poinçonneur de la station. Un autre temps.

    Vincent s’en retourne chez lui, des rêves plein la tête. Dans deux jours, le 17 octobre 1961, avec ses potes, il doit participer à un tremplin de rock au Golf Drouot, à la clef : l’illustre scène de l’Olympia. La "concurrence" est rude. Imaginez : Les Chaussettes noires d’un certain Eddy Mitchell et Les Chats sauvages de Dick Rivers ! Sur le chemin qui le conduit du côté de Saint-Denis, Vincent tombe sur deux flics en civil qui démolissent un Algérien avant de balancer le corps dans la Seine. Vincent court chez lui. Il habite, avec ses parents et sa sœur, une chambre d’hôtel. Un hôtel d’immigrés algériens. Vincent s’appelle en fait Mohand.

    Le 17 octobre 1961, c’est justement le soir où le FLN exige des Algériens de sortir manifester. Tous les Algériens. Sans appel. Contrevenir expose au pire et ferait rejaillir la honte sur les siens. Pourtant, justement ce soir-là, Mohand, alias Vincent, ne peut manquer son rendez-vous au Golf Dourot… Un dilemme. Un dilemme qui sera bientôt suivi par un autre sentiment : la culpabilité.

    A cette trame, la BD adapte un fait réel : la disparition d’une manifestante de 15 ans, Fatima Bédar, retrouvée morte quelques jours après la manifestation. Ici la gamine s’appelle Khelloudja, elle est la sœur de Mohand. Désobéissant à ses parents, elle a rejoint le cortège qui défile sous la pluie... Mohand partira à la recherche de sa sœur.
    En postface, Didier Daeninckx reproduit une nouvelle (Fatima pour mémoire, publié dans le recueil 17 octobre 17 écrivains, édition Au nom de la mémoire) consacrée justement à Fatima Bédar et à sa disparition. Octobre noir se referme sur la liste des "morts et disparus à Paris et dans la région parisienne" en septembre et octobre 1961. Jean Luc Einaudi, l’auteur de La Bataille de Paris (Seuil), en avait dressé le long et pénible cortège.

     

    Kader Attia, Yto Barrada, Ulla von Brandenburg, Barthélémy Toguo sont les quatre finalistes du prix Marcel Duchamp 2016 au Centre Pompidou-Paris qui sera décerné le 18 octobre au Centre Pompidou-Paris.

    Avec Réfléchir la mémoire, Kader Attia invite à transposer dans nos sociétés le phénomène du membre fantôme, cette sensation que le membre manquant reste lié au corps après une amputation. « Le monde est fait de fantômes » dit Kader Attia, faisant notamment référence à ces Algériens assassinés le 17 octobre 1961 mais aussi à tous ces fantômes du passé, ces oubliés de l’histoire, toujours présents, que sont les victimes de l’esclavage, du colonialisme ou du génocide. On pense aussi à la figure littéraire (et musicale) utilisée par Michaël Ferrier dans Sympathie pour le fantôme (Gallimard 2010).

    Kader Attia est né à Dugny en 1970. Artiste phare de sa génération, ses créations sont inspirées de sa biographie familiale, il y interroge le déracinement, la rencontre, l’identité, la mémoire…

    Pour info (utile), l’artiste vient d’ouvrir un « espace de pensée libre et indépendant » du côté de la Gare du Nord baptisé La Colonie au 128 rue Lafayette dans le 10e arrondissement de Paris. Il entend y mêler expressions et réflexions, créations et théorisations, art et politique et ce, autour d’un couscous (restaurant) ou d’un verre (bar).

    Après l’inauguration prévue le 17 octobre, il animera aux côtés de Michelangelo Pistoletto une première conférence le 21 octobre à 18h30.

     

    Didier Daeninckx et Mako. Préface de Benjamin Stora, Octobre noir. Edition Ad Libris, 2011, 60 pages

     

    A écouter : un entretien avec Didier Daeninckx

    http://www.histoire-immigration.fr/magazine/2014/6/octobre-noir

     

    ► A voir Réfléchir la mémoire, 2016 dans le cadre de l’Exposition collective des artistes nommés au prix Marcel Duchamp 2016, au Centre Pompidou-Paris, du 12 octobre 2016 au 29 janvier 2017. Le lauréat sera annoncé le mardi 18 octobre au Centre Pompidou.

