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Le tao du migrant - Le blog de Mustapha Harzoune - Page 21

  • La citation du jour

    « A nous l’enfermement oriental télévisuel ! Depuis, les paraboles ornent toutes les façades du Val-Fourré, telles de grandes couscoussières d’extraterrestres. Grâce à cela, on peut dénombrer les Arabes dans un immeuble, car les Africains n’en sont pas très amateurs. Qui sait si  la parabole n’est pas, en fait, qu’un attrape-Arabe ? »

    Salima Senini, Du côté de chez moi, Les Arènes, 2013

  • Le Cahier à fleurs, Tome 2 - Dernière mesure

    Laurent Galandon et Viviane Nicaise

    Le Cahier à fleurs, Tome 2-Dernière mesure

     

    CahieraFleurs.jpgEn 2009, Paolo Cossi publiait Le Grand Mal (Dargaud) une BD en noir et blanc sur le génocide arménien. Laurent Galandon pour le texte et Viviane Nicaise pour le dessin abordent une fois de plus le sujet avec un scénario moins ambitieux que le premier. Dans ce diptyque, dont le premier tome est paru en 2010, la dimension historique (persécutions, massacres, déportations…) pour être présente sert de toile de fond à l’histoire des personnages : Mayranouche et son frère Dikran ; Hasmet Erdem accompagné de son père Salim.

    Dans le premier tome, le récit s’ouvre sur un concert donné en 1983 à Paris. Il se referme ici sur un autre concert programmé quelques mois plus tard dans la même ville. Entre ces deux rendez-vous musicaux, une rencontre inattendue rassemble le brillant concertiste (Hasmet Erdem) et un vieux et fragile spectateur (Dikran). Un lien relie les deux hommes, un lien symbolisé par une vieille partition et un air de musique. Pourtant, le jeune violoniste est un turc versé dans le négationnisme, à tout le moins dans  le relativisme, et le vieillard, un rescapé arménien du génocide. C’est lui qui raconte à Hasmet Erdem une bien étrange histoire. L’histoire d’une partition et de quelques notes échappées de l’enfer.

    Le récit entremêle les périodes, passant de l’année 1983 à l’Anatolie des années 1915. Si l’on doutait encore de la nécessité de se souvenir, la question posée par Dikran à Hasmet aidera à convaincre peut-être les plus indécis : « savez-vous ce qu’Hitler a dit le 22 août 1939 avant d’attaquer la Pologne et d’engager l’extermination du peuple juif ? : (…) Qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? ». « Devoir de mémoire » donc selon la formule convenue mais aussi illusion des origines et des identités. Le Cahier à fleurs montre que l’histoire et les hommes ne cessent de se mélanger et de s’influencer les uns les autres. Les auteurs renvoient les idéologues de la pureté, en treillis ou en complet veston, à leurs folie et à leurs illusions. De ce point de vue, Le Cahier à fleurs est un écho  au Livre de ma grand-mère de Fethiye Çetin (éd. de l’Aube, 2008).

    Le trait classique et réaliste des dessins de Viviane Nicaise évolue dans des planches colorées et sensibles où dominent tantôt le bleu nuit tantôt l’ocre de Jérôme Maffre.

    La collection Grand Angle chez Bamboo braque régulièrement ses objectifs sur les questions de mémoire et d’identité. Ainsi son catalogue compte notamment des BD sur la Shoah (l’Envolée sauvage), la guerre d’Algérie ( Tahya-el-Djazaïr) ou l’Occupation et la question des identités (L'Enfant maudit).

