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  • Laura Reeck : Writerly Identities in Beur Fiction and Beyond

    Pour les lecteurs en langue anglaise voici un livre qui devrait intéresser celles et ceux qui se passionnent pour les auteurs français dont les thèmes de prédilection portent sur l’immigration, les questions culturelles et identitaires, la banlieue ou la relégation sociale, la langue comme territoire et comme identité... Autant de questions (et d’œuvres) qui pourraient bousculer le bon ordonnancement de la société, une certaine doxa imperméable aux mouvements des hommes et des idées et aider à réfléchir à la place ou au rôle de la fiction, de la littérature, dans nos quotidiens.

    L’auteure, Laura Reek, professeure associée au Allegheny College étudie ici les romans de Azouz Begag, Farida Belghoul, Leïla Sebbar, Saïd Mohamed, Rachid Djaïdani, et  Mohamed Razane.  Un regard excentré, américain, sur un pan entier de la littérature française par trop délaissé…  « at home ».

    On y reviendra…

     

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    Voici ce que dit la quatrième de couverture :

    The focus of this book is provided by postcolonial writing in France. Laura Reeck traces the evolution of this extensive corpus of works, locating these contributions within the context of contemporary cultural, political, and social challenges associated with the unresolved legacy of colonialism, arguing for their pertinence to current debates on republican ideals and values and to the treatment of underrepresented communities, and underscoring their vital role in expanding perceptions of multicultural realities. The result is a more rigorous and comprehensive understanding of culture and politics in contemporary France.” — Dominic Thomas, University of California, Los Angeles, author of Black France: Colonialism, Immigration, and Transnationalism

     

    Writerly Identities in Beur Fiction and Beyond presents insightful analyses both of established Beur authors and classics of that literature and of more recent writers and works. This book is a must-read for anyone interested not only in contemporary French studies but also in immigrant literature, comparative literature, postcolonial studies, and Arab studies.”Michele Bacholle-Boskovic, Eastern Connecticut State University, author of Un passé contraignant: Double bind et transculturation

     

    Writerly Identities in Beur Fiction and Beyond explores the Beur/banlieue literary and cultural field from its beginnings in the 1980s to the present. It examines a set of postcolonial bildungsroman novels by Azouz Begag, Farida Belghoul, Leïla Sebbar, Saïd Mohamed, Rachid Djaïdani, and Mohamed Razane. In these novels, the central characters are authors who struggle to find self-identity and a place in the world through writing and authorship. The book thus explores the different ways all these novels relate the process of “becoming” to the process of writing. Neither process is straightforward as the author-characters struggle to put their lives into words, settle upon a genre of writing, and adopt an authorial persona.

    Each chapter of Writerly Identities in Beur Fiction and Beyond focuses on a given author’s own relationship to writing before assessing his or her use of the author-character as a proxy. In so doing, the study as a whole explores a set of literary questions (genre, textual authority, reception) and engages them against the backdrop of socio-cultural challenges facing contemporary French society. These include debates on education, cultural literacy, diversity and equal opportunity, and the banlieue environment. Finally, it argues in relation to the authors and novels in question for the particular relevance of “rooted and vernacular” cosmopolitanism, which suggests both that exploration of the world must begin at home and that stories are crucial for such explorations.

     

    Laura Reeck is associate professor of French at Allegheny College.

     

    Lexington Books - A division of Rowman & Littlefield Publishers, Inc.

    4501 Forbes Boulevard, Suite 200 Lanham, Maryland 20706

    1-800-462-6420 - www.lexingtonbooks.com

  • 2ème Edition du Salon Littéraire Méditerranéen à Marseille

    L'association Ecrimed, «  Écritures Méditerranéennes  », organise  sa  2ème Edition du Salon Littéraire Méditerranéen à Marseille

    «  Écritures Méditerranéennes  », Salon International réunissant des écrivains des pays composant l'Union pour la Méditerranée, deuxième édition se tiendra à Marseille les samedi 27 et dimanche 28 novembre 2010 de 10h à 18h. Entrée gratuite.

