Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le tao du migrant - Le blog de Mustapha Harzoune - Page 20

  • La citation du jour

    « Au fond de moi-même, je me dis : quinze ans que je suis en France et c’est ça le résultat. Je ne suis qu’un émigré esthétique, incompris du petit peuple blanc dégénéré »

    Frédéric Ciriez, Mélo, Verticales 2013

  • La citation du jour

    « Je me sens content, et accompli, que dans une certaine lumière. Ce qui me poursuit et me dessèche, c’est l’époque. C’est elle qui m’empêche d’avoir la conscience tranquille et d’aller jusqu’au bout de ma force. Mais il faudra bien régler cette question. Parce qu’après tout, il y a la lumière, la passion, la sainteté, les chats, l’amitié, toute chose qui ne sont pas dans l’histoire et qui sont aussi vraies que le reste. »  (Albert Camus)

    Albert Camus - Louis Guilloux,  Correspondance 1945–1959. Edition établie, présentée et annotée par Agnès Spiquel-Courdille, Gallimard 2013

  • La citation du jour

    « D’accord, les immigrés ne mangeaient pas le pain des Français, d’accord, ils contribuaient au développement de l’économie, mais fallait-il justifier leur présence uniquement en termes économiques, surtout quand ils résidaient dans ce pays depuis plusieurs dizaines d’années ? Ne représentaient-ils rien d’autre qu’une force de travail ? »

     Bouzid, La Marche. Les carnets d’une « marcheur », Sindbad 1984. Sindbad/Actes-Sud 2013

  • L’Appel des origines. Harlem.

    Joël Callède (Scénariste), Gael Séjourné (Dessinateur)

    L’Appel des origines. Harlem.

    3134298274.jpgVoici le premier volet d’une BD signée Callède et Séjourné, les deux compères à qui l’on doit déjà Tatanka. Dans le Harlem des années 20, les Etats-Unis de la belle Anna ne sont pas encore ceux du président Obama. La jeune fille est une métisse (elle aussi). Une blanche pour les Noirs et une noire pour les Blancs. Rejetée par les uns et par les autres. Pas tous bien sûr. Mais cela ne facilite pas la résolution des questions existentielles. Ici, l’entrelacs des origines et le miroir des différences n’aident pas à trouver sa place et à déterminer qui l’on est. « Depuis que je suis née, on me traite de « mal blanchie », de « face de craie » ! Trop blanche pour mes frères noirs et trop noire pour vous » dit elle à un aréopage de producteurs bedonnants et blancs.

    Anna aide son oncle et sa tante au Benny’s Diner, le restaurant de la 135e rue où la petite famille sert des travers de porc sauce bayou au trois épices accompagnés d’une purée de patates douces comme nulle part ailleurs à Harlem. La jeune fille a toujours cru que son père était mort. Jusqu’au jour où Mama Jo, sa grand-mère lui apprend la vérité sur son passé. Anna est la fille de Rose et de Clarence Whitmore, le fils aîné d’un satrape du Mississippi qui continuait, sur ses plantations, à traiter ses ouvriers comme au temps pas si lointain de l’esclavage. Pour le père Whitmore, l’amour contre nature de son rejeton et d’une négresse était inimaginable. Fou de rage, il organisa une expédition punitive provoquant la mort de Rose et le départ du reste de la famille vers Harlem.

    C’est la lecture d’un article de journal qui apprend à Anna que son père est en vie et qu’il est installé comme guide et chasseur de fauves en Afrique. Elle décide alors de partir à sa recherche. Aidé par Simon, un anthropologue du Muséum d’Histoire Naturelle déjà enamouré, nos deux tourtereaux embarquent pour une double quête des origines, celle du père pour Anna et celle de l’humanité pour Simon.

    Cette première partie d’un triptyque a pour cadre le Harlem de la prohibition. Tandis que les Blancs s’encanaillent au Cotton Club qui vient d’ouvrir ses portes, les Noirs du cru se retrouvent au Blue Diamond. Le jazz, métis et ternaire, court de club en club. Les mélodies de Duke Ellington, la rythmique de Sony Greer ou le « Stormy Weather » d’Ethel Waters fusent des sous sols des speakeasies clandestins tandis que la pègre veille au grain.

    Un scénario documenté qui tient la route, porté par la puissance des dessins et le chatoiement des couleurs où le bleu nuit, celui du Harlem noctambule, domine. Ici tout est précis, expressif et suggestif. Prochain rendez-vous, l’Afrique lumineuse et le mystère des origines.

     

    Edition Vents d’Ouest 2011. 56 pages, 13,50€

  • Georges Brassens, La Visite

    La Visite

    Georges Brassens

     

    On n'était pas des Barbe-Bleue,
    Ni des pelés, ni des galeux,
    Porteurs de parasites.
    On n'était pas des spadassins,
    On venait du pays voisin,
    On venait en visite.

