« Même les babouins aux fesses enflammées par je ne sais quoi ricanaient à notre passage, comme si eux qui ne portaient ni chemise ni pantalon, ils étaient plus évolués, plus civilisés que nous les hommes. « Bien fait pour vos vilaines gueules d’humanoïdes attardés ! » semblaient-ils dire en nous regardant nous faufiler entre les arbres.
Mais à chaque fois que je me fâchais et brandissais mon sabre étincelant et mon kalach pour bousiller tous ces misérables, il me disait, mon papa, de rengainer mes armes tout de suite, et me répétait que c’est dans les sociétés arriérées que la moquerie et les méchancetés sont les plus développées, de mêmes que la peur et les superstitions. Et il me citait l’exemple vivant de Maabala où, disait-il, ce grand bandit de Mabu Maba (il ne disait jamais le grand Calife ni la longue liste d’épithètes qui suivait), où donc ce grand bandit de Mabu Maba avait réussi à prendre le pouvoir pour terroriser la population avec des fables tirées du VIIe siècle d’outre-désert !
C’est vrai que mon papa était d’accord avec peu de gens, surtout depuis l’invasion du pays par le Calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne et sa horde de barbares Morbidonnes ramassés dans les caniveaux, aux quatre coins du monde ! Et c’était pourquoi beaucoup de gens voulaient sa peau. »
Ousmane Diarra, La route des clameurs, Gallimard, Continents noirs, 2014