     

  • Atar Gull. Ou le destin d’un esclave modèle

    Fabien Nury (scénario), Brüno (dessin)

    Atar Gull. Ou le destin d’un esclave modèle

     

    3590471773.jpgLe captivant scénario de cette BD est une adaptation fidèle du roman d’Eugène Sue paru en 1831. Atar Gull raconte le destin du fils du roi de la tribu des Petits Namaquas, réduit à la condition d’esclave dans une plantation de la Jamaïque et qui, prisonnier d’une terrible soif de vengeance, sombrera dans une folie meurtrière tout en suscitant l’admiration pour son dévouement et sa servilité apparente. Car cet Atar Gull, sorte de gigantesque armoire à glace, est un malin, une personnalité double, complexe. Ici, l’esclave n’est pas plus sympathique que le maître. Ce qui donne à ce récit et aux dessins de Brüno un aspect effrayant qui tient le lecteur en haleine jusqu’à la dernière planche.

    Le livre s’ouvre sur la traite négrière. Encore enfant, Atar Gull a fait le serment de ne jamais pleurer. Même pas quand les siens, capturés par la tribu rivale des Grands Namaquas, sont revendus aux négriers blancs. Ce commerce du « bois d’ébène » est ici particulièrement bien décrit, de manière clinique, froide et les dessins vont à l’essentiel. Nous sommes en 1830, le capitaine Benoit s’adonne aux juteux commerce triangulaire sur son brick « Catherine », prénom de sa dulcinée restée à Nantes, où elle calme sa peine et ses ardeurs avec le médecin de famille. Sur terre, Paul Van Harp exerce son terrible et lucratif office d’intermédiaire entre les tribus africaines et les marchands. Il y a même dans les parages un certain Brulart, pirate cruel qui guette les navires lourds de leur « chargement » qui s’éloignent de la côte africaine. Pour pas un sou, juste quelques coups de canon et de fusils, il s’empare de la « marchandise » et du bateau. La traversée est effroyable : sur une bonne centaine de « nègres » il n’en reste que 17 à l’arrivée. Comme disent ces messieurs : le « déchet » est énorme!

    Le solide Atar Gull est acheté par un certain Tom Will. Le planteur est un humaniste qui préfère la bienveillance à la force pour gérer son petit monde d’esclaves. Mais l’économie dicte ses règles : un vieillard incapable de travailler est « une perte considérable » et doit être expédié ad patres. Question de comptabilité ! Il suffit de l’accuser de vol et hop ! ni une ni deux  on le pend à un arbre. Cela arrive aussi sur la plantation du « bon » Tom Will. Manque de chance, le vieillard n’est autre que le père de « l’esclave modèle » Atar Gull. L’homme, fidèle à son lointain serment, ne pleure pas. Il décide de se venger. Sa vengeance sera inexorable, injuste, cruelle. Emportant tout avec elle, jusqu’à sa raison. L’intensité dramatique est constante. Et bien sûr cette longue chaîne qui part de Benoit et file jusqu’à Will en passant par Van Harp, est constituée de personnes respectables, d’époux fidèles et de père attentif au devenir de leur fille. Les « civilisés » ce sont eux. Quant à Atar Gull il ne vaut pas plus cher que ces esclavagistes de bon aloi. Tout cela est sombre et à désespérer de l’espèce !

    Cette BD est une réussite sur le plan historique comme sur le plan narratif. Tout y est : le commerce d’esclaves, la traversée, une bataille navale, le marché aux esclaves, l’organisation du travail dans la plantation, la société des planteurs et les festivités coloniales et même Nantes sous la neige. Et tout est admirablement rendu par les dessins de Brüno.

     

    Dargaud 2011, 88 pages, 16,95€

  • Les Enfants de Jessica. Tome 2 – Jours de deuil

    Luc Brunschwig et Laurent Hirn

    Les Enfants de Jessica. Tome 2 – Jours de deuil

     

