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  • La citation du jour

     

    « Comment des jeunes, mal intégrés comme moi, scandalisés par l'arrogance américaine comme moi, s'étaient-ils empressés de mettre le feu au centre du monde ? Qu'est-ce qui m'a permis d'être un passionné de la vie et eux des fanatiques de la mort ? Comment en est-on arrivé à aspirer à des paradis opposés ? Assailli par des interrogations sans issue, atterré par ces cadavres en masse qui s'entassaient, je me suis résolu à regarder le spectacle. Alors que les images du 11 septembre défilaient à la télévision, je compris que je devais mon salut, moi fils de musulmans, à ces êtres qui m'avaient donné du plaisir. Sans Zahra, j'aurais pu moi aussi suspendre mon bonheur à un paradis improbable. Sans Zina, je n'aurais jamais su qu'on pouvait se payer un paradis sur mesure, par la seule voie de l'amour. Et sans les femmes, finalement, j'aurais peut être été un vulgaire kamikaze, au corps déchiqueté »

    Driss Ksikes, Ma boîte noire, Le Grand Souffle Editions, 2006

     

  • La citation du jour

    « La rationalité des politiques de mise à l’écart est nulle. Expulsées de France, les familles reprennent un bus en sens inverse. Expulsées de leur ville, elles trouvent ailleurs un nouvel emplacement et recommencent du début les démarches administratives. Le gâchis pour la collectivité est énorme. »

     

    Eric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard et Eurélie Windels, Roms & riverains. Une politique municipale de la race. La Fabrique éditions, 2014.

     

  • L’Ampleur du saccage

     

    Kaoutar Harchi

    L’Ampleur du saccage

     

    110914.27-kaoutarharchi6copie.jpgAvant de refermer le livre de Kaoutar Harchi, le lecteur ne peut imaginer l’ampleur incommensurable, rédhibitoire de ce saccage. Cette jeune femme de 25 ans, professeur en littérature et sociologie à la Sorbonne, spécialiste de Kateb Yacine, née strasbourgeoise de parents marocains a écrit une tragédie ; une tragédie antique sur fond d’histoire franco-algérienne.

    L’écriture est dense et sombre, hantée par un drame originel. Le récit coule, implacable et sans concessions. On pense parfois à Tassadit Imache. L’Ampleur du saccage est un roman choral, où les voix d’Arezki, de Si Larbi, de Riddah et de Ryeb semblent remonter d’outre-tombe. Un acte monstrueux, un sacrilège, enchaîne la destiné des trois premiers. Ryeb, lui, est le fils de Monique et de Khaled, « le fils d’une folle et d’un froussard ». Orphelin de père, il a promis à sa mère d’aller répandre ses cendres sur les restes paternels au fond d’un puits, du côté d’Alger.

    Si Larbi a élevé Arezki. Avec Riddah, ils ont quitté l’Algérie une trentaine d’années plus tôt, le nourrisson sous le bras. Cinq ans après leur arrivée, Riddah partira, laissant Si Larbi se débrouiller seul avec le gamin et leur pêché originel. L’enfant, « sans origine », « sans terre », « sans lignée » et « sans passé », sera élevé dans le silence et dans le mensonge. Vingt-cinq ans plus tard, Arezki réunira, malgré lui, Riddah et Si Larbi.

    Une autre violence sera à l’origine de ces retrouvailles. Des « pantalons lourds de frustrations millénaires », il ne peut jaillir, comme une lame tranchante dans la nuit, que du malheur. La misère sexuelle, les frustrations affectives, traversent ce roman, depuis l’Algérie - coloniale d’abord, indépendante ensuite -  jusqu’aux banlieues françaises, ces « zones cinglées » : « rien ne peut faire oublier cette douloureuse disparition des vagins et chacun la supporte comme il peut. A coups de joints, de beuveries, de piqûres pour combler le manque de l’autre, masquer la honte de soi mais rien ne soulage, ni les affiches grand format, ni les films, pas même les sex-shops ». Les femmes, Nour, Monique ou « la petite Arabe », sont ici des victimes effacées ou désorientées, des êtres assujettis et violentés.

    L’Ampleur du saccage exige de revenir aux sources, à l’origine. Les quatre hommes ont rendez-vous de l’autre côté de la Méditerranée. Là où tout commence. Car c’est dans cette Algérie coloniale, juste avant que n’éclate la déflagration libératrice de 1954, que l’histoire se noue, que les destins se figent et que le piège se referme sur les hommes et leur misérable existence. « Comment résister aux assauts désordonnés du passé ? » fait dire Kaoutar Harchi à l’un de ses personnages. Il faudra bien, pour les uns et les autres « affronter les ruines du passé ». Retrouver un nom, une identité, feindre (peut-être) la folie et se réfugier dans l’écriture pour lutter contre l’amnésie, la peur de l’amnésie. « Comment ne pas écrire, nous, les orphelins, qui ne pouvons parler ? »

    Comme chez de nombreux auteurs, cette quête débouche sur un constat : « mes origines ne sont rien. Je serai toujours plus que ces conditions desquelles j’ai surgi. Comme une erreur. Je me répare ». C’est ce que dit Arezki, c’est ce qu’il dit après avoir remonté le temps et interrogé les bifurcations de l’existence.

