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Universalité du Coran

Mohamed Talbi
Universalité du Coran


9782742736058.jpgIslamologue, professeur à la faculté des sciences de Tunis, Mohamed Talbi offre ici une lecture du Coran particulièrement utile en ces temps où la suspicion des ignorants, l’hostilité des imbéciles mais aussi la sécheresse exégétique de barbus enturbannés frappent une religion qui, comme toutes les autres, n’est et ne sera que ce que les hommes voudront bien en faire. Mohamed Talbi expose son approche du texte sacré « qui doit être sans cesse contextualisée et actualisée en tenant compte des maqâsid, des intentionnalités du texte ». Ici, le Coran est « guidance (Hudan), vecteur orienté ». Voilà pourquoi cette lecture est qualifiée de « vectorielle » : « nous suivons le vecteur qu’il nous indique, et nous marchons, non en regardant derrière nous vers les Anciens (Salaf), mais vers l’avenir, celui de nos petits-enfants ». Ainsi, précise l’auteur, « notre lecture est aux antipodes des lectures intégristes, (...) et ce travail, quoique limité, s’intègre néanmoins dans nos efforts de rénovation de la pensée musulmane ».
« Contrairement aux prophètes d’Israël (...) y compris Jésus, tous envoyés au peuple élu », le message coranique s’adresse à tous les hommes. Sur cet universalisme, l’auteur aurait pu rappeler l’œuvre de Saint Paul. Mais enfin, point de communautarisme ici aussi, si ce n’est la communauté humaine « sans distinction de lieu, de race ou de couleur ». Un universalisme qui se vérifie dans les confluences des expériences mystiques où se rejoignent soufis, hindouistes, bouddhistes, chrétiens et juifs...
Préfigurant peut-être le plus moderne des individualismes, pour Mohamed Talbi l’individu occupe une place centrale en islam : « Lis le Coran comme s’il était descendu sur toi » dit un hadith par l’auteur cité.
L’islam de Mohamed Talbi est message d’amour, de justice, de responsabilité écologique, de solidarité avec les déshérités. Et de liberté. En enfreignant l’interdiction de toucher au fruit de l’arbre défendu, Adam et Eve n’ont commis ni pêché ni prétendus à la connaissance. Ils ont choisi la liberté et « le prix de cette liberté » qui est la pluralité. Le fameux précepte « pas de contrainte en matière religieuse » prend alors tout son sens car si l’espèce humaine est une, elle n’est point uniforme. Et si l’individu est au centre de ce message, il y est dès lors comme sujet.
Quid de l’égalité des sexes, cette question récurrente sur laquelle chaque croyant se réclamant de la prophétie mahométane est attendu ? Pour Mohamed Talbi, point d’ambiguïté ici aussi : la justice professée par le Coran « implique l’égalité des sexes ». Un peu court ? Mohamed Talbi cite alors le verset suivant « l’homme et la femme sont une même âme en deux, une paire d’un même être » . Voilà qui pourrait servir les partisans de la parité car pourquoi craindre des dérives communautaristes si l’homme et la femme sont consubstantiels l’un à l’autre ?
L’auteur ajoute sans barguigner que « le foulard dit islamique n’est pas coranique » et rappelle la seule obligation qui est faite, à la femme comme à l’homme, celle de la décence, « selon l’usage courant ».
Nul n’est obligé de partager la foi de l’auteur. Personne n’est même tenu de le suivre dans sa lecture du Coran et son discours qui « est celui d’un musulman par la conviction et la praxis ». Qu’il suffise de rappeler que le Coran - comme la Bible - se prête à plusieurs interprétations, à plusieurs « vecteurs » et que personne ne peut se targuer d’en détenir la légitimité exclusive et intégrale et, ce faisant, de prétendre, sous couvert souvent de victimisation, à l’exercice d’un terrorisme intellectuel, moral ou autre. Terminons sur un dit de l’imam Ali, le gendre du prophète, que ne devrait pas renier Mohamed Talbi : « ne leur oppose jamais le Coran. Le Coran a bon dos et multiple facette »...


Actes Sud, Le Souffle de l’esprit, 58 pages, 2002, 9 euros

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