    20121025202544_t2.jpgAu centre du récit, un mouvement de légitime défense, le mouvement Logan’s, organisé en milices. Soucieux de restaurer « le rêve » américain,  ses militants agressent les « migrants de l’intérieur » qui depuis six ans s’installent à New York, à commencer par les immigrés arabes et autres « parasites », histoire de les renvoyer chez eux, de les chasser notamment de ces « immeubles Ruppert » où ils logent, du nom de la secrétaire d’Etat aux affaires sociales du président démocrate Lou Mac Arthur. Jessica Ruppert incarne un tournant dans la politique économique et sociale étasunienne, l’expérimentation de mesures nouvelles qui ambitionnent rien moins que de remettre en question l’« American way of life » au nom de la justice sociale et des impératifs écologiques. Voilà de quoi accuser la présidence et de son administration de « communisme », d’en faire la cible de tous les mécontents : xénophobes de tous poils, banquiers, milieux politiques et même quelques parrains de la maffia. Cela fait beaucoup…

    Ainsi, le projet de l’administration américaine n’est pas du goût de la finance internationale, de ceux qui tiennent les Etats par le poids de leurs dettes contractées. Les banques centrales chinoise, européenne et japonaise ne mettent pas de gants pour faire comprendre au président Mac Arthur qu’il vaudrait mieux pour lui abandonner ses velléités sociales, et fissa ! sinon gare : plus de crédits et remboursement immédiat des 1 057 000 000 000  dollars de dette ! Que vaut une secrétaire d’Etat intègre et soucieuse du bien être de ses concitoyens face à la finance mondiale  et à quelques autres officines interlopes ? Rien ! Peanuts ! Le coup de poignard viendra de ses propres amis et sénateurs démocrates…  

    Dans le même temps, des attaques de trains d’immigrants provoquent des dizaines de morts et un certain Colin Strongstone est condamné à cinq ans de prison pour avoir lâché une meute de Pitbull affamés contre les locataires d’un immeuble Ruppert. Colin Strongstone, Afro-américain, brillantissime diplômé d’une école de commerce, se réclame de Logan et prétend  avoir défendu les intérêts de ses parents, dont les maigres économies, un immeuble à New York, ont fondu comme neige au soleil après l’installation à proximité d’un de ces « immeubles Ruppert » pour migrants. Ainsi le « rêve américain »  à la sauce libérale n’est pas uniquement une illusion de Blancs et de dominants, et ce geste pourrait préfigurer les contours d’une nouvelle guerre, celle que des pauvres mènent contre un peu plus pauvre que soi.

    Sur cette toile de fonds, scénario et dessins croisent les sujets et les personnages - jusqu’à perdre parfois le lecteur - reviennent aussi sur une histoire commencée il y a dix ans avec Le Pouvoirs des Innocents (cinq albums), poursuivi avec le tome 1 des Enfants de Jessica (Le discours) et Car l’enfer est ici. On y retrouve Joshua Logan. Emprisonné, il clame son innocence et est malade d’être devenu, malgré lui, le symbole d’une cause qu’il réprouve. Il y a aussi Amy, la jeune orpheline, celle que Logan rencontra dans un hôpital psychiatrique. Elle fait le lien entre ce dernier, Jessica Ruppert sa mère adoptive et le jeune Salim, un enfant  d’origine syrienne dont la mère a été abattue dans sa boutique quelques années plus tôt et dont le père vient à son tour d’être assassiné.

    Dans cette livraison, tandis que quelques politiciens et autres maffieux se frottent les mains, le temps de la contestation et de la mobilisation en faveur de Jessica Ruppert se met en place. A l’enterrement des dernières victimes du mouvement Logan’s, il est question d’une pétition et même d’une marche sur Washington.

    Les planches de Laurent Hirn offre une riche variété, alternant gros plans et plans larges, couleurs - avec dominance des ocres, marrons et autres bleus - et noir et blanc, lumière et pénombre… Le coup de crayon est précis, classique, particulièrement expressif, dynamique, à l’unisson d’un scénario animé et excitant. Cette livraison comprend un cahier graphique de 12 pages, un « Making off » qui offre l’opportunité de saisir le travail et les méthodes des auteurs : l’importance du découpage ou l’utilisation de la 3D pour Hirn, les contraintes du scénario ou le travail sur la psychologie des personnages chez Brunschwig.

     

    Futuropolis 2012, 64 pages, 13€

  • L’Appel des origines. Harlem.

    Joël Callède (Scénariste), Gael Séjourné (Dessinateur)

    L’Appel des origines. Harlem.