     

    Bamboo Edition, Collection : Grand Angle, 2011, 48 pages, 13,50 €

  • La citation du jour

    « Dans ce que j’observe et ce que j’entends, je m’agace de voir ressurgir des revendications réchauffées, des postures opportunistes et des rapports de forces qui n’ont pas lieu d’être, et je me dis que cela doit agacer beaucoup de nos concitoyens.  L’esprit, l’amour, la fraternité, tout ce qui fait la noblesse de la Marche, sont foulés aux pieds par d’aucuns qui, trente ans après, prétendent en être les héritiers ou les nouveaux porte-parole. Que l’on ne me disent pas que j’ai un discours naïf : on m’a déjà fait le coup il y a trente ans (…). Je sais que le chemin de l’égalité est long, voire infini, mais il faut rester positif : il ne faut pas laisser transpirer de la colère, ou même, comme chez certains, la haine de soi et la haine des autres, parce qu’on ne construit rien avec ces sentiments. Alors voilà pourquoi je sors de mon silence et prends mon courage à deux mains pour dire : « Mettons dans nos cœurs et nos esprits une part d’humanité, une part d’amour, une part de don de soi, sans quoi on ne va plus se comprendre. »

    Toumi Djaidja, La Marche pour l’Egalité. Une histoire dans l’Histoire. Entretiens avec Adil Jazouli. Editions de l’Aube 2013

     

  • La citation du jour

    « Tout en mangeant et en buvant le vin, les hommes parlèrent des coutumes de leurs voisins.

    - Pas plus tard que ce matin, dit Obierika, je parlais avec Okonkwo d’Abame et d’Aninta, où les hommes titrés grimpent aux arbres et pilent le foufou pour leurs femmes.

     - Toutes leurs coutumes sont à l’envers ! Ils ne fixent pas le prix des dots comme nous, avec des baguettes. Ils se chicanent et ils marchandent comme s’ils achetaient une chèvre ou une vache au marché.

    - Ce n’est pas bien, déclara le frère aîné d’Obierika, mais ce qui est bien à un endroit est mauvais ailleurs. À Umunso, ils ne marchandent pas tout, même pas avec des baguettes. Le prétendant continue à apporter des sacs  de cauris jusqu’à ce que les parents de sa promise lui disent d’arrêter. C’est une mauvaise coutume parce que ça finit toujours par des disputes.

    - Le monde est vaste, dit Okonkwo. J’ai même entendu dire que dans certaines tribus, les enfants d’un homme appartiennent à son épouse et à sa famille.

    - Pas possible ! s’exclama Machi. Et pourquoi pas une femme qui s’allongerait sur l’homme pour faire des enfants ! »

     

    Chinua Achebe, Tout s’effondre, Actes Sud, 2013

  • La citation du jour

     « La religion représente le totalitarisme des idées. Je suis arabe mais je ne suis ni musulman, ni chrétien : je suis athée intégriste ! Les musulmans m’emmerdent autant que les chrétiens. Je trouve inadmissible que des gens, parce qu’ils croient en Dieu, vous imposent leur manière de vivre. »

    Mourad Boudjellal (avec Arnaud Ramsay), Ma mauvaise réputation, La Martinière, 2013

     

  • Où j’ai laissé mon âme

    Jérôme Ferrari

    Où j’ai laissé mon âme

     

    ferrari_jerome_cl_c_dr.jpgVoici un énième roman consacré à la Guerre d’Algérie. Cinquante ans après l’indépendance algérienne, la blessure continue de suppurer. La douleur reste vive et provoque des bouffées de colère et parfois de haine (voir les manifestations qui ont accompagné la sortie de l’inoffensif Indigènes de Rachid Bouchareb). Les horreurs troublent encore les consciences. Il paraît qu’on préfèrerait recouvrir les injustices et les infamies passées d’un voile de pudeur ou de honte. La France se détournerait de cette sale histoire où elle aurait perdu un peu de son âme. C’est du moins ce que l’on entend.

    Cette question – qui ne se limite pas au drame franco-algérien - est au centre du roman de Jérôme Ferrari dont l’originalité tient à son écriture : dense, intime, sombre jusqu’à l’oppression, toujours sur le fil du rasoir, en dangereux équilibre au dessus de l’abîme, au dessus de l’enfer.

    Trois hommes sont plongés dans le chaudron de la bataille d’Alger. Deux officiers de l’armée française, le capitaine André Degorce et le lieutenant Horace Andreani, et leur prisonnier, un commandant de l’ALN, Tarik Hadj Nacer dit Tahar qui a tout l’air de camper l’historique Larbi Ben m’Hidi.