    On n'avait aucune intention
    De razzia, de déprédation,
    Aucun but illicite.
    On venait pas piller chez eux,
    On venait pas gober leurs œufs,
    On venait en visite.

    On poussait pas des cris d'Indiens,
    On avançait avec maintien
    Et d'un pas qui hésite.
    On braquait pas des revolvers,
    On arrivait les bras ouverts,
    On venait en visite.

    Mais ils sont rentrés dans leurs trous,
    Mais ils ont poussé les verrous
    Dans un accord tacite.
    Ils ont fermé les contrevents,
    Caché les femmes, les enfants,
    Refusé la visite.

    On venait pas les sermonner,
    Tenter de les endoctriner,
    Pas leur prendre leur site.
    On venait leur dire en passant,
    Un petit bonjour innocent,
    On venait en visite.

    On venait pour se présenter,
    On venait pour les fréquenter,
    Pour qu'ils nous plébiscitent,
    Dans l'espérance d'être admis
    Et naturalisés amis,
    On venait en visite.

    Par malchance, ils n'ont pas voulu
    De notre amitié superflue
    Que rien ne nécessite.
    Et l'on a refermé nos mains,
    Et l'on a rebroussé chemin,
    Suspendu la visite.

  • La citation du jour

    « Dans toutes les langues, en tout cas dans celles que je connais, avoir des couilles, c’est avoir du courage, alors que c’est l’organe le plus fragile qui soit. Un coup de pied dedans, et il n’y a plus personne. »

    Chahdortt Djavann, La Dernière séance, Fayard, 2013

  • La citation du jour

    « Le jour où je lui ai appris que j’avais rencontré quelqu’un que j’aimais et qui m’aimait, j’avais vingt-deux ans. Un sourire a tremblé sur ses lèvres. Elle m’a demandé en tordant son petit mouchoir brodé entre ses doigts, C’est vrai ce qu’on dit… ? qu’on a le cœur qui bat plus fort… ? »

    Samira Sedira, L’Odeur des planches, La brune au rouergue 2013

  • Double bonheur

    Stéphane Fière

    Double bonheur

    stephane_fiere.jpgComme aurait dit le Général, ce livre a une apparence : les aventures d’un traducteur du consulat de France en poste à Shanghai. Il a une réalité : les dérèglements identitaires d’un jeune homme, un émule, ambitieux et… amoureux.

    Partir en poste pour trois ans au consulat de Shanghai comme traducteur officiel, voilà qui doit faire rêver plus d’un apprenti sinologue en mal de voyage. C’est ainsi que le jeune François Lizeaux débarque dans la capitale économique de la Chine communiste. « Sa volonté d’in-té-gra-tion » est telle, que, d’emblée, il décide de changer d’identité, de se faire appeler Li Fanshe, et de larguer les amarres avec son pays et son passé. François Lizeaux alias M. Li, plus royaliste que le roi, se veut plus chinois que le premier pékin venu ! et l’expérience (la roublardise) venue il se montre, in petto, un tantinet méprisant pour ses collègues du consulat et autres immigrés (euh ! pardon ! « expatriés ») français venus « faire fortune en Chine » : le nouvel Eldorado des Occidentaux aux dents longues. A lire Fière, si le slogan « la Chine tu l’aimes ou tu la quittes » avait cours sous les remparts de la Grande muraille, quelques charters dégorgeant de Pébéas ou pba (Petits Blancs Arrogants) décolleraient fissa.

    Sur plus de 350 pages, François Lizeaux raconte, par le menu, le quotidien de sa profession, la vie d’un expatrié français en terre chinoise, ses heurs et malheurs, le réel et les apparences. Une vie professionnelle de larbin surexploité, mécanique et répétitive, agrémentée de week-ends tout aussi monotones : multiplication des rencontres d’un soir, tarifées ou non, galipettes extraconjugales et autre câlineries asiatiques mais toujours sans lendemain, au grand désespoir et courroux de certaines, ouvertes à un mariage potentiellement lucratif. Le vide à Shanghai !

    Le jeune français  meurtri par son enfance et son passé hexagonal, va se donner, corps et âme, à son nouveau pays et barbotter dans le monde des apparences. François Lizeaux est donc traducteur. La parabole du traducteur était déjà présente dans Les Bains de Kiraly de Jean Mattern (Sabine Wespieser, 2008). Ici, l’auteur tisse un fil qui relie « l’enfant décoratif qui ne participe pas » à cet homme devenu traducteur, « simple outil » « à ranger après utilisation » comme si, explique le narrateur, « je n’existais plus, puisque de ma bouche s’échappaient des mots qui n’étaient jamais les miens, puisque personne ne me voyait, ne devait me voir, et qu’il n’était même pas imaginable que je puisse avoir une personnalité. »

