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Le tao du migrant - Le blog de Mustapha Harzoune - Page 26

  • Tout allait bien

    Franck Prévot

    Tout allait bien

     

    PREVOT.pngSympathique et efficace petite histoire de boutons rouges et bleus pour petits et… grands. « Tout allait bien » pour ces boutons rouges, heureux d’un entre soi qui ne souffrait d’aucune contrariété. « Tout allait bien »… « quand quelque chose de bizarre arriva ! » : un bouton de couleur bleue… Et c’est parti sur une quinzaine de doubles pages avec une courte phrase à gauche et l’illustration à droite. Comment les boutons rouges vont-ils réagir ? Que va faire le bouton bleu ? Pourquoi est-il rejoint par d’autres de la même couleur ? Qu’adviendra-t-il de tous ces boutons réunis sur une même page, sur un espace commun ?

    Voilà un petit livre d’une simplicité troublante mais qui peut en dire long sur l’immigration, le rapport à l’autre, le groupe, la différence, l’hostilité, le mélange… Petit livre et petite histoire pour grands effets et longues discussions garantis autour d’une guerre des boutons qui n’aura pas lieu.

    Franck Prévot est l’auteur de nombreux livres pour la jeunesse dont Les Indiens (L’Edune, 2009) et Paradiso avec Carole Chaix pour les illustrations (L’Edune, 2010). Il vient de publier Le roman de Râ  chez Thierry Magnier (2013).

     

    Edition Le Buveur d’encre, 2009, 10 €

     

  • La citation du jour

    « T’es pas américaine, a dit l’un des hommes. C’est un imbécile raciste, me dis-je à moi-même. Vraiment ? glapit ma petite voix.  Et combien d’autres auraient été d’accord avec lui dans ce pays aujourd’hui ? Mais si je ne suis pas américaine, que suis-je alors ? »

     

    Chitra Banerjee Divakaruni, La Reine des rêves, Picquier, 2006

  • La citation du jour

    « Que vous le vouliez ou non :  un spectre hante la France

    c’est l’Afrique »

    Yannick Haenel, Les Renards pâles, Gallimard, L’Infini, 2013

  • La citation du jour

     

    "Car même les clandestins avaient leur honneur. Dépossédés de leurs biens, de leur passeport, de leur identité, c’était peut-être bien la seule chose qui leur restait, d’ailleurs. L’honneur. Voilà pourquoi ils partaient seuls, sans femmes ni enfants. Pour que jamais on ne les voie ainsi. Pour qu’on se les rappelle grands et forts. Toujours"

     

     

    Romain Puértolas, L’Extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé

    dans une armoire Ikéa, Le Dilettante 2013

     

     

  • Salaam London

    Tarquin Hall

    Salaam London

     

    8627f328-55b4-4e78-872c-b6f154adf4ff.jpgDans Salaam London, le journaliste et globe-trotter Tarquin Hall brosse une formidable fresque historique, sociologique et humaine d’un quartier : Brick Lane. Ce East End londonien accueille, depuis des siècles, des hommes venus d’ailleurs : des huguenots français au XVIIe et XVIIIe siècle, des Juifs et des Irlandais, plus tard des migrants chinois, éthiopiens, flamands ou allemands avant de devenir ce « Banglatown » où se sont installés des immigrés asiatiques, bangladais, afghan ou indiens… Brick Lane, c’est aujourd’hui l’univers des  cockneys qui se métisse, le monde ouvrier londonien gagné  (envahie ?) par ces « New East Enders », ces citadins branchés ou yuppies sorte de bobos version british. Certes, ces altermondialistes, artistes et autres trublions anti-autoritaristes firent monter le prix de l’immobilier mais leur l’arrivée « s’accordait, selon l’auteur, avec l’esprit de l’East End ».

    De retour de reportage à l’étranger, sans le sou, pris à la gorge, Tarquin Hall n’a d’autres solutions que de louer, à ce sympathique roublard de Mr Ali, une mansarde pourrie dans ce foutu coin à la réputation sulfureuse. Lui, le natif de West End, se retrouve tel « un immigrant au sein d’un paysage étrange et inconnu ». Il y restera une année. Douze mois qui lui serviront à réaliser un tour de force : écrire l’histoire d’un quartier, en décrire le quotidien, percer les contradictions, les failles, parfois intimes, des uns et des autres, dresser le tableau des préjugés et des racismes. Il y croise des anciens qui, pleurant le temps perdu, se laissent gagner par quelques aigreurs funestes ; il y rencontre les nouveaux arrivés, ces « ombres » - « Umbra sumus », « nous sommes des ombres » disaient déjà les Huguenots réfugiés - brinquebalées entre un monde qui s’éloigne et un autre encore incertain.