    Degorce est un ancien résistant, torturé par la Gestapo, déporté à Buchenwald. Il a fait l’Indochine où, après Dien Bien Phu, il est passé par les camps de rééducation du Viêt-Minh. Andreani fut aussi de la Résistance avant de partir pour l’Indochine. Les deux soldats s’y sont connus. La fraternité des combats, l’expérience de la défaite, la solidarité et l’attitude de Degorce dans les camps, ont fait qu’Andreani a voué un culte à son supérieur, à tout le moins un dévouement sans failles. Jusqu’à l’expérience algérienne.

    Le récit se déroule sur trois journées de mars 1957. Elles sont introduites par trois références bibliques : Genèse, iv, 10 ; Matthieu, xxv, 41-43 et Jean ii, 24-25. Juste les références. Pas les paroles saintes.

    La chronique de ces journées lointaines est entrecoupée d’une adresse d’Andreani à Degorce. C’est bien après la guerre, bien après son jugement comme membre de l’OAS qu’Andreani écrit à Degorce. Il évoque leur passé, son attachement à son supérieur et ses déceptions. Il parle de son procès, de la déposition de Degorce, monté en grade… qu’il finit pas traiter de « laquais », un « laquais » qui avait « l’air de réciter une leçon ».

    Car au centre du récit, il y a la question, récurrente, de la torture. La torture pratiquée par les uns, les attentats et le terrorisme des autres.

    Andreani assume tout ! Au nom de ce que tous les tortionnaires rabâchent depuis toujours : pour faire payer les atrocités infligées aux « nôtres », pour épargner d’autres victimes innocentes, pour arrêter les actions des terroristes…  Pour la victoire. Car seule la victoire pouvait donner un sens « à tout ce sang versé ». Mais Andreani y ajoute aussi la « partialité » et la « loyauté ». « La partialité est le seul recours. Il ne s’agit que de reconnaître les siens et de leur être loyal. » Et, comme « on ne peut pas être loyal sans mémoire », il ajoute : « j’ai toujours su qu’il y avait dans la loyauté quelque chose d’infiniment supérieur à la vérité ».

    Depuis « une nuit décisive », à l’âge de seize ans, Andreani a étouffé « les murmures de [son] cœur ». Face à cette position radicale, assumée, Degorce, lui, vacille, doute, tremble. Cela ne l’empêche pourtant pas de se comporter, lui aussi, comme un « fumier », d’exercer des pressions psychologiques sur ses prisonniers et, in fine, de couvrir, par son silence, ce qu’il dit réprouver.

    Ses jérémiades, Degorce ne les pose pas seulement sur le trébuchet de son âme, il se confie aussi à Tahar : « je ne suis pas en paix » dit-il. Sa victoire lui est « douloureuse », il n’en est pas « fier », il a honte de lui-même. Et Tahar, plus lucide (mais ici, il a le beau rôle) : « Surtout, capitaine (…) ne pensez quand même pas que vous êtes à plaindre, je vous en prie. Vous n’êtes pas à plaindre. Vous savez, ça. »

    Qui serait le plus à plaindre d’ailleurs ? Celui qui assume tout, ou celui qui avance, hagard, à la recherche de son âme perdue, ne croyant plus en rien et souffrant de sa « métamorphose ». Pour l’un comme pour l’autre, une seule destination : l’enfer. Mais la cohérence est du côté d’Andreani, pas dans les atermoiements de robot d’un Degorce consentant à tout et acceptant toutes les promotions. En Algérie, beaucoup ont perdu leur âme(1). « Le monde est un bien piètre pédagogue, mon capitaine, écrit Andreani, il ne sait que répéter indéfiniment les mêmes choses, et nous sommes que des écoliers rétifs, tant que la leçon ne s’est pas inscrite douloureusement dans notre chair, nous n’écoutons pas, nous regardons ailleurs et nous nous indignons bruyamment dès qu’on nous rappelle à l’ordre. » Voilà peut-être l’une des leçons les plus utiles à tirer de cette histoire. Loin de tout sentimentalisme de pure circonstance. Et sans effe

    1- Voir notamment : Benjamin Stora & Tramor Quemeneur,  Algérie 1954-1962 : Lettres, carnets et récits des Français et des Algériens dans la guerre, éditions France-Info/Les Arènes 2010 et, sur un plan romanesque, le personnage de Pierre Vermont dans Le Club des incorrigibles optimistes écrit par Jean Michel Guenassia (Albin Michel, 2009).