    AmineMaalouf.jpgSous le Parrainage de Tahar Ben Jelloun, aux côtés du parrain 2010 , Amin Maalouf, vous aurez l'occasion de rencontrer et d'écouter une quinzaine d’écrivains des pays du bassin méditerranéen.Cette année, le Salon se  tourne vers Camus. Entre le 50ème anniversaire de sa disparition et le centenaire de sa naissance, cette 2ème édition des "Ecritures Méditerranéennes" se penchera sur "l'empreinte laissée par Albert Camus en Méditerranée". Stéphane Freiss, qui en janvier 2009 interpréta l'écrivain pour la télévision, viendra lire un choix de ses textes.camus-cea00.jpg

    Lieu : Atria des Docks de la Joliette, 10, Place de la Joliette, Cedex  - 13567 Marseille

    AU PROGRAMME:

    Les Tables Rondes sont animées par Pierre Assouline, Directeur Littéraire de la manifestation

    Lieu : AGORA DES DOCKS

    - Samedi 27 novembre 2010

     -Table Ronde 1   de 11h00 à 12h30 :

    Double culture, une seule langue : comment s’en sortir ?

    Avec Michel Del Castillo (Espagne), Tahar Ben Jelloun (parrain d’honneur)

    Amin Maalouf (parrain 2010), Hélène Cixous (France) et Robert Solé (Egypte).

     

    -Table Ronde 2   de 15h15 à 16h45 :

    Co-animée par Franz-Olivier Giesbert (Directeur du magazine Le Point)

    Ecrivains de langue française natifs de la Méditerranée : des Français d’origine étrangère  ?

    « Où on s’aperçoit qu’il n’est pas si simple de considérer que la langue est la vraie patrie d’un écrivain »

    Avec Gonçalo M.Tavares (Portugal), Noura Bensaad (Tunisie), Abdellatif Laabi (Maroc), Maria Efstathiadi (Grèce), Boualem Sansal (Algérie), Joumana Haddad (Liban).

     

    - Dimanche 28 novembre 2010

    castillo_0.JPG-Table Ronde 3   de 10h00 à 11h30 :

    Y a-t-il une littérature méditerranéenne ?  L’empreinte d’Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy,  Driss Chraïbi, Kateb Yacine…

    « Où l’écrivain se découvre une identité de riverain de mare nostrum en payant sa dette à ses auteurs de chevet ».

    Avec Michel Del Castillo (Espagne), Abdellatif Laabi (Maroc), Sandro Veronesi (Italie), Jacques Ferrandez (BD), Tahar Ben Jelloun (parrain d’honneur).

     

     -Table Ronde 4   de 15h15 à 16h45 :

    La littérature sert-elle aussi à faire la paix ? 

    « Où la langue de la littérature et de la poésie accomplissent des miracles inaccessibles à la langue de la politique et de la guerre ».

    Avec Amin Maalouf (parrain 2010), Michal Govrin (Israel), Robert Solé (Egypte), Yigit Bener (Turquie), Maria Efstathiadi (Grèce).

     

    Les Cafés littéraires au Café AGORA DES DOCKS, dans l'enceinte des Docks de la Joliette

     

    - Samedi 27 novembre 2010

    - Café Littéraire 1   10h00 à 10h45

    Animé par Michel Fraisset, Avec Jacques Ferrandez et Boualem Sansal (Algérie) ;

     

    - Café Littéraire 2   14h15 à 15h00

    Animé par Elsa Charbit, journaliste. Avec Noura Bensaad (Tunisie), Joumana Haddad (Liban),

     

    - Dimanche 28 novembre 2010

    - Café Littéraire 3   11h45 à 12h30

    Lecture d’extraits de l’œuvre de  Camus par Stéphane Freiss.

    Présentation Pierre Assouline

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    - Café Littéraire 4   14h15 à 15h00

    Animé par Valérie Smadja, journaliste. Avec  Sandro Veronesi (Italie), Yigit Bener (Turquie)

     

     

     

    Deux expositions animeront l'espace des Docks. . Une, consacrée à l'adaptation de la nouvelle de Camus en bande dessinée par Jacques Ferrandez "L'hôte". Grâce à un partenariat avec le Festival du 9ème Art d'Aix en Provence et l'Office du Tourisme de la Ville, des panneaux expliqueront le passage du texte à la bande dessinée.

    L'autre, de photographies d'Olivier Monge qui l'an dernier a immortalisé les écrivains participants à la première édition du Salon. Une galerie appelée à s’enrichir chaque année de nouveaux portraits...

    A cela il faut ajouter un espace réservé aux « lecteurs de demain » animé par Lise Couzinier : Contes en Méditerranée et création artistique (dessin, pâte à modeler, audition de CD…).

