« Ah ! le bonheur, le bonheur, tu sais, c'est comme la fortune, la richesse… Certains le vivent dans la certitude des patrimoines accumulés par les siècles, d'autres comme un jeu de hasard, le gain d'une nuit qu'ils peuvent reperdre le lendemain. »
Nourredine Saadi, La Nuit des origines
Sans être un familier de Nourredine Saadi, Nono pour ses proches, j’ai eu le privilège de le croiser plusieurs fois dans les années 90, à son arrivée en France. C’était dans le cadre des activités de l’Association de culture berbère où, avec l’ami André Videau, nous l’avions accueilli une ou deux fois pour présenter ses premiers romans. Nourredine Saadi s’est très tôt intéressé à l’association, au point d’en devenir, depuis 2000, un de ses membres actifs et d’en éclairer, par son œuvre, son engagement et sa pensée, la marche.
En avril 1997, il participa à un colloque sur la laïcité organisé à la mairie du XXe arrondissement. Déjà, il était clair que cet homme, cet intellectuel, universitaire spécialiste du droit, épris de mots et de littérature au point de lui-même devenir romancier, ce citoyen engagé, éblouissait l’auditoire par la clarté, la force et l’élégance de sa pensée. Il faut ici rappeler ce qu’il disait : « ce qui porte la laïcité, c’est le mouvement des hommes vers la démocratie ». Et de pointer les trois enjeux au cœur de ce « mouvement » vers la démocratie qui, comme valeur, n’en déplaisent à quelques contemporains, est une « valeur universaliste » : l’émancipation des individus et la liberté de conscience ; l’égalité femme-homme ; le refus de fantasmer et d’ostraciser l’Autre[1]. Ce discours, prononcé il y a 20 ans, n’a rien perdu de sa pertinence. Bien au contraire…
Par son intelligence et l’acuité de ses réflexions, Nourredine Saadi en imposait. Simplement, en toute humilité. Car ce que l’on peut retenir de cet homme au visage rond, aux yeux bleus, au regard emprunt d’une étonnante douceur, c’est sa disponibilité, son altruisme. Nourredine Saadi ne pérorait pas. Il appartenait à cette race d’Algériens, d’hommes tout simplement, dont la verticalité se construit de discrétion, de générosité et de fraternité.
L’écrivain fut sans doute moins médiatisé que certains de ses confrères algériens. Pourtant son œuvre participe, avec force et originalité, de ce qu’il nomme dans La Maison de lumière, cette « plurielle polyphonie » au fondement et au cœur de tout pays : l’Algérie bien sûr, la France également et plus encore cet espace qui, hors et parfois contre les logiques étatiques et nationales, grossit des rencontres et des amours transméditerranéennes.
Il vient de rejoindre le cercle des Iassassen. Ce n’est offenser personne que de croire que Nourredine Saadi apportera un peu plus de bienveillance et d’indulgence au sein de ce cercle des gardiens qui veillent sur la marche chaotique des hommes et des femmes devenus une fois de plus orphelins ; et surveillent leurs éventuels errements.
© Slimane Simohamed pour la photo prise à l'ACB le 8 novembre 2017
Romans :
Dieu-le-fit, Albin Michel, 1996
La Maison de lumière, Albin Michel, 2000
La Nuit des origines, L’Aube, 2005
Boulevard de l’abîme, Alger, Barzakh, 2017
Ouvrages collectifs :
Journal intime et politique, Algérie 40 ans après, L’Aube & Littera 05, 2003
Il n’y a pas d’os dans la langue (nouvelles), L’Aube & Barzakh, 2008
Alloula vingt ans déjà ! Textes réunis et présentés par Nourredine Saadi, Alger, Apic, 2014
Biographies et portraits :
Koraïchi, portrait de l’artiste à deux voix (avec Jean-Louis Pradel), Actes Sud, 1999
Matoub Lounès, mon frère (en collaboration avec Malika Matoub), Albin Michel, 1999
Denis Martinez, peintre algérien, Le Bec en l’air, 2003 & Barzakh, 2003
Houria Aïchi, Dame de l’Aurès, Alger, Chihab, 2013
Essais
Femmes et lois en Algérie, Préface de Fatima Mernissi, Casablanca, Le Fennec, 1991
Norme sexualité reproduction, dir. Nadir Marouf, Nourredine Saadi, L’Harmattan, 1996