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  • La citation du jour

     « Tout jugement définitif sur la vie des gens est figé comme un axiome. Or la vie est à l’opposé de l’immobilité. Il faut donc, pour rester dans le vrai, présenter des cas particuliers, des faits précis. Mais le même cas change souvent d’aspect et les faits se succèdent  sans jamais se ressembler. »

    Mouloud Feraoun, La Terre et le sang, Seuil 1953

  • La citation du jour

    « Comment leur expliquer, et pourquoi ? Je reviens de Paris, moi, Amirouche. J’y retournerai sans doute. À moins que… Là-bas, on ne nous parque pas, nous sommes admis partout, c’est sûr. Mais partout nous sommes des Norafs. Là-bas il y a les riches et les pauvres, il y a les bandits et les clochards, mais nous ne rentrons dans aucune catégorie. Là-bas nous sommes des Norafs. Pourquoi s’en formaliser, mon Dieu, du moment que nous sommes effectivement des Norafs ? Ceux qui nous regardent de travers sont nombreux. Nous les reconnaissons, bien sûr, et pour les exciter, nous faisons les idiots.

    Ceux qui voudraient nous aimer perdent leur temps, car l’entreprise est au-dessus de leur intelligence bornée. À eux, il faudrait dire :

    « Vous voulez nous aimer ? Une petite question, Messieurs : pourquoi nous spécialement ? Vous vous intéressez aux clochards, aux voyous, dites-le donc, nous en sommes. Mais ne dites pas que vous vous intéressez aux Norafs. Les Norafs, Messieurs, n’ont rien de particulier, ce n’est pas un mal étrange, inhumain qui frappe subitement votre ville ; il y a des Norafs comme il y a des Italiens, des Bourguignons ou des Suisses. » Et j’ai bien compris que dans l’esprit de ces braves gens, le Norafs est au-dessous de tout. Braves gens, votre âme saigne en nous voyant mais nous n’avons que faire de votre pitié hypocrite. Elle part d’un préjugé écœurant et fait plus de mal que la trique.

    Là-bas, mes copains d’Ighil-Nezman ou d’ailleurs étaient fiers de moi qui jouait le jeu sans tricher. Noraf intégral, mais nous avons tout balancé – ramadhan, alcool, jambon.

    Nous nous étions libérés de tout, sauf du mépris des Français. Or, ce mépris glissait sur nos cœurs comme les averses sur nos imperméables. »

     

    Mouloud Feraoun, Les Chemins qui montent,  Seuil 1957

     

  • L’Art français de la guerre

    Alexis Jenni

    L’Art français de la guerre

     

    alexis-jenni-le-goncourt-merite-d-un-grand-premier-roman_article_popin1.jpgPremier roman publié pour ce prof de SVT. Premier roman et Goncourt à la clef. Pour un coup gagnant, c’était un coup gagnant. Et toc ! donc pour ce pavé, dense, souvent percutant, parfois brutal, sans concessions, au style ondoyant dans lequel viennent s’enchâsser d’heureuses ritournelles. C’est un mille feuilles ou plutôt un plat de lasagnes que sert ici le cuistot devenu du jour au lendemain chef étoilé es littérature : il alterne les couches d’Histoire et les couches d’actualité. Le rouge sang d’une « guerre de vingt ans » - de la Libération aux guerres coloniales - imprègne le spongieux des pâtes d’une modernité pâlotte et souffreteuse.

    Ce pavé, dense, souvent percutant, parfois brutal est sans concessions, les motifs y ondulent de phrase en phrase, de page en page. L’écriture est forte : expressivité des situations et des personnages, profondeur des émotions (l’attente, la peur, l’amour, la solitude, l’hostilité sourde ou à fleur de peau), justesse des dialogues, puissance des scènes qu’il s’agisse d’une embrouille dans une gargote vietnamienne, de la libération d’un village en 44, d’une fuite à travers la forêt du Tonkin, d’une séance de torture dans une célèbre villa d’Alger, d’un micro drame à l’intérieur d’une pharmacie prudemment cadenassée ou d’un fatal gueuleton de tripaillons dégotés chez un boucher chinois, de crêtes de coq chez un Africain et de têtes de mouton chez un Kabyle…. Sans oublier quelques pointes subtiles d’humour et de distance.

