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Le Château d’eau

Malika Wagner
Le Château d’eau

natation.jpgAprès Terminus Nord (Actes Sud, 1992) et Isabelle (Actes Sud, 1998), Malika Wagner publiait avec Le Château d’eau son troisième roman. Le personnage central est une femme qui se prénomme Zohra. Là est peut-être sa seule « singularité », ce prénom « exotique » - légué par un père absent - qui porte en lui comme un « malaise », une « incertitude » et qui l’a contraint à cette « douloureuse attention à soi qui rend parfois si pesantes les relations avec autrui ». Pour le reste et partageant le lot commun de bon nombre de ses contemporains, Zohra essaye de trouver un sens à son existence dans un « univers anémié ». Elle travaille depuis peu dans une jeune agence de communication spécialisée dans la création de sites internet. Plantée au cœur du virtuel, elle s’applique sans enthousiasme et sans âme à vendre de l’illusion marchande en traînant les mots dans la boue, pour paraphraser le poète marocain Abdellatif Laabi.
Tout est factice. Superficiel. Trop lisse. Chacun est soumis au même et unique critère de réussite : l’argent. Une humanité de robot. À l’instar de cette nuit passée avec Enzo, un collègue de travail. Une autre erreur qui rendra plus étouffant et insupportable le quotidien au bureau. « Comment vivre sans jamais donner de soi ? » s’interroge Zohra
Détresse, désarroi, aboulie, dépression... Zohra s’ennuie. Hier, la figure d’une femme dans son temps et dans sa société s’appelait Emma Bovary. Aujourd’hui, elle se prénomme Zohra. Point de Rodolphe pour étourdir la jeune femme mais une piscine et... la pratique disciplinée de la natation. Car Zohra, entre midi et deux, s’échappe en direction du Château d’eau, la piscine municipale où un maître nageur a décelé en elle de réelles potentialités aquatiques et sportives. Mais rien n’étant acquis d’avance - encore une chose oubliée aujourd’hui - pour que le virtuel devienne effectif, il y faut des heures de travail, d’effort, de perfectionnement sous le regard froid d’Albert et ses conseils péremptoires : « à force de se contenter du minimum, on vit dans un monde où rien n’a de consistance ». Zohra retiendra ses leçons. Point de suicide ici comme chez Flaubert. Si elle ignore encore ce qu’elle fera de l’avenir, elle sait qu’il ne s’agit plus « de faire » ou « de se précipiter sur un masque qui vous défigure ». Il va falloir « donner de soi ». Sa gratitude pour Albert est telle qu’elle aurait aimé lui faire partager la scène finale où elle décide de briser toutes les cages, fussent-elles de verre, qui emprisonnent les vies et empêchent les existences de se réaliser. Si Malika Wagner utilise la natation comme métaphore existentielle, il va de soi que chacun est libre du choix de sa discipline...

Edition Actes Sud 2001, 134 pages, 13,60 euros

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