    Et bien sûr des dédicaces,  Samedi 27 novembre et Dimanche 28 novembre de 12h30 à 13h00 et de 16h45 à 17h45

     

    Pour en savoir plus : www.salonecrimed.fr

     

  • Laisse les hommes pleurer

    Eugène Durif

    Laisse les hommes pleurer

     

    9782742776900.jpgIl s’agit là d’une migration bien particulière. Il est question de rapt d’enfants, de gamins volés à des parents trompés, abusés et, au bout du compte, de vie brisées, d’hommes et de femmes parfois anéantis. Cela se passe en France. Entre 1963 et 1982 où plus de 1 600 enfants réunionnais ont été allègrement arrachés à leur île et à leur proche. Ils seront placés dans des familles d’accueil ou des institutions qui en Creuse, qui en Lozère ou dans le Gers. Puisque l’île connaît une croissance démographique importante et que dans le même temps les campagnes de la métropole souffrent d’un manque de bras et/ou de jeunes… L’idée lumineuse ne peut venir que d’un grand esprit et d’un grand cœur. En l’occurrence, Michel Debré soi-même, ci-devant fidèle Premier ministre du Général de Gaulle et alors préfet de l’île de la Réunion. La DDASS se charge du travail ; la peur gagne : « cache-toi bien sous les draps, la voiture de la DDASS, la voilà qui passe, ceux qu’elle emmène on ne les revoit jamais plus, cache-toi elle va nous prendre, pour la reconnaître certains jours elle est rouge, d’autres bleue pour mieux tromper. »

    Comme le disait en 1969 un paysan de Guéret dans la Creuse : « Je veux un petit Noir. Ça bosse, ça prend un repas par jour, ça couche dans la paille et ça se chausse de sabots » (1). C’est justement dans une de ces fermes, « chez les Landry », que se retrouve le petit Sammy en compagnie d’un autre gamin, Léonard. Sammy fait partie de ses Réunionnais expédiés en métropole. Léonard, lui, est un orphelin.

    Eugène Durif est un dramaturge et un romancier. Il ne tombe pas dans le piège dans lequel tombent des auteurs de romans ou de BD. Il n’écrit pas un reportage, il ne décrit pas un événement. Ils racontent avec sensibilité et retenu, sans pathos, l’histoire de deux gamins. Les liens qui se tissent et la complicité née dans l’épreuve qui, même après des années de séparation, ne fera pas défaut.

    Pourtant tout y est : le racisme de la campagne française, l’exploitation des enfants, les dures conditions de vie, la bêtise de ces paysans qui « ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, le monde est immense, et eux, parce qu’ils sont d’un endroit, c’est comme si rien d’autre n’existait. »

    Bien sûr, tous ces gamins n’ont pas connu de telles conditions. Certains ont sans doute eu la chance de tomber dans des foyers autrement chaleureux et prévenants. Mais tous semblent avoir connu la nostalgie de leur île, les souffrances de l’exil, des existences amputées des êtres qui leur étaient indispensables, des difficultés psychologiques quand ce ne fut pas des séjours en hôpital psychiatrique (2). En une centaine de pages Durif dit tout et triture l’univers des âmes brisées. « Un humain qui va mal, c’est pas un malade, c’est quelqu’un qui n’en peut plus de la saloperie dans laquelle on l’a plongé au départ. »

    Le récit se déroule bien des années plus tard. Sammy et Léonard ont fait, tant bien que mal, leur vie. Ils ont chacun à leur manière tu leur passé, caché leurs blessures, déguisé leur vulnérabilité. Fait avec ! « j’avais bien compris que la vie ne me devait rien » dit Léonard.

    Léonard décide de retrouver Sammy. « Si la vie s’était chargée de nous séparer, il demeurait comme un appel de l’autre, quelque  chose qui ne pourrait jamais nous séparer complètement. » C’est cette quête et ces retrouvailles que raconte Eugène Durif. Des retrouvailles où les souvenirs et les pleurs auront leur part. Et les lendemains marqués par les mêmes fragilités et incertitudes.

     

    1. Respect magazine cité par Afrik.com : http://www.afrik.com/article7901.html

    2. Voir par exemple Ivan Jablonka, Enfants en exil, transfert de pupilles réunionnais en métropole (1963-1982), Seuil 2007.