    L’Art français de la guerre parle d’un temps qui intéresse, d’abord et avant tout, les moins de vingt ans et leur devenir immédiat et non les anciens combattants ou les nostalgiques de l’Algérie de papa. Car « la situation en France est plutôt tendue », « une étincelle et tout brûle ». C’est armé d’un implacable bistouri qu’Alexis Jenni incise au cœur du mal français. On a souvent fait de L’Art français de la guerre le livre des aventures coloniales et des mémoires victimaires - chacun à son petit cahier de devoir de mémoire  pour gagner son « droit à la violence légitime » et tout le monde meurt « à petit feu de ne plus vouloir vivre ensemble »… Il l’est.

    Mais il est plus impérativement le livre de la société française contemporaine, tourneboulée par « la pourriture coloniale » et le cul-de-sac du « fantasme de la violence ». La « pacification » des temps moderne, dans les rues des centres-villes se fait au faciès, dans les banlieues, elle est collective… « (…) Nous ne voulons pas parler, nous voulons en découdre. Au pays de la douceur de vivre et de la conversation comme l’un des beaux-arts, nous ne voulons plus vivre ensemble. » Une fois de plus on exclut, on parque, on dresse des murs, on ghettoïse. Le sujet est là : l’art français de la guerre ne revient aux colonies que pour mieux approcher nos modernes banlieues et les méthodes de « maintien de l’ordre ».

    Disons le crûment et rapidement : aux impasses de la force, hier dans les colonies, aujourd’hui dans les banlieues, Jenni préfère (et recommande) les promesses du désir.  On pourrait refourguer ici un vieux slogan : « Faites l’amour, pas la guerre ». «  Tout pourrait se régler par le sexe. Le sexe, en trois générations, flouterait les visages, emmêlerait les parentés, ne laisserait que la langue intacte, mais on préfère les armes. » Ou les voiles : « Si l’amour n’est pas possible entre nous, que reste-t-il ? L’autre voilé d’un sac noir privatise un peu de l’espace de la rue. (…) Avec celui qui ne laisse rien paraître, je ne peux avoir que des rapports raisonnables, et rien n’est plus erratique que la raison. Que nous reste-t-il, si nous ne pouvons nous désirer, au moins du regard ? La violence ? ». Pourtant et déjà, dans les jardins d’enfants, les gamins des cités « sont le ciment qui prolifère et répare de lui-même la maison commune toute fissurée. Ce n’est pas la bonne teinte. Et bien disons que l’on repeint la maison. (…) En quoi me ressemblent-ils, ces enfants noirs et bruns (...) ? En quoi me ressemblent-ils  ceux-là qui sont mon avenir à moi (…) ? En rien visiblement, mais nous avons bu au même lait de la langue. Nous sommes frères de langue (…) ».

    La guerre  est racontée par un vieil homme, Victorien Salagnon professeur en peinture du narrateur. Ce dernier, « classe moyenne éduquée, volontairement aveugle aux différences », consigne par écrit les souvenirs et les propos de Salagnon et alternent ces propres réflexions et  la recension de son quotidien. Nous sommes à Lyon. Il vient de se faire licencier, il connaît les affres du chômage, du divorce et de la solitude. C’est par hasard qu’il est tombé sur Salagnon, l’ancien résistant rescapé du bourbier indochinois et du drame algérien. Une fois par semaine, le jeune homme s’en va rejoindre son aîné du côté de Voracieux-les-Bredins, « la porte de service de l’agglomération ».

    Dans le pavillon « à la décoration affreuse », il croise Eurydice, l’épouse. Pour ne pas la perdre et vivre en paix, Salagnon ne doit pas se retourner sur leur passé commun. L’oubli est préférable à la mémoire.  Il y rencontre aussi Mariani, l’ancien compagnon d’armes, depuis les forêts du Vietnam jusqu’au djebel algérien en passant par une villa des hauteurs d’Alger où la gégène remplaçait la mitraillette. Mariani est un survivant, le seul, mais lui reste « obsédé par la race ».

