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Dites-leur de me laisser passer

Abdelkader Djemaï
Dites-leur de me laisser passer, et autres nouvelles


djemai.jpegAprès quatre romans et un essai consacré à Camus, Abdelkader Djemaï publiait ici son premier recueil de nouvelles. Ce nouveau genre ne surprit sans doute pas le lecteur habitué à la concision de l’écrivain oranais.
Djemaï est un malicieux. Son ton, son style sont, à bien des égards, atypiques dans la littérature algérienne des années quatre-vingt dix. Il est le seul à pouvoir décrire les pires horreurs, sans jamais se départir d’un ton serein, calme. Imperturbable, la phrase coule harmonieuse et dégraissée. Avec distance, voire une indifférence feinte, A.Djemai rapporte l’absurdité tragique de la condition humaine.
L’Algérie sert de toile de fond à la plupart des quinze nouvelles de ce recueil. Les violences des dernières années hantent toujours la plume de l’écrivain. « Côté jardin » raconte la fin tragique d’un auteur de théâtre et metteur en scène refroidit par un commando de tueurs alors qu’il peaufinait une scène d’amour.
« Les Prunes », brosse les fatales vicissitudes d’un poseur de bombe indisposé par une consommation excessive de prunes. « Une Drôle de tête » rapporte les déboires et les sueurs froides d’un chauffeur de taxi qui croit transporter dans un sac, laissé en gage de bonne foi par un client désargenté, la tête d’un riche commerçant décapité le matin même.
Avec « Les chevilles », Abdelkader Djemaï revient sur un thème présent dans nombre de ces romans, celui de la décomposition, de la décadence de la ville.
L’Algérie, encore et toujours, mais cette fois A.Djemaï s’attarde sur des maux endémiques qui rongent le pays et ses hommes. L’absurde machisme aux tragiques conséquences dans « La Guêpe » ; la sexualité dans « Une certaine hauteur » et son lot de frustrations, de crainte et de honte qui ne trouve pour expédient que le refuge dans une religion hostile à la gent féminine ; la suspicion dans « L’Accident » où un banal accident de la circulation devient une intrigue politique où baigneraient différents clans du pouvoir ; ou encore avec « Chers Frères, Chères Sœurs », pastiche d’une lettre de remerciement pour l’invitation adressée par les organisateurs d’un congrès politique à... un défunt ! Quand la mémoire algérienne a des ratés…
Avec « Dites-leur de me laisser passer », la nouvelle éponyme de ce recueil, A.Djemaï se glisse dans la peau d’un candidat à l’émigration clandestine. Placé à distance d’un poste frontière, l’homme attend la nuit pour tenter sa chance. « La Balade » permet à l’auteur de promener son œil mi-ironique mi-malicieux sur l’exil et le regard teinté d’exotisme que l’on pose sur ce qui vient d’ailleurs.
Enfin, « La Fugue » la plus longue et peut-être la plus imaginative de ces nouvelles. A.Djemaï y fait, dans une certaine mesure, plus fort qu’Amélie Nothomb. Il remonte dans les souvenirs d’une petite fille âgée de seulement quelques heures.
Après ses trois premiers romans qui forment un triptyque, A. Djemaï s’extraie, du moins sur un plan littéraire, du drame algérien. Il renouvelle le genre et n’entend pas confiner ses écrits aux dix dernières années algériennes. Le mouvement est perceptible chez d’autres auteurs algériens. Les thèmes s’enrichissent, la prise de distance permet des approches innovantes, des tonalités autres. L’écrivain tend à se transformer en romancier. A ce jeu, A. Djemaï a des atouts certains et maîtrise de mieux en mieux son sujet comme le montrent ses nouvelles.

Edition Michalon, 2000, 164 pages

Commentaires

  • tres intiresno, merci

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