Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La Confession d’Abraham

Mohamed Kacimi
La Confession d’Abraham


768px-Michelangelo_Caravaggio_022.jpgAlors que les musulmans viennent de fêter l’Aïd el Kebir et que Abdelwahab Meddeb en appelait, dans les Matins de France Culture, vendredi 27 novembre 2009, à délaisser le sacrifice de millions de pauvres (et innocents) montons pour un « sacrifice symbolique », revenons sur un livre jubilatoire, encore et toujours de bon aloi. Mohamed Kacimi revisite l’histoire d’Abraham et de sa femme Sarah dans un texte insolent et drôle dont le ton rappelle Le Mouchoir, son premier roman paru en 1987 chez l’Harmattan. Respectant le texte biblique, du moins dans l’enchaînement des principaux événements qui marquent la vie du patriarche, l’auteur s’amuse à lui donner une résonnance moderne. A mettre en parallèle notre actualité avec l’histoire de ce couple vénéré par les trois religions du Livre. Ce comique de situation ne faiblit jamais et donne lieu à des scènes et des échanges hilarants. L’impertinence parcourt toutes les pages. Elle est souvent le fait de Sarah. Avertie par un Abraham essouflé que Dieu exige leur fils en sacrifice, Sarah s’écrit : « mais qu’est-ce qu’il nous veut à la fin, ton bon Dieu ? Cela fait des siècles maintenant qu’il s’acharne sur la famille. Pour une malheureuse pomme, il expulse du Paradis les pauvres Adam et Eve, comme des sans-papiers. (...) Il fout la zizanie dans la langue parce que Monsieur ne supporte pas la vue d’un HLM à Babel. (...) Il rase sous nos yeux deux villes pour un orgasme qu’il juge mal placé. Il met quarante ans avant de me donner un enfant et maintenant qu’il est là, il veut en faire un barbecue ». S’ensuivent des menaces qui ont dû faire revenir le tout puissant sur sa décision...
Entre la chronique historique ou religieuse et ce travail du romancier, s’insèrent en italique, des missives imaginaires écrites par quelques contemporains à l’attention d’Abraham. Elles sont l’oeuvre d’inconnus, comme Sélim de Gaza en quête pour lui mais aussi pour Yasser Arafat de « la recette des harosets »; des habitants de Bassora qui disent combien « leurs grands-parents » ont bien fait de quitter l’Irak, « sinon les Américains vous auraient fait mourir de faim » ; de Gardiens de la Thora qui s’adressent à Abraham pas cette formule : « à notre grand-père à nous tout seuls » ou encore de Nadia, une petite fille d’Alger qui demande « si Idith est morte pour avoir voulu voir de près la violence de Dieu, est-il possible de la considérer comme l’ancêtre des journalistes algériens ? »... Ces lettres sont aussi expédiées par quelques personnalités célèbres comme Michel Rocard, Jacques Lacan, André Chouraqui véxé et même énervé qu’Abraham lise la Thora dans une autre traduction que la sienne...
Le sacrifice, qui était déjà au centre de son roman Le Jour dernier, est aussi l’acmé de cette pièce. La dernière lettre reçue par Abraham dit : « qu’est-ce que c’était beau l’Euphrate avant que le ciel ne t’adresse la parole ». Encore une fois c’est une femme qui écrit ces mots, Sarah, l’amour d’Abraham.

(Récit-Théâtre), éd. Gallimard, 2 000, 83 pages, 69F, 10,52 €

Illustration : Caravage, L’ange intervient pour stopper le sacrifice d’Isaac

Les commentaires sont fermés.