     

    Edition Actes Sud, 2008, 140 pages, 16 €

     

  • Algérie, la guerre des mémoires

    Éric Savarese

    Algérie, la guerre des mémoires

     

    langue_babel.jpgPour évoquer cette guerre des mémoires algériennes, Éric Savarèse part de la construction de la mémoire pied-noire. Il montre en quoi les mémoires deviennent un matériau, un objet d’étude pour l’historien dans le cadre d’une historiographie renouvelée et comment les mémoires, constitutive de l’identité de groupes, sont construites, lissées, pour, dans un premier temps, permettre d’agglomérer le plus d’individus possibles pour, ensuite, faire valoir dans l’espace public la reconnaissance et les revendications du groupe ainsi constitué. Ce mécano mémoriel, savamment construit, masque alors la diversité des expériences individuelles  - « la carte bigarrée des Français d’Algérie, puis des pieds-noirs, incite à la vigilance » écrit l’auteur - et entend concurrencer, délégitimer voire contrecarrer tout autre représentation.

    Il montre, après d’autres, que les mémoires de la guerre d’Algérie, celle des pieds-noirs, des harkis, des appelés du contingent, des enfants de l’immigration algérienne etc. poursuivent la lutte armée sous un autre mode dans un contexte marqué, depuis les années 90, par un retentissant (et parfois abrutissant) devoir de mémoire et la multiplication de cérémonies mémorielles. Menées à tout va, ces cérémonies ne prémunissent en rien, les jeunes générations notamment, de reproduire les erreurs des aînés. Ainsi, à propos d’une autre page sombre de l’histoire nationale, Éric Savarèse écrit « aucune commémoration ne saurait remplacer le travail d’analyse et participer, à elle seule, à la construction de barrières morales contre l’antisémitisme, c’est-à-dire à la socialisation d’un humanisme à vocation universelle. »

    Plutôt que cette « socialisation d’un humanisme à vocation universelle », le danger serait que les groupes de pression, ces gardiens, représentatifs ou autoproclamés de la mémoire estampillée politiquement correcte,  mémoire souvent idéalisée et souffreteuse, s’érigent non seulement en gardiens de la vérité historique – délégitimant l’œuvre et le travail de l’historien - mais aussi en juges, habilité à condamner tel ou tel historien, telle ou telle publication, telle ou telle contre-mémoire, en s’appuyant notamment sur la multiplication des « lois sur l’histoire » (1990, 1999, 2001, 2005).

    Propriétaires des laboratoires de recherche historique et partant du droit au doute et de la liberté de recherche ; propriétaires des cours de justice et donc de la vérité ; propriétaires du passé (pour parler comme Philippe Sollers) , les gardiens de la mémoire pourraient bien emprisonner la société tout entière dans les rets de représentations qui asservissent le présent au passé sacrifiant les véritables enjeux sociaux sur l’autel des figures d’un autre âge et des particularismes : « le passé a donc changé de statut puisque, pratiquement réduit à n’exister que dans le cadre d’enjeux de mémoires, il n’appartient presque plus aux variables supposées explicatives du présent. Évoqué à travers le filtre de souvenirs collectifs, il est devenu à la fois objet de vénération collective, une ressource mobilisable dans le cadre de stratégies identitaires et un enjeu politique. »

    Plus grave, cette guerre des mémoires algériennes pourrait obstruer l’un des défis majeurs du temps et de la société : la gestion des différences, la compréhension de phénomènes historiques importants (comme l’usage de la violence) dont certains (la colonisation notamment) sont consubstantiels non seulement à la République mais à l’État-Nation français enfin, last but not least, l’interrogation de ce qui fonde la communauté politique et le pacte social. Des questions qui concernent l’ensemble des citoyens, qu’ils soient ou non liés à l’Algérie.

     

    Edition Non lieu, 2007, 176 pages, 18 euros

     

  • Histoire coloniale et immigration. Une invention de l’étranger

    Éric Savarèse

    Histoire coloniale et immigration. Une invention de l’étranger

     

    210Ericsolo2-Site.jpgÉric Savarèse, docteur en science politique, remonte aux sources de l’invention de l’étranger pour décrypter comment la peur de l’étranger se projette aujourd’hui sur l’immigré et, tout particulièrement, sur le Maghrébin. En somme et après d’autres études, il rappelle que nombre de stéréotypes dont l’immigré est affublé trouvent leur origine dans ceux qui hier stigmatisaient l’indigène, le colonisé. Il puise dans la littérature et la presse coloniales et surtout dans le cinéma hexagonal et ses réalisations récentes marquées par l’émergence de cinéastes maghrébins et Français d’origine immigrée pour y débusquer ces représentations de l’Autre mais aussi leur dénonciation.

