Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • La citation du jour

    « Ossiri lui révéla combien il était riche du simple fait d’avoir voyagé. « Kassoum, jusque parce que tu es là, tu es un homme meilleur. Meilleur que les gens du Colosse parce qu’ils ne connaîtront jamais Paris. Meilleur que les gens de Paris parce qu’ils ne connaîtront jamais le Colosse ».

     

    Gauz, Debout-payé, Le Nouvel Attila, 2014

  • La citation du jour

    « Mais chez la plupart des humains, le ghetto, riche ou pauvre, rétrécit l’horizon, il fabrique des barreaux dans la tête. Tout se passait comme si en prenant l’habitude de sortir de la MECI, ils avaient peur de s’habituer à de trop bonnes choses normales, des choses simples comme un hall d’immeuble propre, des toilettes nettoyées, une chasse d’au qui marches, des escaliers réguliers, des murs immaculés, des souris et des cafards absents, des poubelles vidées… « Le pire dans la misère, c’est de s’accoutumer au manque. »* Kassoum connaissait bien ce syndrome du ghetto. Il l’avait largement expérimenté au Colosse. Il n’allait pas recommencer à Paris. Il voyait Ossiri sortir tous les matins pour ne rentrer que tard le soir. Il décida de le suivre. »

    • Michel Alex Kipré, Sang pansé, L’Harmattant-FratMat.

     

    Gauz, Debout-payé, Le Nouvel Attila, 2014

  • La citation du jour

    « DIALOGUE

    -       Avec votre costume noir, vous ressemblez à Samuel L. Jackson dans  Jackie Brown. (Un homme s’adressant au vigile dans un grand sourire satisfait de lui.)

    -       Vous voulez plutôt parler de Pulp fiction. (Le vigile.)

    -       Hein ?

    -       Pulp fiction

    -       Non, Jackie Brown, le film où il y a la jolie nana black là.

    -       Samuel L. Jackson ne portait pas de costume noir dans ce film-là, monsieur. Il avait une veste ringarde vert fluo et portait toujours une casquette Kangol à l’envers. Mais par contre dans  Pulp fiction…

    -       Ah bon ? Vous connaissez le cinéma, vous ?

    L’homme, dubitatif, continue son chemin dans une allée. »

     

    Gauz, Debout-payé, Le Nouvel Attila, 2014

  • Guerre. Et si ça nous arrivait ?

    Janne Teller

    Guerre. Et si ça nous arrivait ?

    Foto-Janne-Teller.jpgAttention : âmes sensibles s’abstenir ! Les plus émotifs et imaginatifs parmi les jeunes lecteurs risquent de se faire des frayeurs en lisant le livre concocté par Janne Teller, danoise d’origine austro-allemande par sa famille. Chez les aînés – car ce livre peut, et doit être lu, par tous – il aidera les uns à réfléchir et les autres à vivre une expérience par procuration. Quand aux blasés, qu’ils continuent à ruminer dans leur coin !

    De quoi s’agit-il ? Rien moins que d’imaginer devenir un réfugié, un exilé en mal de sécurité, en quête de mieux vivre et de chaleur humaine. Prenez une famille française, oui ! oui ! française. Persécutée dans son propre pays après la prise du pouvoir par quelques factions autoritaires et va-t’en-guerre. Par les temps qui courent la fiction, pour être improbable, n’est pas totalement farfelu… Nos héros, franchouillards de toujours et certains à jamais de leur liberté tricolore, se retrouvent pourtant le bec dans l’eau : obligés de se dépatouiller entre persécutions, mal vie et projets de fuite. Et là, il faut monnayer et subir le diktat des passeurs !

    Janne Teller est impitoyable : non contente de mettre nos gamins sur le gril de la méchanceté humaine, voilà qu’elle oblige ces pauvres Français, parents et enfants, à devoir s’esbigner de l’autre côté de la Méditerranée. Aller trouver refuge chez les Arabes ! Un comble ! Vous imaginez ?! Les héritiers de Voltaire et d’Hugo, donneurs de leçons urbi et orbi aller quémander aux rejetons de Moubarek et autre El-Banna. Et pourquoi pas l’Algérie encore ! Ce monde serait cul par dessus tête. Sans compter qu’il faudra croupir quelques deux ans dans un camp de réfugiés en Egypte et manifester par la suite de claires intentions d’intégration. Brrr ! cela fait froid dans le dos, non ?

