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La Fiancée d’Odessa

Edgardo Cozarinsky
La Fiancée d’Odessa


9782742739561.gifEdgardo Cozarinsky est né en Argentine en 1939, petit-fils d’immigrés juifs fuyant les pogroms russes de la fin du XIXè siècle, il a grandi à Buenos Aires avant de venir s’installer à Paris en 1974. Cinéaste, il est aussi, comme écrivain, l’auteur de deux essais sur Borges et Henry James. Après Vaudou urbain (Bourgois, 1989) et Le Violon de Rothschild (Actes-Sud, 1996) ce recueil de nouvelles est sa troisième œuvre de fiction. E. Cozarinsky appartient encore à une génération où la littérature constituait encore la première ouverture sur le monde. Voilà pourquoi peut-être ses personnages ne peuvent s’appréhender qu’à travers la fiction romanesque. Aucune autre clef ne pourrait ouvrir sur ces existences marquées par l’exil, l’appartenance à des diasporas nombreuses, russe, juive ou argentine, le mélange poussé parfois jusqu’à la contradiction, les identités mêlées, les mémoires obscures et les tragédies totalitaires du dernier siècle.
Ici, le passé n’est pas une proprette et rectiligne avenue qui exhale une illusoire pureté. Non, il emprunte des chemins sinueux, au sol couvert d’aspérités qui laisse certes les corps meurtris, mais fait les âmes belles. L’histoire y est horizontale, confuse et foisonnante, souterraine autant qu’incertaine mais toujours irréductible à ces théories globalisantes, sèches et verticales.
Dans Hôtel d’émigrants, l’auteur mêle recherche documentaire et fiction, passé et présent. Si l’enquête menée par le narrateur se déroule aujourd’hui, l’histoire, elle, se situe à Lisbonne, en 1940. Les candidats à l’émigration fuyaient alors la nuit nazie. En s’éloignant vers un autre continent, ils voyaient s’éteindre « les dernières lumières de l’Europe ». Ils emportaient avec eux un monde fait de vies entrecroisées, peuplé de personnages obscurs et de secrets annonciateurs d’existences équivoques. Le mur des certitudes héritées du passé se lézarde sous les coups de boutoir du présent.
Exilée avec son époux en Argentine, La Fiancée d’Odessa raconte aussi l’histoire d’une bifurcation fondatrice. Cette secrète bifurcation est l’œuvre de cette audacieuse fiancée qui a préféré fuir les rives ukrainiennes de la Mer noire pour la pampa argentine. Son geste deviendra secret de famille, passant de génération en génération, par les femmes et uniquement par elles. L’histoire de l’aïeule sera transmise « comme un savoir dangereux, interdit peut-être ». Pourtant, un siècle après, ce secret est révélé à l’arrière petit-fils, ultime descendant sans progéniture de ce couple d’émigrants russes. Faut-il dénoncer l’identité usurpée par l’aïeule ou raconter ? Où est la vérité ? Pour E.Cozarinsky, l’appartenance à une communauté de destin et la foi en cette appartenance priment sur tout autre pseudo légitimité érigée en barrière.
La plupart des personnages de ce recueil sont en transit. Chassés et persécutés par l’Histoire, ils sont constamment confrontés à l’impermanence de toutes choses, à la mort (« Vue sur un lac, à l’aube » ou « amours obscures »), à la liberté (« Jours de 1937 ») ou à la tromperie (« Budapest »).
Ainsi, les existences et les vérités seraient, comme la vie elle-même, relatives et incertaines et supporteraient bien une salutaire dose de scepticisme...

Nouvelles traduites de l’espagnol (Argentine) par Jean Marie Saint Lu, Actes-Sud, 2002, 161 pages, 19,90 euros

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