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La Découverte du monde

Edwy Plenel

La Découverte du monde

 

ColombTerre.jpgLe ci-devant directeur de la rédaction du Monde et aujourd’hui fondateur du site Mediapart avait entrepris en 1991 de suivre, à près de cinq cents ans de distance, les traces de Christophe Colomb. Cela donna lieu à une série de reportages publiée à l’époque par son journal et rassemblée en 2002 dans La Découverte du monde. Le véritable propos du journaliste tenait dans les cent pages inédites qui ouvrent ce livre placé sous le sceau de l’« inquiétude », face à « la guerre des mondes » qui se profile, et d’une mise en garde « face à la confusion des esprits qui voudrait nous enrégimenter dans le Grand Un mortifère des causalités univoques ou nous enfermer dans le Grand Même délétère des appartenances uniformes ». Emboîtant le pas de l’illustre Génois, véritable artisan de cette découverte d’un Monde Nouveau qui inaugurerait « cette modernité où se fondent l’universalité de la pensée et l’humanité de l’espèce », Edwy Plenel plaide ici, à la suite de Montaigne, pour l’« homme mêlé ».

Brocardant les médiatiques Comte-Sponville et Luc Ferry, l’auteur alerte le lecteur quant à la banalisation de « l’imaginaire d’extrême droite » et, après « une lecture au plus près des textes, décryptage aussi déprimant que minutieux », il épingle Renaud Camus, et accessoirement Michel Houellebecq, ici présentés comme les contempteurs du métissage par « peur du monde et crainte de l’étranger ». Il dénonce les renoncements du politique : sa résignation « aux passions communes » et sa conversion « aux peurs ordinaires » patents dans le débat sur l’immigration où, « du refus d’assumer la nécessité et l’apport de l’immigration, on est passé à une vision fantasmatique des mouvements migratoires ». Ce débat serait d’ailleurs « le premier champ de bataille où se jouent nos guerres d’imaginaires, entre répétition d’un roman national et invention d’un poème mondial ».

Edwy Plenel le dit d’entrée et avec plus de force : « bref, qu’il faille fonder un nouvel imaginaire pour arriver à vivre en commun et en paix dans ce monde, c’est l’évidence ». Ce nouvel imaginaire tire sa substance ici de plusieurs sources. Lointaines, avec Christophe Colomb, La Casas, Thomas More et surtout Montaigne, plus proches avec le Marx du Manifeste ou Hannah Arendt et ses Origines du totalitarisme et d’autres qui aujourd’hui, comme Edouard Glissant, Serge Gruzinski, Jean Loup Amselle, Daryus Shayegan... ont le « courage » d’« assumer un imaginaire actif des mondes, face aux pensées mortes, mortes de peurs et de haines ». Mais, prévient E. Plenel : « Le métissage ce n’est pas une fusion, l’addition d’un et d’un, la rencontre de deux identités dans l’illusion de leurs puretés originelles, encore moins un croisement d’espèces et de genres où la biologie aura sa part. Non, le métissage, c’est une politique. Et, plus précisément, une politique de résistance ».

 

Stock, 2002, 410 pages, 21,30 euros.

 

 

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