     « Faute de s’associer à l’histoire, la sociologie serait condamnée à l’illusion de la connaissance immédiate des faits sociaux et des représentations ». Voilà pourquoi Eric Savarèse convie l’historien à sa table de travail. Il y réserve aussi une large place à la psychanalyse étant entendu que « l’opération consistant à faire table rase du passé [n’est] possible que par le truchement d’un retour réflexif sur le passé. Faute de quoi il se trouve toujours des amnésiques pour s’étonner que, dans des situations historiques variées, les mêmes causes puissent produire - avec des manifestations partiellement différenciées - les mêmes effets ».

    Ainsi, pour espérer combattre efficacement les idées reçues, les craintes voir l’hostilité à l’égard des immigrés, il faut en passer par l’étude de leur genèse et des conditions qui en expliquent, à travers les temps et les sociétés, leur naissance, leur développement et leur transformation.

    L’immigré est l’enfant du colonisé. Aussi, le terrain des représentations s’avère plus fertile que les « pratiques sociales » ou les « formes d’organisation des communautés politiques » pour montrer ce rapport de symétrie qui existe entre la France coloniale et la France « terre d’accueil ».

    Avec précision, Eric Savarèse décrit les conditions d’émergence de ces opinions et croyances, leur évolution et leur « réinvention » dans une France devenue « terre d’immigration ». Il montre comment, au XIXe siècle, la croyance en la supériorité occidentale confortée par la théorie évolutionniste et l’analyse des sociétés indigènes qui en découle viennent renforcer l’influence de la logique coloniale dans l’invention de l’Autre. L’ensemble de ces savoirs convergent pour toujours dévaloriser cet Autre.

    L’extraordinaire est « l’inscription de cette histoire dans la durée, son enracinement dans la mémoire (...). Car il s’agit bien d’une histoire qui traverse trois républiques, qui reste enseignée quels que soient les nombreux changements de majorités politiques, et qui résiste, même partiellement, aux convulsions créées par les guerres coloniales ». Le travail de l’école républicaine explique cet « enracinement dans la mémoire » de chaque Français. L’idéologie de Jules Ferry a servi à justifier moralement le colonialisme : en échange de son expansion économique la nation française se devait d’apporter la civilisation aux peuples colonisés. Sur le plan éducatif, la politique coloniale était censée prolonger, au-delà de la métropole, l’idéal républicain d’égalité des chances. Cet enracinement des représentations de l’Autre en France trouvera son ferment le plus sûr dans l’attachement sans faille des instituteurs à cet idéal républicain dont ils furent les premiers bénéficiaires.

    Pourtant, ce rôle de l’histoire enseignée demeure insuffisant pour expliquer l’« acceptation tacite » et quasi générale de la colonisation. Il reste alors à interroger les silences, à tripatouiller les mémoires pour en débusquer les oublis, à écouter les non-dits qui participent aussi des constructions historiques. Ce faisant, l’auteur montre que l’histoire coloniale reste muette sur les colonisés et sur la question du pouvoir et de la domination coloniale. Dès lors, quels que soient les idéaux défendus - de droite avec l’association ou de gauche avec l’assimilation - jamais le fait colonial n’est remis en question.

    Cette « dynamique de l’oubli » influencera le regard porté en France sur le Maghrébin immigré. Oublié lui aussi dans les années 60, il sera « réinventé » - au sens où certains courants de la société française, l’extrême droite en l’occurrence, redonneront corps à des représentations héritées de l’histoire coloniale - dans les années 80. De même que les indépendances ont sonné l’affirmation de l’Altérité par elle-même, il faudra, en France attendre la fin des années 80 et l’irruption d’une nouvelle génération, enfants de l’immigration, pour là aussi entendre cette altérité. C’est ce que montre l’auteur par un détour rapide sur la production cinématographique.

    Entre l’exclusion de l’Autre, renvoyé à sa différence rédhibitoire et son acceptation qui nie sa différence, émerge alors une représentation qui opère une distinction entre la sphère politique – tous égaux – et la sphère culturelle – reconnaissance des différences.

    Eric Savarèse montre avec pertinence, sans aucun jugement de valeur anachronique, comment et pourquoi ont émergé et se sont inscrites, dans la mémoire nationale, des représentations de l’Autre avec lesquelles, aujourd’hui encore, il faut compter. Seul un travail pédagogique de fonds - une pédagogie des représentations - où l’histoire et la psychanalyse semblent avoir leur place, permettrait d’en comprendre la genèse et surtout d’éviter de dangereux retours du refoulé. De ce point de vue, Eric Savarèse est non seulement convaincant mais bien utile.

     

    Edition Séguier, 2000, 267 pages