    Ce livre est judicieusement proposé sous la forme d’un passeport, sésame hier de tous les voyages et de toutes les aventures humaines. Janne Teller y renverse les perspectives  et raconte l’exil vécu par un gamin de Copenhague (première édition danoise en 2004), de Berlin (40 000 exemplaires vendus en Allemagne) ou de Paris. Comprendre en étant capable de se mettre à la place de l’Autre, voilà le pari pédagogique de cette démarche qui invite à l’imagination et à l’empathie et qui s’ouvre par cette question-suggestion : « Et si, aujourd’hui, il y avait  la guerre en France… où irais-tu ? ». Tout ici est fiction, ou presque, car à l’heure de la crise, il faut bien constater que dans nombre de pays européens, les flux migratoires bougent : les Espagnols, les Italiens, les Portugais et même les Français sont de plus en plus nombreux à aller chercher ailleurs le droit de vivre dignement, au point de voir certains pays comme le Brésil froncer les sourcils.

    Le talent de l’auteure, en distillant ici ou là quelques doses d’inquiétudes, est d’aider à réfléchir à l’état du monde, devenu un « village-planétaire », une « société-monde », où tout et tous sont interconnectés.

     

    Illustrations de Jean-François Martin, traduit du danois par Laurence W.O.Larsen. Edition Les Grandes personnes, 2012, 64 pages, 7,90€. A partir de 12 ans

     

  • La citation du jour

    « Au début, la police crut que c’était un Noir, ensuite, après le premier lavage, un Arabe, mais après le deuxième bain tout devint clair – c’était un enfant rom. »

    Velibor Čolić, Ederlezi. Comédie pessimiste, Gallimard 2014

  • La citation du jour

    « Quand nous buvons, nous sommes ivres. Et une fois ivres, nous dormons. Quand nous sommes endormis, nous ne commettons pas de pêchés. Et si nous ne pêchons pas, nous allons au paradis. Voilà pourquoi je bois, pour aller au paradis. »

    Velibor Čolić, Ederlezi. Comédie pessimiste, Gallimard 2014

  • La citation du jour

    « Il y a trois preuves que Jésus était un Tzigane. La première : il a transformé l’eau en vin. La deuxième : il n’a jamais travaillé, il a juste trainé un peu partout. Et enfin la troisième : s’il a réussi à faire quelque chose, c’était toujours un miracle. »

     

    Velibor Čolić, Ederlezi. Comédie pessimiste, Gallimard 2014

  • Des chiffres et des litres

    Rachid Santaki

    Des chiffres et des litres

    th.jpgRachid Santaki est né en 1973 à Saint-Ouen, a grandi à Saint-Denis, c’est sans doute ce qui lui a donné l’énergie nécessaire pour être à la fois entrepreneur, journaliste, scénariste et romancier. Il a signé La petite cité dans la prairie (Bords de l'eau, 2008), Les anges s'habillent en caillera (Moisson rouge, 2011) et  Flic Ou Caillera, chez Masque  en 2013. En 2014, il signe pas moins de quatre parutions : Putain D'amour (un recueil de textes au Livre De Poche), Business Dans La Cité  (Seuil), deux recueils de nouvelles : Gueule De Bois (Gallimard) et Triple XL (Folie d'encre).

    Dans Des chiffres et des litres, la France est tout entière rivée à son téléviseur et aux prouesses de l’équipe de France de football, équipe black-blanc-beur qui en 1998 emportera le trophée mondial et l’adhésion nationale. Au même moment, celui qui aurait pu être le petit frère d’un des héros de la France footballistique (et au delà), Hachim, un jeune de Saint-Denis, intelligent et sensible, doué pour les études, apprenti journaliste, va se fourvoyer dans le commerce de drogue. Alors que le Stade de France brille de mille feux et d’autant de cocoricos, les cités alentours restent plongées dans le noir, le noir de l’indifférence et de l’abandon, le noir des trafics en tout genre, des bandes et d’un quotidien dominé par le rapport de force, la peur, l’agression ou l’évitement, des codes dures, inhumains qui obligent à plier ou à se casser.