    Face à face, le vieil homme et ce narrateur anonyme. Face à face ? Non, plutôt côte à côte, car Salagnon à la différence de son pote Mariani - qui chaperonne de jeunes séides surexcités -  en a fini, lui, avec ce fantasme de la violence : basta de la race : « la race est un pet, l’air de la France étroite devient irrespirable », basta du « spectacle des pétomanes » ; basta de la « la ressemblance, confondue avec l’identité », de la force et de la trique comme méthode de pacification…« La force et la ressemblance sont deux idées stupides d’une incroyable rémanence ; on n’arrive pas à s’en défaire. ». La race, comme principe organisateur, l’alpha et l’oméga du maintien de l’ordre,  revient en force sous forme de ressemblances (confondues avec l’identité), de frontières, de classement ou encore de « voiles noires ». « Oh, ça recommence ! » (…) La pourriture coloniale nous infecte, elle nous ronge, elle revient à la surface. »

    « Les guerres menées là-bas nous les menions ainsi et nous les avons perdues par la pratique de la colonne blindée (…) Nous avons brutalisé tout le monde ; nous en avons tué beaucoup ; et nous avons perdu les guerres. Toutes. Nous. » « (…)  L’art de la guerre de change pas ». Au fond, la torture « n’est pas le pire  que nous ayons fait dit Salagnon.  (…) Nous avons manqué à l’humanité. Nous l’avons séparée alors qu’elle n’a aucune raison de l’être. »

    L’Art français de la guerre c’est le fantasme consommé et autodestructeur de la violence. Cette violence qui n’a jamais rien résolu, rien solutionné et qui n’a laissé derrière elle, après être passée comme un démon, qu’un monstrueux tas de regrets, de silences, d’amertumes, d’échecs, d’abandons, de ressentiments, de colères et de haines sur lequel croissent et se multiplient des mémoires agonistiques. « Si les guerres servent à fonder une identité, nous nous sommes vraiment ratés. Ces guerres que nous avons faites, elles ont détruit le plaisir d’être ensemble, et quand nous les racontons, maintenant, elles hâtent encore notre décomposition. Nous n’y comprenons rien. Il n’y a rien en elles dont nous puissions être fiers ; cela nous manque. Et ne rien dire ne permet pas de vivre. » Voilà qui rappelle Rue Darwin de Boualem Sansal ou Les Vieux fous de Mathieu Belezi.

    Autour d’un thème qui court comme une ligne directrice du début à la fin de l’ouvrage gravitent, entre réflexions et observations, des passages sur des sujets divers et nombreux. En quelques lignes ou pages, Jenni trousse le tableau des violences sociales, la gestion inhumaine des ressources humaines dans l’entreprise au libéralisme débridée, l’obit rituel des hypermarchés où le consommateur célèbre sa propre mort, il verse quelques pincées d’ethnographie ou d’urbanisme et éparpille ses considérations sur l’art du dessin. Dans une ambiance empreinte de taoïsme, Alexis Jenni revisite Les Visiteurs du soir, Le Vieux fusil ou La Bataille d’Alger et relit le Conte du Graal, l’Iliade et l’Odyssée ou L’Etranger de Camus (avec quelle pertinence !). Enfin le romancier évoque « le seul pays » qui soit, la langue française, aujourd’hui et à nouveau empuantie « d’étrons »… « La France est l’usage du français. La langue est la nature où nous grandissons ; elle est le sang que l’on transmet et qui nous nourrit. Nous baignons dans la langue et quelqu’un à chier dedans. (…) Nous n’osons plus ouvrir la bouche de peur d’avaler un de ces étrons de verbe » qui dans le roman se nomment « identité », « race », « force », « Arabe », « indigène », « Algérien », « musulman », « frontières », «  conquête »  … Encore et toujours cette «  pourriture coloniale ».