    3134298274.jpgVoici le premier volet d’une BD signée Callède et Séjourné, les deux compères à qui l’on doit déjà Tatanka. Dans le Harlem des années 20, les Etats-Unis de la belle Anna ne sont pas encore ceux du président Obama. La jeune fille est une métisse (elle aussi). Une blanche pour les Noirs et une noire pour les Blancs. Rejetée par les uns et par les autres. Pas tous bien sûr. Mais cela ne facilite pas la résolution des questions existentielles. Ici, l’entrelacs des origines et le miroir des différences n’aident pas à trouver sa place et à déterminer qui l’on est. « Depuis que je suis née, on me traite de « mal blanchie », de « face de craie » ! Trop blanche pour mes frères noirs et trop noire pour vous » dit elle à un aréopage de producteurs bedonnants et blancs.

    Anna aide son oncle et sa tante au Benny’s Diner, le restaurant de la 135e rue où la petite famille sert des travers de porc sauce bayou au trois épices accompagnés d’une purée de patates douces comme nulle part ailleurs à Harlem. La jeune fille a toujours cru que son père était mort. Jusqu’au jour où Mama Jo, sa grand-mère lui apprend la vérité sur son passé. Anna est la fille de Rose et de Clarence Whitmore, le fils aîné d’un satrape du Mississippi qui continuait, sur ses plantations, à traiter ses ouvriers comme au temps pas si lointain de l’esclavage. Pour le père Whitmore, l’amour contre nature de son rejeton et d’une négresse était inimaginable. Fou de rage, il organisa une expédition punitive provoquant la mort de Rose et le départ du reste de la famille vers Harlem.

    C’est la lecture d’un article de journal qui apprend à Anna que son père est en vie et qu’il est installé comme guide et chasseur de fauves en Afrique. Elle décide alors de partir à sa recherche. Aidé par Simon, un anthropologue du Muséum d’Histoire Naturelle déjà enamouré, nos deux tourtereaux embarquent pour une double quête des origines, celle du père pour Anna et celle de l’humanité pour Simon.

    Cette première partie d’un triptyque a pour cadre le Harlem de la prohibition. Tandis que les Blancs s’encanaillent au Cotton Club qui vient d’ouvrir ses portes, les Noirs du cru se retrouvent au Blue Diamond. Le jazz, métis et ternaire, court de club en club. Les mélodies de Duke Ellington, la rythmique de Sony Greer ou le « Stormy Weather » d’Ethel Waters fusent des sous sols des speakeasies clandestins tandis que la pègre veille au grain.

    Un scénario documenté qui tient la route, porté par la puissance des dessins et le chatoiement des couleurs où le bleu nuit, celui du Harlem noctambule, domine. Ici tout est précis, expressif et suggestif. Prochain rendez-vous, l’Afrique lumineuse et le mystère des origines.

     

    Edition Vents d’Ouest 2011. 56 pages, 13,50€

  • Le Cahier à fleurs, Tome 2 - Dernière mesure

    Laurent Galandon et Viviane Nicaise

    Le Cahier à fleurs, Tome 2-Dernière mesure

     

    CahieraFleurs.jpgEn 2009, Paolo Cossi publiait Le Grand Mal (Dargaud) une BD en noir et blanc sur le génocide arménien. Laurent Galandon pour le texte et Viviane Nicaise pour le dessin abordent une fois de plus le sujet avec un scénario moins ambitieux que le premier. Dans ce diptyque, dont le premier tome est paru en 2010, la dimension historique (persécutions, massacres, déportations…) pour être présente sert de toile de fond à l’histoire des personnages : Mayranouche et son frère Dikran ; Hasmet Erdem accompagné de son père Salim.

    Dans le premier tome, le récit s’ouvre sur un concert donné en 1983 à Paris. Il se referme ici sur un autre concert programmé quelques mois plus tard dans la même ville. Entre ces deux rendez-vous musicaux, une rencontre inattendue rassemble le brillant concertiste (Hasmet Erdem) et un vieux et fragile spectateur (Dikran). Un lien relie les deux hommes, un lien symbolisé par une vieille partition et un air de musique. Pourtant, le jeune violoniste est un turc versé dans le négationnisme, à tout le moins dans  le relativisme, et le vieillard, un rescapé arménien du génocide. C’est lui qui raconte à Hasmet Erdem une bien étrange histoire. L’histoire d’une partition et de quelques notes échappées de l’enfer.