    « Je frissonnais à la pensée de rester coincé dans Brick Lane pour toujours » écrit Tarquin Hall, illustrant ainsi, le fait que son regard ne cède jamais à une sorte de romantisme social béat, d’exotisme de pacotille, d’angélisme xénophile. Il ne cache rien des violences vues, des conflits entre bandes, des chausse-trappes et des trafics, des dealers et de la drogue, du communautarisme qui rejette l’autre et étouffe l’identique, du machisme, de la « mafia des mollahs », du proxénétisme et de la traite des jeunes femmes d’Europe de l’Est… Pour autant, il a appris à aimer ses nouveaux et improbables voisins.

    Citant  Roy Curtis (East End Passport) pour qui « (…) L’East End n’est pas simplement un lieu, ce sont des gens », Tarquin Hall donnent à rencontrer quelques figures du lieu : Mrs Cohen, la vieille locataire qui déteste les Irlandais ; l’Afghan, Gul Mohammad parti à la recherche de son jeune frère ; les deux Sasa, kosovars albanais ; Naziz qui a trouvé dans la littérature une « bouée de sauvetage » ; les Mendel et leur fiston qui a « trahi » la famille et les siens en épousant une goy ; Gullum, l’East Ender bangladais ; Wiil Waal, le Somalien ; Salah, le Kurde ; Les Francis, couple de cockney (presque) pur sucre ou encore Aktar, l’anthropologue bengali en quête d’une introuvable pureté britannique. Dépité et même furieux de découvrir que le mélange est universel y compris chez ces insulaires idolâtrés, il enrage contre la fumisterie de ces autochtones au sang mêlé. Ainsi, Chaucer, « le père de la littérature anglaise » serait d’origine française, Defoe, un brin flamand, Joseph Conrad s’appelait en fait Teodor Józef Konrad Korzeniowski … même le grand Churchill aurait du sang cherokee dans les veines par sa mère américaine. La cuisine britannique beigne elle aussi dans le multiculturel jusqu’au Fish and chips national qui serait un mixte d’origine française et juive. Quant aux emprunts linguistiques de la langue anglaise, il ne veut même plus s’y attarder !

    Car Tarquin Hall titille l’identité de ses concitoyens, les (fausses) certitudes des aînés et les bricolages des jeunes de Brick Lane, à l’image de la fille de Mr Ali. Et, quand Anu, sa fiancée indienne, débarque, ses illusions sur l’Angleterre se brisent sur le mur de la pauvreté, de la solitude et de l’anonymat. Difficile de surmonter les différences culturelles, dans une société où « les bonnes clôtures font les bons voisins »… Voilà qui a de quoi refroidir le plus anglophile des immigrés. Les voies de l’intégration étant impénétrables, peut-être que « les Anglais savent que s’ils se montrent trop amicaux et rendent la tâche trop facile aux autres, ceux-ci pourraient avoir l’horrible idée de rester étrangers »…

    Salaam London est un récit éclairant et subtil, souvent délicieux quant il donne à sauter les frontières sans jouer aux touristes gogo, baba et insouciant de l’autre et du lendemain. Au fil des pages voguent quelques effluves de mince pie de Noël et autres alléchant kheer, biriyani, chaat ou rajma. Les ombres d’Hugh Massingham, de Jack London, de Shakespeare, d’Israël Zangwill, le « Dickens juif » traversent les rues de l’East End et celles d’Isaac Rosenberg ou de Bernard Kops hantent encore les murs de la bibliothèque de Whitechapel, « l’université des pauvres » de ce quartier londonien.

     

    Traduit de l’anglais par Jacques Chabert, Gallimard, Folio, 2010, 481 pages

     

  • La citation du jour

    « Liberté sécurité et justice sont dans un bateau
    Liberté et justice tombent à l’eau
    Devinez devinez oh ce qui peut bien rester… »

    Sylvie Kandé, La quête infinie de l’autre rive. Epopée en trois chants, Gallimard, Continents noirs

  • La citation du jour

    « Des ambitions tu en as mais pas de répondant :

    ici personne n’achète tes quat ‘sous de rêves

    Là-bas est mieux : tu jettes une graine

    et en deux temps trois mouvements

    Je te jure elle germe et lève

    Et puis ramer pour ramer

    Mieux vaut avoir une visée »

    Sylvie Kandé, La quête infinie de l’autre rive. Epopée en trois chants, Gallimard, Continents noirs

  • La citation du jour

     

    « Seule, la mer au loin reste intacte. Berceau de nos haines, nos peurs, nos lâchetés. Je me sens attiré vers cette mer visqueuse, pleine de cadavres et de jeunesse affamée. Pleine d’espoir et de cris. »

    Kaouther Adimi, L’envers des autres, Actes Sud, 2011

     