    Comme le fit, en son temps, De Gaulle, « le plus grand menteur de tous les temps », le  « romancier génial », il faut à la France une nouvelle fiction pour faire en sorte d’être « heureux de vivre ensemble ». « Il faut réécrire, maintenant, il faut agrandir le passé. A quoi bon remâcher quelques saisons des années quarante ? A quoi rime cette identité nationale catholique, cette identité de petites villes le dimanche ? A rien, plus rien, tout à disparu ; il faut agrandir. » L’Art français de la guerre c’est peut-être Renan réinventé, habillé aux couleurs d’un autre siècle, chargé d’héritages nouveaux et porteur de bifurcations nouvelles. « Qu’est-ce qu’être français ? Le désir de l’être, et la narration de ce désir en français ». Un désir qui ne craint pas l’ardeur des corps et des métissages. Sinon gare ! prévient Alexis Jenni. Qu’en sera-t-il des perspectives ici dessinées ? Les mots ont-ils encore un pouvoir à l’heure où les électorats croient justement devoir s’en remettre aux biscoteaux et aux classements des extrêmes droites ?

    Gallimard 2011, 632 pages, 21€

    Photo : Jean Philippe Ksiazek

  • La citation du jour

    « A la saison pluvieuse

    l’enfant tient une corbeille entre ses mains

    la branche de l’arbre est horizontale mais elle n’a pas de fruit

    - ce n’est pas grave, dit-il, on n’abat pas l’arbre qui n’a pas de fruit. »

    Gabriel Mwène Okoundji, Chants de la graine semée, Fédérop 2014

  • La citation du jour

    « Le chemin ne cesse pas

    le chemin cesse où s’arrête le pas »

    Gabriel Mwène Okoundji, Chants de la graine semée, Fédérop 2014

     

     

  • La citation du jour

    « On n’est pas orphelin d’avoir perdu père et mère mais d’avoir égaré le chemin de l’espoir. »

    Gabriel Mwène Okoundji, Chants de la graine semée, Fédérop 2014

     

     

  • En pleine face

     

    Abdelkader Railane

    En pleine face

     

    abdelkader-railane-n-a-pas-la-pretention-d-envoyer-un-message-aux-nouvelles-generations-de-l-immigration-il-veut-juste-rappeler-que-rien-n-est-joue-ou-gagne-d-avance-et-ce-qu-on-soit-blanc-black-ou-beur-photo-chris.jpgEn pleine face ou comment un agneau promis au sacrifice abrahamique en renversant notre héros encore en couche culotte transforma sa vie. Car le choc fut rude. Le nez du « tchiot » (nous sommes du côté de Douai) ne résista pas à la charge. Affublé à tout jamais d’un massif organe, marri et un temps frustré, Abdelréda décida, à l’âge où les boutons d’acmé pointent, que l’habit ferait bien le moine. Puisque un tendre agneau lui avait donné une gueule de dur à cuir, un tarin de boxeur et bien soit, Abdelréda tâtera de l’art pugilistique et basta des moqueries. Bien lui en prit.

    C’est son histoire qu’il raconte ici, celle d’un môme de cité. Les négligences et les mauvaises transcriptions des mots de la langue arabe de la maison d’édition comme les maladresses de l’écriture ne doivent pas masquer l’intérêt de ce texte qui relève plus du témoignage que du roman. Abdelkader Railane écrit en toute franchise, il ne cache rien de ce que ces cités peuvent charrier en violences, barbaries, racisme, sexisme, frustrations sexuelles(1), homophobie, tartufferies islamistes, bêtises tous azimuts qui accablent les bons élèves, les tendres et autres romantiques… « Ce n’est pas simple de vivre dans une cité. Je dois dissimuler une partie de ma personnalité et ne montrer que celle qui convient à mon environnement. Tel un caméléon, je dois jongler avec mes différentes personnalités (…) » Abdelkader Railane écrit avec tendresse aussi et montre comment ce gamin des cités qui a biberonné à la haine de l’autre et notamment des « Gaulois » et autres « pur porc » fait, par les tripes et par le cœur, l’expérience d’une autre « lecture, différente de celle de la cité », de « ces mécréants de Français » jusqu’à y compris Monsieur Henno trop vite étiqueté « raciste ».  C’est une certaine doxa que fait tomber ici l’auteur, celle qui se nourrit d’un brin de parano, d’une dose de victimisation et d’une bonne rasade de rejet de l’autre.