    Le récit entremêle les périodes, passant de l’année 1983 à l’Anatolie des années 1915. Si l’on doutait encore de la nécessité de se souvenir, la question posée par Dikran à Hasmet aidera à convaincre peut-être les plus indécis : « savez-vous ce qu’Hitler a dit le 22 août 1939 avant d’attaquer la Pologne et d’engager l’extermination du peuple juif ? : (…) Qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? ». « Devoir de mémoire » donc selon la formule convenue mais aussi illusion des origines et des identités. Le Cahier à fleurs montre que l’histoire et les hommes ne cessent de se mélanger et de s’influencer les uns les autres. Les auteurs renvoient les idéologues de la pureté, en treillis ou en complet veston, à leurs folie et à leurs illusions. De ce point de vue, Le Cahier à fleurs est un écho  au Livre de ma grand-mère de Fethiye Çetin (éd. de l’Aube, 2008).

    Le trait classique et réaliste des dessins de Viviane Nicaise évolue dans des planches colorées et sensibles où dominent tantôt le bleu nuit tantôt l’ocre de Jérôme Maffre.

    La collection Grand Angle chez Bamboo braque régulièrement ses objectifs sur les questions de mémoire et d’identité. Ainsi son catalogue compte notamment des BD sur la Shoah (l’Envolée sauvage), la guerre d’Algérie ( Tahya-el-Djazaïr) ou l’Occupation et la question des identités (L'Enfant maudit).

     

    Bamboo Edition, Collection : Grand Angle, 2011, 48 pages, 13,50 €

  • Championzé

     

    Eddy Vaccaro & Aurélien Ducoudray

    Championzé

     

    championze.jpgQui pourrait aujourd’hui imaginer le sport tricolore sans ses athlètes noirs ? Un rapide survol et voilà que les Blacks de France font résonner les cocoricos du coq gaulois urbi et orbi. Au football bien sûr, mais aussi sur les stades d’athlétisme, dans les arts martiaux, le basket-ball, le handball, le volley et depuis peu le rugby. Le tennis reprend des couleurs grâce à  Monfils et à Tsonga héritiers de l’illustre Yannick Noah… la liste, bien sûr, n’est pas exhaustive. Pourtant, il y a quelques années, la Licra publiait un rapport où elle s’inquiétait des « dérives racistes »  dans le sport, et tout spécialement dans le football ! Le racisme et le sport, voilà un couple qui a la vie dure et les choses ne semblent pas s’améliorer au vu des différentes affaires qui défraient la chronique sportive ces dernières années.

    Qui connait celui qui fut le premier champion français noir ? Il s’appelait Amadou M’Barick Fall, surnommé Siki, il fut champion du monde de boxe le 24 septembre 1922. 1922 ! L’année où le marocain Abd-el Krim proclamait l’indépendance du Rif. L’année aussi où la France entamait la construction de la Mosquée de Paris pour « ses » soldats musulmans tombés durant la Première guerre mondiale. Amadou M’Barick Fall en était, lui, du champ de bataille, et du genre courageux : médaillé de la Croix de guerre et du mérite.

    Mais voilà donc que ce Noir, Français, puisque né à Saint-Louis du Sénégal en 1897, alors sous domination française, musulman qui ne dédaignera pas plus tard la bouteille, envoie au tapis, au sixième round grâce à un uppercut appuyé, l’idole et la fierté nationales : Georges Carpentier soi-même, ci-devant champion du monde, à la peau majestueusement blanche devant l’Eternel ! Un « cataclysme » selon le mot de Jean-Marie Bretagne qui consacra une biographie à Siki il y a quelques années (1). Un cataclysme tel dans la France coloniale que l’arbitre de la rencontre prétendra que Battling Siki aurait… triché. Allez savoir pourquoi, les quarante mille spectateurs qui assistaient à la rencontre à Montrouge protestèrent ! Et bruyamment ! Contraignant l’arbitre à accorder la victoire à qui de droit.

    Battling Siki atteint donc la plus haute marche. Pour son plus grand malheur. Car à l’époque on ne plaisante pas avec la suprématie de la « race » blanche sur la « race » noire » ! D’autant plus que celui qu’on surnomme Championzé, autrement dit « le champion des chimpanzés », refuse de jouer le jeu. N’ayant plus rien à attendre du vieux continent, il file aux Etats-Unis espérant affronter Jack Dempsey, le champion du monde poids lourds.  Il y subira les mêmes attaques, les mêmes sarcasmes et on lui refusera de boxer. Battling Siki  ne baisse pas la garde et chatouille là où ça fait mal : «Vous avez une statue de la Liberté ici, mais c'est un mensonge. » Il se rebiffe et en remontre aux racistes de tous poils, il multiplie les provocations, et suprême sacrilège, épouse une seconde femme, blanche bien sûr.