    Malgré quelques maladresses ou invraisemblances (la rencontre Arezki-Riddah, le voyage en Algérie, les retrouvailles de nos quatre personnages), ce deuxième roman de Kaoutar Harchi est une réussite. L’Ampleur du saccage offre la possibilité de revisiter l’histoire franco-algérienne, le surgissement violent et destructeur de la France en Algérie, le poids du passé et les conditions de son émancipation. Kaoutar Harchi a publié Zone cinglée (Sarbacane, 2010) un premier roman original et  métaphorique qui traitait de la mort d’une Cité, de la folie et de sexualité. Déjà. Il ne faut pas perdre de vue cette jeune auteure.

    Actes Sud, 2011, 119 pages, 15€

     

  • La citation du jour

     

    « A bord du Salamane, tout le peuple du camping zéro-étoile, le peuple insomniaque et dévoreur de pain, était là, assagi, discipliné et serein. Il n’avait pas besoins de prêches, de discours ni surtout, de fausses promesses, pour vivre en paix avec lui-même ».

    Abdelkader Djemaï, Camping, Seuil  2002

  • La citation du jour

    « N’oublie pas, d’ailleurs, quand c’est écrit en français, il faut, presque tout le temps, comprendre exactement le contraire ! Tu entends, gamin ! »

    Assia Djebar, La disparition de la langue française, Albin Michel, 2003

  • Cent seize Chinois et quelques

     

    Thomas Heams-Ogus

    Cent seize Chinois et quelques

     

    450px-Thomas_Heams-Ogus_FNAC_2010.jpg1941, dans les Abruzzes de l’Italie mussolinienne : l’idée de rassembler les Chinois présents dans la péninsule a germé dans le crâne sûrement dérangé d’un illuminé fasciste. Entre 1941 et 1943, au plus fort de leur présence forcée, on en dénombrera 116. Enfin… environ. « 116 Chinois et quelques » comme dit le titre. Difficile d’avoir des informations précises sur cet épisode oublié de la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que ces immigrés, pour leur malheur, sont les ressortissants d’un pays hostile à l’allié nippon. Alors, ni une ni deux, « y’a qu’à ! », et on embarque tout ce qui traîne. Les idéologies affamées de boucs émissaires ne s’embarrassent ni de fioritures ni de complexité. Ce qui valait hier pour les aînés reste vrai aujourd’hui pour leurs rejetons d’un siècle peut-être pas si nouveau.

    Et voilà donc ces dizaines d’hommes, immigrés, marchands, aventuriers des temps modernes, venus de leur lointain Empire du milieu, retenus, confinés, bouclés en résidence surveillée dans un ancien monastère des Abruzzes du côté de Tossicia.

    « Ce camp, son administration plutôt accommodante, ces prêtres qui les accueillaient étrangement, ne disaient finalement rien tant que le piège imbécile de ces vies ici. »

    La performance de ce premier roman tient à la langue de l’auteur et à l’atmosphère qui se dégage de ces pages : tout y est comme suspendu, une éclipse dans le temps provoquée par l’absurdité d’une décision. Les conditions de détention ne sont pas des plus dures. Les Chinois peuvent aller et venir dans un périmètre circonscrit, croiser les villageois, être réquisitionner pour les aider dans les travaux des champs... Et pourtant, avec doigté, Thomas Heams-Ogus montre la fragilité de ces prisonniers, la négation de leur humanité, l’exclusion de la communauté des hommes  que ce  drôle d’internement, « ce piège imbécile », induit.

    La détention est rythmée par quelques conversions, le regard impuissant et bienveillant des villageois, le transfert le 16 mai 1942 du camp de Tossicia à celui d’Isola ou par un effleurement, presque une caresse : ce lien silencieux entre une villageoise et un Chinois, faible et à terre, « l’inverse exact des hommes que le régime exaltait ». « La moitié perdue du monde des hommes » écrit Thomas Heams-Ogus.

    Quelques uns, en 1943, s’évaderont, iront rejoindre les maquisards. Les autres seront transférés plus au nord, par les Allemands cette fois. La trace de ces Chinois se perdra dans la dispersion, les silences de l’Histoire et l’indifférence des hommes.

    La phrase est courte, sobre, chaque mot est pesé. Pas de boursouflures sentimentalo-compassionnelles. Et pourtant Thomas Heams-Ogus offre un récit extrêmement sensible et méticuleux des sentiments intérieurs et de la détresse de ces internés. Il plonge dans les corps et dans les têtes de ces Chinois, manifestant une profonde empathie. Thomas Heams-Ogus, qui n’est pas historien mais biologiste, a voulu tirer ces hommes de l’oubli. Il donne leur nom à la fin du roman. Un livre qui parle de l’absurdité, du rejet et de la négation de l’autre, de l’indifférence. Un livre d’actualité.

