Toi Derricotte
Noire, la couleur de ma peau blanche. Un voyage intérieur
Toi Derricotte est une Noire à la peau blanche. Professeur de littérature en Pennsylvanie, auteur renommé aux Etats-Unis de plusieurs recueils de poésie, elle a pendant plus de vingt ans tenu un journal intime. Avec une lucidité et une profondeur rares, elle a consigné ses douleurs, ses hontes, ses doutes et ses réflexions sur le racisme de la société américaine nées de sa singularité par rapport à cette société mais aussi par rapport au reste de la communauté noire.
Toi Derricote est « déterminée à ne pas mentir ». Aucune vérité - aussi insupportable soit-elle, pour elle-même, pour ses relations ou ses amis, aussi incompréhensible soit-elle pour sa communauté d’origine - ne résiste à sa détermination : « j’ai décidé de publier ce texte et d’être maudite, parce que la « vérité » doit être dite par quelqu’un : le racisme n’est pas là, dehors, quelque part, il est à l’intérieur de nous, de nos familles et de notre communauté ».
La relation à l’Autre est au cœur de ce livre où domine cette interrogation : comment réduire la distance qui sépare la conscience que l’on a de soi des apparences ? Comment faire en sorte que l’image de vous-même que vous renvoie le monde soit conforme à ce que vous pensez être ? Selon que vous ayez l’air de ce que vous êtes ou que vous soyez doté d’une « identité plus incertaine », la distance est variable. Pour Toi Derricote elle est immense. Le désir de se faire accepter peut, quand l’Autre vous ignore, vous refuse ou vous rejette, conduire à la mise en œuvre de subterfuges psychologiques, d’artifices comportementaux, à la haine ou à la fuite : « Quelquefois, quand je parle avec un Blanc, qui ne sais pas que je suis noire, un sentiment soudain m’envahit, (...). Mon envie de fuir se confond avec mon désir d’échapper à ma « négritude », à ma race, et je suis remplie de honte et de colère ».
Avec efficacité, Toi Derricotte décortique l’intériorisation de la culpabilité par les victimes elles-mêmes ; le racisme de la société américaine secrété par une « longue histoire d’exclusion et de haine » ; le pouvoir d’exclure des groupes ethniques dans une Amérique « où toute trace d’amour entre les races est abhorrée » ; la prison des représentations et des préjugés dans laquelle l’écrivain noir est enfermé ; les non-dits de la vie à deux à l’aune de ce racisme intériorisé ; la part du refoulé des relations les plus intimes, de la capacité d’aimer et de vivre ou encore la dépossession de soi : l’idée d’infliger un procès aux dirigeants du Club de son quartier qui lui en refusent l’accès parce qu’elle est noire la terrifie : « je deviendrais folle ou je me suiciderais – comme si ce qu’ils pensaient de moi était plus puissant que ce que je pouvais penser de moi-même. Comme si je pouvais être dévorée par l’idée d’un autre ».
Pour Toi Derricotte les choses ne peuvent être simples : « ma couleur de peau empêche littéralement les choses d’être blanches ou noires ». Aussi s’interroge t-elle quant à la signification – « dans quel camp suis-je ? » - et à la portée - « est-ce que mon travail donnerait des arguments aux racistes ? » - de ces confessions. Pendant longtemps elle n’a pu avouer qu’à des Blanches l’opposition profonde qui la minait entre ce qu’elle était et ce qu’elle voulait être ou le choc qui la frappait en croisant un Noir dans la rue. « J’avais trop peur de dire ces choses à ceux par qui je voulais le plus être comprise, et aimée ». Sa souffrance, sa honte, sa haine de soi, le reniement des siens, jusqu’aux plus proches, aux plus intimes, ne font pas de Toi Derricotte une femme « inhumaine ». Il faut avoir connu sa « peur de petite fille noire », comme son amie Toni, pour la comprendre. La condition du Noir américain serait inaccessible aux Blancs car « être noir, c’est être profondément seul »
L’incandescence de cette introspection réduit en cendres les apparences et les clichés, les recettes faciles qui n’engagent pas trop, la bonne et vertueuse conscience vite auto satisfaite. « Les écoles avec une majorité d’élèves blancs tentent d’enseigner le concept de la « famille humaine », en introduisant les photos de personnes noires dans les textes de cours. Mais valoriser l’autre, apprendre que nous sommes tous du même sang, n’est pas une leçon que l’on apprend avec la tête ». Il faudra bien plus pour se dégager de « la persistance des conflits intérieurs, du désir, de la honte et de la terreur ». Une leçon à méditer, dans une moindre mesure, de ce côté-ci de l’Atlantique.
Traduit de l’américain par Philippe Moreau, éditions du Félin, 207 pages
Commentaires
Au moment où je termine la lecture tellement enrichissante de ce livre magnifique, je voudrais dire toute l'admiration et la sympathie que je porte à Madame Toi Derricotte. Grâce à elle, j'ai approché certaines réalités dont je n'avais pas conscience. Je me sens moi aussi - bien que "Blanche" moins seule avec les problèmes existenciels de tout être humain. MERCI Madame !
Au moment où je termine la lecture tellement enrichissante de ce livre magnifique, je voudrais dire toute l'admiration et la sympathie que je porte à Madame Toi Derricotte. Grâce à elle, j'ai approché certaines réalités dont je n'avais pas conscience. Je me sens moi aussi - bien que "Blanche" moins seule avec les problèmes existenciels de tout être humain. MERCI Madame !
Au moment où je termine la lecture tellement enrichissante de ce livre magnifique, je voudrais dire toute l'admiration et la sympathie que je porte à Madame Toi Derricotte. Grâce à elle, j'ai approché certaines réalités dont je n'avais pas conscience. Je me sens moi aussi - bien que "Blanche" moins seule avec les problèmes existenciels de tout être humain. MERCI Madame !
Au moment où je termine la lecture tellement enrichissante de ce livre magnifique, je voudrais dire toute l'admiration et la sympathie que je porte à Madame Toi Derricotte. Grâce à elle, j'ai approché certaines réalités dont je n'avais pas conscience. Je me sens moi aussi - bien que "Blanche" moins seule avec les problèmes existenciels de tout être humain. MERCI Madame !