    49313848.jpg

    C’est cette histoire que viennent de mettre en bande dessinée Eddy Vaccaro (pour les dessins) et Aurélien Ducoudray (pour le texte). Ils suivent au plus près le parcours exceptionnel de ce gamin du Sénégal, ce Français des colonies, abattu dans une rue de New York en 1925. Efficaces, les textes et les dessins s’attachent à rendre l’atmosphère d’une époque, l’injustice subie, les torts infligés, les remugles nauséeux d’un occident qui prétendait apporter la civilisation au reste du monde ! Tout cela est fait sans forcer le trait. De manière légère, fluide sans pesanteur idéologique ni accusation. Le coup de crayon est alerte, multiplie les sujets et planches originales.

    A l’heure où le corps du champion français est expédié à la morgue de Harlem, Pétain mate la rébellion des Berbères du Rif à l’ypérite, la Mosquée de Paris finit de se construire dans un Paris de l’entre-deux guerre qui commence à s’enthousiasmer pour une nouvelle idole : Joséphine Baker.

    1- Jean-Marie Bretagne, Battling Siki, Éditeur Philippe Rey, coll. À Tombeau Ouvert, 2008

     

    Futuropolis, 2010, 127 pages, 20€

     

  • Opération Ironclad

    Appollo (scénario) & Brüno (dessin)
    Commando Colonial (T1) Opération Ironclad

    9782205060645.jpg1942, le premier maître Maurice Rivière des Forces Françaises libres est en opération sur le sol algérien quand une nouvelle mission lui est confiée. Sous les ordres du major Antoine Robillard, il doit jauger le potentiel des forces gaullistes sur l’île de Madagascar tenue par l’administration vichyste. L’Opération Ironclad c’est la seconde guerre mondiale en terre coloniale. Les zoulous de la couronne britannique sont opposés aux tirailleurs sénégalais de la république française sous le regard philosophe d’un pioupiou malgache qui attend, lui, que cela se passe. Robillard est lui-même Mauricien et Rivière, Réunionnais. Les deux héros vont bien rencontrer un cercle de gaullistes, mais très vite ils comprennent que ces colons s’intéressent davantage aux retombées économiques et commerciales de leur possible engagement qu’à l’issue politique du conflit. Et puis surtout qu’on ne vienne pas leur bousculer leur petit ordre colonial ! Déjà qu’une organisation indépendantiste appelée Spartacus s’agite dans l’ombre et s’offre à aider les forces gaullistes… Pour l’heure ce sont les Britanniques qui mènent la danse et l’image des Français va s’en trouver passablement écornée chez les indigènes.
    Le récit, pour être ténu quant à cet arrière-fond historique, tient de bout en bout. Livrant ce qu’il faut de l’originalité de la Seconde guerre mondiale menée dans une colonie française. Par la psychologie des personnages et les rebondissements du récit, les auteurs tiennent leur lecteur en haleine. Le trait et les dessins de Brüno donnent dans l’épure, les couleurs signées Laurence Croix réchauffent un texte juste et un tantinet persifleur.

    Edition Dargaud, Collection Poisson Pilote, 2008, 48 pages, 10,40 €

  • Paroles Sans papiers

    Paroles Sans papiers (Collectif) 

     

    9782756010854.jpgParoles Sans papiers est une bande dessinée mais pas seulement. Si au cœur du livre il y a bien neuf témoignages, livrés ici par neuf dessinateurs, la volonté d’Alfred et David Chauvel qui ont coordonné cette initiative et du rédacteur, Michaël Le Galli, est militante. À tout le moins, ils veulent « tenter de faire comprendre une réalité qui nous concerne tous ».
    L’ouvrage s’ouvre d’ailleurs sur une préface pugnace d’Emmanuelle Béart, déjà présente aux côtés des Sans-papiers en 1996 lors de l’évacuation manu militari de l’église Saint-Bernard suivie du témoignage de José Munoz, dessinateur d’origine argentine. Il se referme sur un petit dossier d’une dizaine de pages consacré à l’immigration en France et tout spécialement aux Sans-papiers (chronologie des luttes, évolution juridique, mesures policières, réalité et fantasmes…).

