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De sabres et de feu

Marc Trillard
De sabres et de feu


marc-trillard.jpgLe voyage et l’autre sont au cœur de l’œuvre et sans doute de la vie de Marc Trillard. Écrivain (prix Louis-Guilloux 1997 pour Coup de lame, et Interallié en 1994 pour Eldorado 51), voyageur auteur de livres-reportages (Madagascar en 2001, Cuba en 1999 ou le Cap-Vert en 1993) il est enfin directeur du semestriel Le Journal des lointains. Dans ce nouveau roman, le toulousain invite son lecteur à le suivre pas très loin de chez lui mais à pénétrer l’intimité mystérieuse d’un camp de manouches ou tsiganes, gitans, Roms, Yéniches et autres Gens du voyage.
La trame romanesque est assez réduite et est surtout prétexte à pointer du doigt nos fantasmes et nos peurs et à déplorer la disparition progressive d’un mode de vie et d’une culture au profit d’une modernité vorace et omnivore qui aime rien moins qu’engloutir les hommes et les cultures.
Le vieil Enrique Torres Esquivel, le doyen des tziganes, vient de casser sa pipe. De tous les coins de France et d’Europe confluent les tsiganes pour lui rendre un dernier et traditionnel hommage. La mort d’Enrique correspond à une autre mort : celle du camp, des caravanes et autres roulottes qui seront reléguées dans les garages de la future et proche cité Saint-James en construction, dans laquelle les autorités locales entendent parquer, fissa et manu militari, ces indésirables et inquiétants nomades. « Une réserve » où le gitan devra faire « en tout exactement comme fait le non-tzigane, le gadjo qui s’est laissé passer le collier et dont [il méprise] la trace autour du cou ».
Le camp de Ginestous se trouve dans la périphérie nord de la ville rose. Ce nouveau Ginestous est une aire d’accueil sur un parking. L’autre, le vieux Ginestous, « Ginestous l’historique », se dissimulait, « libre », sur les bords de la Garonne. Un soir, alors que la rivière sortait de son lit pour tout emporter, les autorités municipales oublièrent tout simplement ces hommes, ces femmes et ces enfants. Seules, livrées à elles-mêmes dans la nuit, les familles grelottantes et trempées se serraient devant le fleuve qui emportait tout, c’est-à-dire le peu qu’elles possédaient.
Au camp il y a Pèpo, porte-parole de la communauté qui s’occupe des deux chevaux d’Enrique, confinés dans une écurie clandestine. Rafaël dit « L’Ergot » élève des coqs. Agustin Torres Arcoz, l’indomptable neveu du mourant, est un mélange détonnant d’un gitan et d’une maghrébine. À travers ces personnages et d’autres, l’auteur brosse l’histoire, les parcours et les pratiques de cette « population de voyageurs », « derniers parias du vieux monde ».
Bartolomé Gavard est l’agent communal en charge du campement. Passionné par ces populations et leurs modes de vie, le gadjo pas tout à fait gadjo se sent à l’étroit dans ce qui est devenu une prison : femme, gosse, boulot, rapport hebdomadaire, bulletin de salaire, crédit-maison… « Le sympathique gardien du camp, si proche de ses habitants et curieux de leurs façons », un brin déboussolé, s’éprend d’un impossible et illusoire amour pour Antucha, la fille d’Agustin, l’éternelle adolescente.
Bartolomé et Moscowicz, le vieux et toujours aussi militant toubib du camp, sont bien les seuls à s’intéresser à ces gitans. Dans « la cartésienne France sarkozienne, sarkosyste, sarkophile, ou plus rien ne dépasse du rang »,   on préfère les « ignorer », « regarder ailleurs », les tenir à l’écart ou les faire entrer dans le rang. Disparition programmée !

Edition Le Cherche midi, 2006, 280 pages, 15 €

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