    Rachid Santaki ouvre son roman avec un cadavre au corps torturé, retrouvé dans un terrain vague. Il décortique alors l’organigramme du bitume et le cursus de la « bigrave » ou deal de shit, il montre les impasses de la violence et de la prison, les dérapages de la politique du chiffre-roi, les flic ripoux mais aussi l’histoire de l’immigration algérienne, marquée ici par le souvenir du 17 octobre 1961, qui plombe le quotidien des anciennes générations à commencer par celui de l’inspecteur Perrin dit « Papy » et de son pote Omar, le bistrotier.

    Le roman est sombre comme peut l’être le quotidien de trop de jeunes parqués loin de la ville, sans perspective autre que celle des barres et des tours. Une ombre gagne et menace les cités, une ombre qui court entre des bâtiments fatigués, intimide dans les halls d’immeubles et souille les intérieurs, celui des familles, comme celle de Hachim, laissant une mère éplorée, un père déshonoré et une sœur révoltée. Il n’y a rien à attendre de cette chienlit! Qu’on se le dise.

    Pourtant, Santaki pointe aussi, presque en creux, la vitalité de ceux qui refusent de s’apitoyer sur leur sort ou de se perdre à cause du désamour national. La résilience n’est pas qu’un concept pour auditeur de France Culture ! Elle s’expérimente quotidiennement dans cette ville, Saint Denis qui « baille une mauvaise haleine, s’étire et se lève. Je l’aime pas pour ses cités, mais pour son âme, ce qu’elle fait de nous, des débrouillards » dit Hachim. Sans tralalas ni trémolos, Santaki montre qu’on sait aussi se battre et que les « quartiers », comme autant de ruches, bourdonnent d’un dynamisme polymorphe nourri de sport (ici la boxe thaï), de réussite scolaire, de valeurs d’entraide, de créations et de subversions artistiques à la sauce poétique, langagière, rap, tags et autres. La langue utilisée par l’auteur en témoigne : mélange de classicisme et de vocabulaires de « téci », de métissages linguistiques aussi, qui emprunte aux parlers de l’immigration où domine l’arabe. Certes le lecteur risque de s’égarer entre les « achipe-achopé », « sclague » « teum-teum », « heb’s » et autres « gueush » (un lexique en fin de volume n’aurait pas été de trop), mais l’auteur maîtrise son affaire, son intrigue et ses personnages.

    Ce que montre Santaki c’est que ces banlieues ne sont pas sur une autre planète, une étrangeté, un barnum extérieur au genre humain comme hier certains zoos. Elles sont au cœur du pays et du devenir collectif. Des beurs, des blacks et autres relégués de l’urbain dealent et se fourvoient, mais le système vit de ses consommateurs et usagers paisiblement installés de l’autre côté du périphérique où dans quelques propriétés bourgeoises. La nuit, les rêves de la plupart de ces mômes sont agités des mêmes images et des mêmes désirs que les autres jeunes. Rachid Santaki tend un miroir, celui de la France d’aujourd’hui. Pas sûr que son reflet soit reconnu. Regardez où étaient reléguées il y a peu les illusions de 1998 et d’une France Black-blanc-beur : dans un pain au chocolat !

     

    Moissons rouges, 2012, 256 pages, 16,50€

     

     

  • La citation du jour

     « Nous ne parlons aucune langue,

    Nous ne sommes d’aucun pays,

    Notre terre c’est ce qui tangue

    Notre havre c’est le roulis. »

    Benjamin Fondane, Le mal des fantômes, Verdier 2006

  • La citation du jour

    « Finalement, nous sommes défaits et livrés à ces sauvages venus d’ailleurs. Savez-vous, ma chère H’jira, ce qu’est un barbare ? Celui qui ne reconnaît pas l’humanité de l’autre, celui qui fait preuve de cruauté. Qui est barbare ? Moi qui écrit des poèmes pour dire la beauté et la célébrer ? Ou les généraux français qui ont conquis notre territoire à coups de canon, tuent femmes, enfants et hommes, sans distinction, les enfument, les enterrent vivants, leur tirent dans le dos ? Qui est barbare ? »

     

    Yahia Belaskri, Les Fils du Jour, Vents d’ailleurs 2014