    Au cœur de l’ouvrage, les récits-dessins sont signés Lorenzo Mattotti, Gipi, Frederik Peeters, Pierre Place, Alfred, Brüno, Kokor, Jouvray et Cyril Pedrosa. L’ensemble est plutôt une réussite, même si parfois le côté militant et donc par trop démonstratif, dérange.

    Qu’elles soient Congolaises, Sénégalaise ou Tchétchènes, qu’ils soient Brésilien, Ivoirien, Marocain ou Algérien, tous racontent les raisons de leur départ, de leur fuite parfois, les longues marches, la faim, la peur, l’hostilité permanente, les violences et les vols subis, les viols, la mort aussi. Martine, Serge, Raissa, Malika, Joao, Mariem, Brahim ou Osmane témoignent de l’incroyable indifférence des hommes aux souffrances d’autres hommes. « J’ai dit ma peine à qui n’a pas souffert et il s’est ri de moi (…) » dit la sagesse kabyle qui en connaît un rayon sur les limites de l’espèce humaine…

    Débarqués en France signifie que l’on a réussi à sortir vivant d’un périple de plusieurs milliers de kilomètres, échapper à l’armada policière des États du Sud qui veille sans ménagement, et enfin, à s’extraire de la grande lessiveuse méditerranéenne. A-t-on pour autant atteint l’Eldorado ? Rien n’est moins vrai ! Ce qu’il est montré ici, ce sont les journées sans soleil, les intérieurs froids et miteux, la clandestinité et la peur au ventre, un horizon désespérément noir à l’image de la tonalité dominante des dessins. Pour certaines, le rêve de l’Eldorado hexagonal débouche sur le cauchemar de la prostitution ou de l’esclavage. Tous racontent la dépossession de soi et de son identité et la confrontation avec une logique politico-administrative sourde à la souffrance d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul crime est de se débattre pour trouver une place, une petite place, sur cette terre devenue partout inhospitalière.

     

    Edition Delcourt, 2007, 72 pages, 14, 95 € 

  • Je ne verrai pas Okinawa

    Aurélie Aurita

    Je ne verrai pas Okinawa

     

    Aurelia_Aurita_20071019_Fnac_1.jpgA l’heure du règne de « l’immigration choisie », de la suspicion généralisée à l’endroit du modeste voyageur simplement épris de culture, de découverte, d’échange et peut-être d’amour, il n’est pas aisé de passer les frontières. D’accord ! Certaines frontières et certains voyageurs… Mais la mésaventure peut aussi arriver à une charmante française désireuse de retrouver son amour installé au Japon. C’est ce que raconte la mangaka française Aurélie Aurita dans Je ne verrai pas Okinawa. L’expérience est autobiographique. L’auteure signait là sa troisième Bd après Fraise et Chocolat, diptyque polisson et même torride paru chez le même éditeur.  

    Le coup de crayon est léger, minimaliste, un brin naïf à l’image de cette charmante Chendu qui se voit refuser par les services de l’immigration un séjour de trois mois dans l’Empire du milieu. Trop long ! Cela est suspect. Imaginez que la petite « Frenchie » en profite pour trouver un travail… Aurélie Aurita, raconte avec efficacité et une désarmante franchise - dialogues et dessins - l’humiliation, la déshumanisation, l’indignité qui affligent l’étranger pris dans les filets de fonctionnaires peu amènes, gardiens en chef de l’Etat nation. A contrario, si la loi est dure, le Nippon lui est bon : partout, le couple de Français enfin réuni est accueilli avec bienveillance et gentillesse par les Japonais, dans les rues, au restaurant et dans le voisinage.

    Cela est sans doute un peu forcé et subjectif car, comme le montre dans une postface alerte Michel Temman le correspond local de Libération, « le rapport du Japon avec les étrangers, avec l’étranger, demeure ambigu ». Qu’importe, « tout au fond de moi-même je sais que j’ai le droit de vivre ici » dit Chendu. Voilà qui rappelle les propos d’un grand sédentaire devant l’éternel, Emmanuel Kant qui, dans son Projet de paix perpétuelle, écrivait : « personne n’a originairement le droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu’à un autre ». Et pourtant, Chenda ne verra pas Okinawa…

     

    Editions Les Impressions nouvelles, 2008, 80 pages, 12€

     

    okinawa_1.jpg