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Lumière bleue

Hussein Al-Barghouti

Lumière bleue

 

Barghouti.jpgTexte étrange que ce récit en partie autobiographique écrit par un poète, romancier, dramaturge et essayiste décédé il y a deux ans. Hussein Al-Barghouti, qui a été professeur de littérature comparée aux universités de Bir Zeit et d'Abou Dis, y raconte son séjour aux Etats-Unis, au temps où il y était étudiant. Le propos ne porte nullement sur les heurs et malheurs de l'exil estudiantin à Seattle. Pas de campus ensoleillé ici, de rencontres teintées de découvertes érotiques et d'exotisme culturel. Pas même une défense en règle des frères restés en Palestine ou un plaidoyer en faveur d'un peuple victime d'une injustice dont tout le monde se fout. En ce sens peut-être Hussein Al-Barghouti appartenait à un nouveau courant de la littérature palestinienne. En tout cas l'auteur, en ces temps de violences et d'impasse politique, n'est pas là où on l'attend. Ce qu'il décrit ici est sa rencontre, dans un milieu de marginaux, avec Bari, un "clochard" ou un "vagabond" énigmatique. L'homme est un soufi d'origine turque de la confrérie des derviches tourneurs, aux méthodes brusques et aux réactions abruptes et parfois incompréhensibles. Folie ou sagesse ? La question se pose. L'auteur-narrateur est lui-même hanté par la peur de devenir fou. Pour y échapper il déambule des nuits entières et pousse la porte de sectes tout justes bonnes à laver les cerveaux avant de rencontrer Bari. Les conversations avec cet être étrange marquent le commencement d'une quête initiatique où, par-delà l'expérience individuelle ici relatée, le lecteur, occidental et moderne, cérébral et chronologique, toujours soucieux de clarté et d'"objectivité" est invité par Hussein à découvrir une autre approche du monde et de soi. Cette nouvelle façon d'appréhender son environnement, les êtres et les choses, soi-même, est portée non seulement par le soufisme (Rûmi ou Ibn Arabi) mais aussi par les traditions amérindienne, orientale, bouddhiste tibétaine, indienne (Upanishad), ou la littérature mondiale depuis l'Épopée de Gilgamesh jusqu'à Shakespeare ou Gogol.

Sans doute, entre poésie et ésotérisme, risque-t-on bien des errements. Mais comme dit Bari : "Eh mec ! Le monde n'est pas une construction logique à la mode allemande." Aussi l'expérience se révèle nécessaire et même utile tant sont subtiles les réflexions et méditations qui émaillent le récit.

Difficile ici de résumer sans verser dans une simplification affadissante et recourir à une méthode d'exposition aux antipodes du propos de l'auteur.  Pour la plupart, les thèmes exposés appartiennent ou rejoignent d'autres champs littéraires, ceux de la spiritualité, de la mystique, du bouddhisme zen ou même des arts martiaux : valorisation de l'impermanence, de la fluidité et du mouvement, de la capacité de transformation et de création, de l'énergie ou de l'esprit universel, de la figure du cercle ou de la nécessité des masques, de l'esprit et du cœur sur le cerveau et bien sûr de la couleur bleue… Mais, en ces temps d'impasses et de questionnements, Hassan Al-Barghouti, à sa façon, revisite la question des identités et des mémoires et invite aussi à une autre lecture de la situation des sociétés arabes et de la question palestinienne.  

 

Récit traduit de l'arabe (Palestine) par Marianne Weiss, Préface de Mahmoud Darwich, éd. Sindbad, 2004, 172 pages, 17 euros.

 

 

 

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