    Enfin Abdelkader Railane écrit avec sensibilité, notamment les pages consacrées à la figure paternelle. Celui que l’on surnomme le « Hadj » (sans avoir jamais fait le pèlerinage) est le père d’une belle couvée, pas moins de dix enfants. L’homme est droit, honnête, généreux. Courageux, indifférent à la pression sociale, il soutient l’émancipation de ses enfants, de ses filles en premier lieu. Il appartient à cette génération pour qui Madame la France n’est qu’une amante de passage. Un passage pour mieux revenir « au pays », riche de quelques économies et d’une maison sortie de la terre des ancêtres qui en a englouti aussi pas mal de ses économies d’ouvrier.

    Abdelréda  a 14 ans et ses qualités de boxeur le font remarquer. Bon styliste, il a aussi du punch, ses coups font mal. De plus, il se découvre une rage intérieure. Pour être inquiétante, elle lui assure quelques succès. C’est le moment choisi par son père pour annoncer à la famille réunie autour du dominical couscous que le temps est enfin venu de plier bagages et de « rentrer » en Algérie. L’homme est venu en France pour trimer, il a trimé. Il est venu en France pour « faire » un peu d’argent, il a mis de côté un maigre pécule. Il est parti avec le rêve de revenir. Son rêve, il croit, au soir de sa vie, pouvoir le toucher du doigt. Mais voilà, ses gamins nourrissent d’autres rêves. Et pas seulement Abdelréda qui se rend compte que cette France, à qui il n’a eu de cesse de retourner son mépris, il y tient. « A peine ai-je au le temps de m’intégrer qu’on me désintègre. » Ses frères et sœurs, aînés, mariés et installés ne sont pas concernés par le projet paternel. Pourtant, pour eux aussi, voir les parents s’en retourner avec les plus jeunes seraient un crève-cœur. Alors un contrat est passé : si Abdelréda obtient le titre de champion de la région Nord, tous resteront « dans ce pays que j’aime ». « C’est bizarre on est constamment en train de critiquer ce pays, mais on refuse de le quitter ». Abdelkader Railane souligne les difficultés de bien des gamins emberlificotés dans les filets d’une double filiation, d’une double fidélité, tracassés par un dialogue intérieur incessant, parfois jusqu’au trouble, jusqu’au malaise. Ces gamins doivent inventer un autre rapport aux autres et au monde. La gestation est difficile, exigeante mais indispensable : « les transitions entre le temps passé avec ma communauté ethnique et religieuse et celui partagé avec ma communauté sociale et sportive sont très difficiles.  (…) Je dois faire preuve d’une profonde tolérance pour ne pas rejeter l’un ou l’autre de mes amis. Mais le vrai moi, où se situe-t-il ? (en fait, je ne sais pas, je suis dans la merde quoi !) » dit le gamin de 14 ans.  Cette histoire rappelle  à quel point il est urgent d’aider les plus jeunes à lever cette contradiction intime.

    Abdelréda lui a choisi. Il va boxer pour pouvoir rester en France, soutenu par une cité entière, les profs et les élèves du collège, une ville et même une région. Soutenu aussi par… son père. « Mes parents ont réussi à s’installer dans un pays qu’ils ne connaissaient pas, avec des codes qu’ils ne maîtrisaient pas et une langue qui leur était inconnue. Non seulement, il s’y sont intégrés, mais ont élevé une famille de dix enfants, tous ont une activités, soit étudiante soit salariée. Je considère que l’hospitalité qui leur a été faite est justement payée de retour. Notre famille ne coûte pas à la France, elle rapporte. Le racisme que je subis est d’autant plus difficile à vivre quand on ne se sent redevable de rien. »

    Le roman d’Abdelkader Railane défile en 12 rounds. Le destin d’Abdelréda se joue, lui, en trois reprises.

     

    Edition Ex æquo, 2011, 167 pages, 16 €

     

  • La citation du jour

    « Quand nous sommes arrivés au Canada, les premiers temps, je ne voulais ni ressasser les vieilles choses, c’est-à-dire ce que nous avions laissé derrière nous, ni en entendre de nouvelles, ce qui recouvrait en fait la vie entière »

    David Albahari, Hitler à Chicago, Les Allusifs 2008