     

    Actes Sud 2010, 154 pages, 17,00€

     

     

     

  • La citation du jour

    « Peut être que la vie en ghetto a-t-elle une valeur, mais les arguments que nous avançons pour nous ghettoïser sont les mêmes que d’autres utilisent pour nous exclure et garder le gâteaux pour eux. (...) C’est l’isolement qui crée la prison, bien sûr, et comme pour n’importe quelle prison, il y a réclusion de part et d’autre des barreaux. »

    Eddy L.Harris, Harlem, Edition Llana Lévi, collection « Piccolo », 2007

  • La citation du jour

    « En vérité, le ghetto, c’est dans la tête, dans l’esprit. Ce qui est nouveau pour nous, c’est de regarder notre banlieue de loin, de très loin même. Du coup, on voit les choses différemment. Revenir chez soi après avoir traversé, à pied, la moitié de la France et témoigner, dire qu’il y a des gens formidables, différents de nous qui nous ont accueillis, des gens qui ont soif de la même justice que nous, effarés de découvrir nos conditions de vie et solidaires de notre cause, ce sont des moments inoubliables. Le simple fait de dire que nous ne sommes pas seuls, et qu’il y a d’autres femmes et d’autres hommes, de toutes origines, qui souffrent et espèrent comme nous, était en soi un aveu. Le fait de parcourir quelques étapes de la Marche et de repasser par les Minguettes m’a fait toucher du doigt ce qu’est le ghetto mental dans lequel on nous a enfermés. C’est une sorte d’instantané de lucidité à l’état pur dont je me souviens comme si c’était hier. »

     

    Toumi Djaidja, La Marche pour l’Egalité. Une histoire dans l’Histoire. Entretiens avec Adil Jazouli. Editions de l’Aube 2013

  • La citation du jour

     

    « La dame qui a l'air de souffrir d'une constipation de trois ans : « Ces Arabes, ça masque leurs filles. Ah ! ils ne sont pas encore civilisés ! »

    Peu à peu, elle nous révèle son idéal de civilisation. Un mari à 1 200 francs par mois, un appartement de deux pièces, cuisine et dépendances, le cinéma le dimanche et un intérieur Galeries Barbès pour la semaine."

    Albert Camus, Carnets I - Mai 1935 – février 1942.

     

  • Harare Nord

     

    Brian Chikwava

    Harare Nord

     

    Brian-Chikwava1.jpgEt si, au Sud comme au Nord, les bringuebalements du monde débouchaient dans une impasse, sans autre issue que la folie ou la mort ? Quid aussi du mythe de l’Eldorado qui flatte tant l’ego des « insiders » ? Ne commencerait-il pas à prendre du plomb dans l’aile ? Du plomb tiré en salves régulières de mots acérés par quelques écrivains visionnaires. A l’instar de ce Brian Chikwava. Londonien, originaire du Zimbabwe, lauréat en 2004 du Caine Prize pour un recueil de nouvelles, il signe avec Harare Nord son premier roman. Ecrit en anglais, il vient confirmer le dynamisme des écrivains africains, qu’ils soient pérégrins ou non.

    C’est d’ailleurs la langue de l’auteur qui, en premier lieu, attire l’attention. Par quelques tournures et formules, Brian Chikwava s’ingénie à rendre l’oralité de ses personnages qui baragouinent un anglais d’immigrés, à la syntaxe malhabile et approximative, aux formes métissées, aux phrases dégraissé mais efficaces. Un Broken (ou Fractured) English, un mauvais anglais, littéralement une langue « cassée », un peu à l’image des personnages de ce livre sombre et ironique, construit sur le mode d’un douloureux mais irrémédiable taraudage concentrique.

