Laurent Galandon et Viviane Nicaise
Le Cahier à fleurs, Tome 2-Dernière mesure
En 2009, Paolo Cossi publiait Le Grand Mal (Dargaud) une BD en noir et blanc sur le génocide arménien. Laurent Galandon pour le texte et Viviane Nicaise pour le dessin abordent une fois de plus le sujet avec un scénario moins ambitieux que le premier. Dans ce diptyque, dont le premier tome est paru en 2010, la dimension historique (persécutions, massacres, déportations…) pour être présente sert de toile de fond à l’histoire des personnages : Mayranouche et son frère Dikran ; Hasmet Erdem accompagné de son père Salim.
Dans le premier tome, le récit s’ouvre sur un concert donné en 1983 à Paris. Il se referme ici sur un autre concert programmé quelques mois plus tard dans la même ville. Entre ces deux rendez-vous musicaux, une rencontre inattendue rassemble le brillant concertiste (Hasmet Erdem) et un vieux et fragile spectateur (Dikran). Un lien relie les deux hommes, un lien symbolisé par une vieille partition et un air de musique. Pourtant, le jeune violoniste est un turc versé dans le négationnisme, à tout le moins dans le relativisme, et le vieillard, un rescapé arménien du génocide. C’est lui qui raconte à Hasmet Erdem une bien étrange histoire. L’histoire d’une partition et de quelques notes échappées de l’enfer.
Le récit entremêle les périodes, passant de l’année 1983 à l’Anatolie des années 1915. Si l’on doutait encore de la nécessité de se souvenir, la question posée par Dikran à Hasmet aidera à convaincre peut-être les plus indécis : « savez-vous ce qu’Hitler a dit le 22 août 1939 avant d’attaquer la Pologne et d’engager l’extermination du peuple juif ? : (…) Qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? ». « Devoir de mémoire » donc selon la formule convenue mais aussi illusion des origines et des identités. Le Cahier à fleurs montre que l’histoire et les hommes ne cessent de se mélanger et de s’influencer les uns les autres. Les auteurs renvoient les idéologues de la pureté, en treillis ou en complet veston, à leurs folie et à leurs illusions. De ce point de vue, Le Cahier à fleurs est un écho au Livre de ma grand-mère de Fethiye Çetin (éd. de l’Aube, 2008).
Le trait classique et réaliste des dessins de Viviane Nicaise évolue dans des planches colorées et sensibles où dominent tantôt le bleu nuit tantôt l’ocre de Jérôme Maffre.
La collection Grand Angle chez Bamboo braque régulièrement ses objectifs sur les questions de mémoire et d’identité. Ainsi son catalogue compte notamment des BD sur la Shoah (l’Envolée sauvage), la guerre d’Algérie ( Tahya-el-Djazaïr) ou l’Occupation et la question des identités (L'Enfant maudit).
Bamboo Edition, Collection : Grand Angle, 2011, 48 pages, 13,50 €