  • Monsieur Ki. Rhapsodie parisienne à sourire pour caresser le temps

    Koffi Kwahulé

    Monsieur Ki. Rhapsodie parisienne à sourire pour caresser le temps

    AVT_Koffi-Kwahule_9804.jpegUn masque africain, une tête de singe sur un corps de chien, qui se baguenaude en plein après-midi dans un immeuble de la rue Saint Maur à Paris c’est le « déconnement » absolu - version africaine. Le « déconnement » des Anciens d’un village-fou qui ont expédié ledit masque pour rappeler quelque fils dudit village à sa tradition et à ses obligations envers « l’Ancêtre-à-tête-de-cynocéphale »... Contre son gré, cela va sans dite, pour cet homme, le seul du village-fou, qui n’était pas un déconnard…

    Mais quid aussi de ces lettres, tout en remontrances et en accusations imaginaires, expédiées régulièrement par un voisin irascible, maître es procédure et jargon juridiques, à une modeste concierge parisienne  qui n’en peut mais ? N’est ce pas, là itou, une forme de « déconnement » ? A la sauce française ou moderne cette fois.  Cette pauvre femme, qui a acheté à crédit une petite maison en Ardèche pour ses vieux jours, doit aussi se coltiner ce voisin… Le « déconnement » est absolu, universel et ses formes impénétrables.

    Dans cet immeuble de la rue Saint-Maur, un immigré africain vient d’emménager. Dans la chambre de bonne qu’il loue, l’ancien locataire, celui que la concierge appelle « Monsieur », a laissé en évidence des enregistrements audio sur une bande magnétique.  Une sorte de testament sonore dans lequel il y raconte son histoire. « Monsieur » était étudiant, venu en France pour y poursuivre ses études, avant de retourner dans son pays pour y faire profiter les siens de ses lumières acquises en exil. Entre deux crises d’asthme, « Monsieur » s’adresse à un certain « Monsieur Ki », personnage imaginaire ou masque, peu importe… Il lui raconte les histoires du village Djimi, ce village tellement fou que juge et administration ne veulent plus en entendre parler. Il parle du chasseur et de son chien Pelé, des matchs de foot entre les jeunes du village et ceux du voisinage, du centenaire qui portait sa mort autour du cou... Les personnages du village sont plutôt cocasses. Il y a le lubrique Dynamo, le furieux Tétanos, Anaconda-douze au « bangala » d’exception ou le francophile « Aléman » et sa femme « Gestapo » capable de « bordéliser » une atmosphère en moins de deux. Entre deux histoires, le lecteur se voit gratifier de quelques références ethnographiques, de récits sur les mythes, la cosmogonie et les croyances de ces villageois d’un genre particulier pour qui la mort est une défaite et le suicide une trahison..

    Cette déconcertante « rhapsodie parisienne » swingue entre mythes et croyances africaines d’une part, folie paranoïaque et procédurière d’un citoyen lambda du XXIe siècle d’autre part. Mythe et croyances collectives ici, procédure et individualisme là, aliènent tout autant les âmes de nos contemporains.

    Déconcertante (et enthousiasmante) aussi par sa forme, originale, qui mêle les récits, les registres et les styles, malaxant la langue française, l’irrigant de trouvailles, de mots et de néologismes inventés ailleurs…

    Il y a d’un côté le poids écrasant du groupe et de l’autre la solitude version occidentale. « C’est un monde de cinglés ici. Et on a vite fait de rentrer dans le rang, de devenir « dingue » (…) ». Le racisme ? « c’est comme l’hiver on ne s’y habitue pas ». « Monsieur » ne voyait personne. Ne parlait à personne. Sauf à Sue Helen, la fille de la concierge.

    « Je ne cours pas après un destin ! Je n’ai envie d’aucune prédestination ! » confie l’ancien locataire à Monsieur Ki. Pour échapper aux obligations, pour ne pas « être mangé en sorcellerie » et ne pas, à son tour, devenir un masque, devra t-il se réfugier dans la mort ou utiliser les ruses du métissage ? Et cela sera-t-il seulement suffisant… ?

    Comme une brume matinale, le tragique plane sur cette rhapsodie aux accents bouffons et aux airs légers. Après Babyface (paru en 2006 chez le même éditeur), il s’agit là du deuxième roman écrit par Koffi Kwahulé, Ivoirien né en 1956, installé à Paris, et auteur de plus d’une vingtaine de pièces de théâtre.

     

    Gallimard, collection continents noirs, 2010, 146 pages, 16€

     

  • La citation du jour


    « Ce qu’on appelle l’origine est un tourbillon, qui brasse et qui mélange, un héritage sans doute, mais un héritage multiple, mélangé, divisé… c’est un orchestre, un opéra : il faut l’oreille absolue pour l’entendre, c’est un vivier de voix. »

    Michaël Ferrier, Sympathie pour le fantôme, Gallimard, L’Infini, 2010