    Harare Nord est le pendant septentrional d’Harare, la capitale du Zimbabwe. Pour s’extraire du bourbier zambabwéen, le héros sans nom du roman débarque à Londres. Il tient un journal dans lequel il consigne, non sans humour, le récit de sa condition et le regard qu’il porte sur son nouvel environnement, social et humain..

    D’entrée, Paul et Sekaï, ses cousins, se montrent hostiles. La solidarité communautaire a ses limites et les « blédards » deviennent vite des importuns. D’ailleurs, les obstacles que les autorités britanniques (ou françaises…) s’échinent à placer sur le chemin des quémandeurs de visa arrangent bien les « Zimbabwéens de Harare Nord »,  ceux qualifiés ici d’« Africains renégats ».

    Mieux vaut se débrouiller seul et rejoindre Shingi, l’ami d’enfance, qui partage un squat avec deux autres types (Aleck et Farayi) et Tsitisune, une jeune fille déjà lesté d’un bébé. « Je peux sniff sniff leurs vies d’indigènes-là accroupis sous leur plafond bas et humide comme des voleurs qui viennent d’être pris ».

    Brian Chikwava raconte la vie de ce clandestin zimbabwéen échoué dans le Brixton londonien et interlope des déclassés, des marginaux et autres SDF, des « ratés de la vie » et des migrants surexploités, tous relégués « dans des trous-là ». Le récit file sans rebondissements, nullement plat pour autant, mais en pente, une pente qui s’enfonce inexorablement. L’horizon se rétrécie et le ciel s’assombrie au-dessus des têtes. Un rat devient le double hostile du narrateur.

    Pourtant « notre » sans-papiers ne tenait pas à faire de vieux os à Londres (encore un argument en faveur de la libre circulation…) : « je veux juste me trouver un bon boulot très vite, travailler comme une bête, économiser un tas d’argent et hop, je repars chez moi. » Le gars veut gagner 5000 dollars américains et retourner fissa au pays régler ses petites et louches affaires. « Je suis étendu sur mon lit à écouter et à porter mon passé comme si c’était une robe très moulante ; je veux que personne tire dessus ». Il ne tient pas à être rattrapé par ce passé et encore moins par un ou deux énergumènes de son ancienne milice à qui il doit de l’argent.

    Après Samba pour la France de Delphine Coulin (Seuil, 2011), on retrouve ici les thèmes, classiques, associés à la clandestinité : l’invention d’une autre identité, la dépossession de soi, la question lancinante et vitale des papiers (lire aussi sur le sujet Klaus Mann), la surexploitation salariale, les employeurs véreux et tutti quanti. C’est pas en devenant un « BBC » entendre un « Brosseur de culs Britanniques », de ceux « qui s’occupent de vieillards qui font popo dans leurs pantalons toutes les heures » qu’il pourra mettre un peu d’argent de côté.

    Résultat, la perspective de rassembler les 5 000 dollars se rétrécie.  Et pendant ce temps, les prétentions de ceux restés au pays croissent : de l’argent toujours plus d’argent, des cadeaux toujours plus de cadeaux, des exigences, toujours plus d’exigences… « Harare Nord c’est une grosse arnaque ».

    Alors toutes les combines et toutes les manigances sont bonnes pour faire entrer de l’argent, améliorer le quotidien et atteindre l’objectif fixé. Chikwava ne fait pas de ce sans papiers un héros sympathique, une victime émouvante, un être à qui le lecteur puisse s’identifier. Il en est de même d’ailleurs de la plupart des autres personnages, défigurés par l’avarice, l’avidité, la jalousie ou emberlificotés dans leur soucis ou leurs mentalités… Tout fout le camp ! D’Harare à Harare Nord, de la périphérie au centre, du particulier à l’universel,  le monde écrase et broie les uns et les autres. Il est peut-être temps de changer de monde.

     

    Edition Zoé, 2011, 267 pages, 20€