    La posture de Lizeaux s’apparente à  « celle du vaincu d’avance – j’étais comme le crapaud qui voulait goûter la chair du cygne, qui rêve de l’impossible et se meurt de frustration. » Comme on dit du côté de la Kabylie, « personne n’a jamais parlé de lui, il a souillé la fontaine de ses excréments ». Moins scatologique, François Lizeaux va outrepasser son rôle et sa fonction : de traducteur, il se fait interprète, « passeur » : « le vrai pouvoir était-là : comprendre ce qui est inintelligible aux uns comme aux autres. (…) sans moi rien ne se faisait, rien n’avançait ; derrière mon effacement, j’étais en fait au centre de tout » . Ces interprétations étant toujours favorables aux Chinois, il se voyait gratifié de quelques enveloppes au rouge propitiatoire et généreusement garnies.

    Double bonheur offre une plongée dans la Chine contemporaine de première main.  Le lecteur pérégrine entre boîtes de nuits, cabarets et autres quartiers branchés pour « expats » assoiffés de plaisirs exotiques et la gargote de la Mère Zhao. Il se familiarise avec l’art de truander partout et n’importe qui autant qu’avec celui de fluidifier (et rentabiliser ) ses relations et réseaux ; ici sans cartes de visite vous n’êtes rien. Il brinquebale entre mensonges et respect des apparences, entre frénésie moderne et attentions à son qi, entre une Chine d’hier et d’aujourd’hui largement fantasmée et une réalité bien plus complexe et plurielle… « Dans la société nouvelle, entre les injonctions contradictoires, entre l’amour et les convenances, entre l’argent et les cinq vertus, comment choisir ? »

    François Lizeaux en déséquilibre dans une société chamboulée, va basculer et tomber, par amour, du côté chinois. La douce, la belle, l’exquise, la fine, l’amoureuse et si chinoise An Lili. Journaliste dans le milieu de la mode, elle a de quoi séduire, transporter les cœurs et tourner les têtes « il me manquait quelqu’un pour apprendre à voir » dit François,  « j’ai trouvé ma voix ».

    C’est la renaissance. Une nouvelle identité. Abandonnées la France et ses origines. Notre homme est désormais « libre. Délesté ». Le couple convole et le ménage, entre deux assauts amoureux et autant d’auspices taoïstes et de maîtres es Feng shui, se transforme en une machine de guerre obsédée par son cash-flow. Lizeaux se met à faire des extras pour des hommes d’affaires. Il va même espionner pour le compte des Chinois. La cagnotte du ménage grossit, grossit…

    Le livre de Stéphane Fière est d’une étonnante puissance. Maîtrisé de bout en bout. Malgré la répétition des journées de labeur (et parfois des nuits) entrecoupées d’imprévus professionnels et de contretemps existentiels, il retient son lecteur. L’auteur offre non pas un double mais un triple ou un quadruple bonheur en variant les registres, en allongeant les phrases ou au contraire en accélérant le tempo. Ces fulgurances du texte permettent d’éviter les répétions, de prendre ses distances avec les faits rapportés, de suggérer quelques humour ou ironie, de marquer une posture de désinvolture, voir un moment de tension, d’inquiétude ou quelques sous entendus… Ce travail sur le rythme s’enrichit d’un vocabulaire abondant et de citations, de paroles, de références culturelles et culinaires chinoises.

    « Comprendre son environnement et s’y adapter [constitueraient] les premiers pas vers la félicité ». Dans le jeu de miroir du multiculturalisme globalisé, dans l’entrelacs des relations exotico-béates entre Chine et Occident, Stéphane Fière semble mettre un peu d’ordre et briser quelques illusions. Retour vers le réel !

     

    Edition Métaillé, 2011, 355 pages, 18€

     

     

  • La citation du jour

    « Mes deux trimestres avaient été satisfaisants. Le professeur de sciences naturelles m’avait témoigné sa sympathie. Mon retard n’était pas seulement dû à ma nonchalance rêveuse, mais aussi à l’inadaptation de l’institution qui n’avait pas prévu que ses pensionnaires puissent fréquenter les bancs du lycée. Les carrières que nous préparions dans ces murs débouchaient si souvent sur la prison que le fait de ne pas avoir envisagé de telles hypothèses était excusable. Malgré tout j’avais réussi, non pas à briller, mais à attirer une certaine compassion qui m’a servi de passe-muraille. »

    Said Mohamed, Un enfant de cœur, Eddif-L’Arganier 1997

  • La citation du jour

     « Très tôt mon père a appris à vivre loin de ses parents, à ne pas s’enraciner, à s’en aller. La différence entre mon père et les autres, c’est qu’eux vivent entre un ici et un là-bas. Lui habite une terre, et puis une autre, et ça n’a pas plus d’importance que ça. »

     

    Samira Sedira, L’Odeur des planches, La brune au rouergue 2013