    Édition du Seuil, 2010, 132 pages, 15€

     

  • La citation du jour

    « Les hommes n’ont pas de racines, l’exil n’est pas un arrachement, plutôt un démâtage, une flottaison hasardeuse, un poison que l’homme s’inocule pour confondre la mort. »

    Julien Delmaire, Georgia, Grasset 2013

  • La citation du jour

    « Le mouvement de la marche est présent dans l’ADN de l’espèce comme un héritage des lointains primates qui se dressèrent pour la première fois »

    Antonio Munoz Molina, Fenêtres sur Manhattan, Seuil, 2005

  • La citation du jour

    « La ville n’abritait plus des immigrants venues seulement des anciennes colonies, et quelques autres : toutes les races étaient présentes et vivaient côte à côte, la plupart du temps sans s’entre-tuer. Elle fonctionnait cette nouvelle ville internationale nommée Londres - ou presque - sans être inutilement anarchique ou corrompue »

    Hanif Kureishi, Le Don de Gabriel, Christian Bourgois, 2002

  • Prix littéraire de la Porte Dorée 2014

    Prix littéraire de la Porte Dorée 2014

    Le 12 mai, au Musée de l’Histoire de l’immigration, s’est tenue la première séance des délibérations du Prix 2014 de la Porte Dorée.

    Parmi les romans en lice il y avait :

    • Isabelle Condou, Un pays qui n'avait pas de port (Plon)
    • Louis-Philippe Dalembert, Ballade d'un amour inachevé (Mercure de France)
    • Julien Delmaire, Georgia (Grasset)
    • Faïza Guène, Un homme, ça ne pleure pas (Fayard)
    • Fabienne Kanor, Faire l'aventure (JC Lattès)
    • Guy Scarpetta, Guido (Gallimard)
    • Shumona Sinha, Calcutta (L'Olivier)
    • Carole Zalberg, Feu pour feu (Actes Sud) 

    Après trois heures d’échanges, d’analyses et de contre analyses, d’émotions partagées – ou pas -  il a fallut en venir au crève-cœur… mais sur la pointe des pieds, car ce ne sont pas quatre romans que les jurés ont décidé de conserver pour la « short list » - nos excuses à Monsieur Toubon - mais… cinq ! Les voici et par ordre alphabétique :

    • Louis-Philippe Dalembert, Ballade d'un amour inachevé (Mercure de France)
    • Julien Delmaire, Georgia (Grasset)
    • Faïza Guène, Un homme, ça ne pleure pas (Fayard)
    • Guy Scarpetta, Guido (Gallimard)
    • Shumona Sinha, Calcutta (L'Olivier)

    La prochaine et ultime séance se tiendra le 26 mai prochain.

    La remise du Prix se fera au Palais de la Porte Dorée, le mercredi 4 juin à 19h00 en présence des écrivains sélectionnés, du jury et des membres du comité de sélection.

    Réservation conseillée  à cette adresse: prixlitteraire@histoire-immigration.fr

     Petit rappel (en forme de conseil de lecture) des lauréats des éditions passées :

    • Prix 2013 : Mathias Énard pour Rue des voleurs, Actes Sud
    • Prix 2012 : Henri Lopes pour  Une enfant de Poto-Poto, Gallimard
    • Prix 2011 : Michaël Ferrier pour Sympathie pour le fantôme, Gallimard
    • Prix 2010 : Alice Zeniter pour Jusque dans nos bras, Albin Michel

     Enfin et pour ultime information voici la composition du jury 2014 :

    • Léonora Miano, écrivain, présidente du jury
    • Yvan Amar, linguiste, journaliste culturel, RFI
    • Nathacha Appanah, écrivain
    • Arlette Farge, historienne
    • Michaël Ferrier, écrivain "en exil" à Tokyo
    • Mustapha Harzoune, critique littéraire et écrivain
    • Oriane Jeancourt Galignani, écrivain, rédactrice en chef des pages littéraires du magazine Transfuge
    • Emmanuel Khérad, journaliste culturel, France Inter
    • Isabelle Quentin-Heuzé, Fondation EDF
    • Jacques Toubon, président du Conseil d’orientation du Musée de l’histoire de l’immigration
    • Sébastien Wespiser, libraire, Le Thé des écrivains, rue des Minimes, Paris IV
    • Deux voix pour :
      • Des élèves de seconde du lycée Elisa-Lemonnier, Paris 12
      • Des élèves de seconde du lycée Jean-Zay, Aulnay-sous-Bois, 93
      • Des étudiants de l’Université de Paris-13, Bobigny, 93