Identité 1
Puisqu’il faut plancher sur l’identité nationale voici du grain à moudre pour les candidats à rendre une bonne copie mais aussi pour un Besson et un Sarkozy qui nous ont refait le coup de la Marseillaise et de la terre. Le malheur, mais cela n’est pas une nouveauté (il faut lire ou relire Noiriel pour s’en convaincre), c’est que l’identité nationale est ici mobilisée comme la carotte et le bâton, agitée pour appâter et mieux battre le bougre d’immigré qui ne demande rien d’autre qu’on lui foute la paix et qu’on lui laisse le temps - une, deux ou trois générations - de devenir un Français pure sucre ! Quant aux autres – la majorité – une fois leur petite affaire faite (ou pas), ils repartent chez eux ou ailleurs, emportant souvent, à la semelle de leur soulier comme le chantait Enrico, un peu de la France et de sa culture. Voilà qui fait bien mieux pour le prestige de l’identité nationale que tous les discours démagogiques, le renvoi de trois Afghans et autres manipulations électorales.
Mais enfin peut-être ne faut-il pas désespérer - de la part de ce ministre notamment ! capable de déserter les siens en pleine bataille pour aller renforcer le camps adverse - : le caractère fluctuant, insaisissable, dynamique, changeant même de l’identité finira-t-il si ce n’est pas s’imposer à tout le moins à ne pas être oublié ?
Mais enfin peut-être qu’il ne faut pas non plus désespérer de ce président , car enfin la « diversité », selon le vocable en vogue, loge à l’Élysée. Une présence à hauteur non pas de 10 %, comme le préconisait le rapport de la commission Jacques Attali pour la prochaine Assemblée nationale, mais de plus de 87 %. Carla Bruni est une italienne pur sucre et Nicolas Sarkozy qui ne voit pour la France et l’Europe que des racines chrétiennes, porte, lui, des « racines » mêlées et mobiles à 50 % hongroise, à 25 % juive, - de cette Salonique chère à Albert Cohen - et à 25 % française, par sa grand-mère. Certes Sarko n'est pas Obama... mais enfin, rêvons que le caractère pluriel des identités contemporaines finira par prendre le pas sur les « identité meurtrières », exclusive, ces identités qui enferment plutôt qu’elles ne relient, qui montrent le poing plutôt qu’elles ne tendent la main...
Pour nous aider à appréhender ce qui est tout de même une notion difficile, complexe et pour certains troublantes, voici un florilège de citations, distillé sur une petite semaine, histoire de nous aider à penser ou simplement à faire face aux monceaux d’idioties qui ne manqueront pas de nous accabler… et si quelques une de ces citations ont été écrites par quelques universitaires, journalistes ou sociologues, la majorité d’entre elles est l’œuvre de poètes car comme le disait Michel Le Bris « ce qu’elle dit aujourd’hui, cette littérature du monde, me paraît toujours beaucoup plus fort que ce que peuvent en dire les essayistes, les économistes, les politiciens… Ce sont les artistes qui donnent à voir le monde nouveau. (…) Le roman est la forme qui rend le mieux compte de la réalité du monde d’aujourd’hui, qui est une réalité d’identités, à la fois brisées, recomposée, multiples. Jamais dans l’histoire de l’humanité, l’humanité n’a connu des migrations aussi fortes. Il y a des télescopages invraisemblables de cultures, c’est comme dans un grand cratère où tout se trouverait mêlé, des identités se détruisent d’autres se recomposent… et le roman est capable de rendre compte de ça. Chaque personne, se retrouvant en fait à vivre en même temps des identités différentes, superposées, fragmentaires, doit inventer le récit qui va articuler tout ça en une forme cohérente qui sera sa manière d’habiter le monde là où il est ».
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« Une appartenance ethnique - voire un patronyme - n’est qu’une étiquette du langage, il me semble. Ce n’est pas une identité. L’identité est ce qui demeure primordial le long d’une existence, jusqu’au dernier souffle : la moelle des os, l’appétit flamboyant des organes, la source qui bat dans la poitrine et irrigue la personne humaine en une multitude de ruisseaux rouges, le désir qui naît en premier et meurt en dernier. » Driss Chraïbi
peux-tu défigurer l’ennemi de classe
sans emprunter ses traces ?
peux-tu te retourner / contre tes propres mirages ?
tout le monde chérit l’identité
tout le monde cherche l’origine
et moi j’enseigne le savoir orphelin
erre donc sur les chemins
sans te confondre avec l’herbe
Abdelkébir Khatibi
« C’est magnifique de pouvoir se défaire des chaînes de l’identité qui nous mènent à la ruine. Et moi qui suis-je ? Qui es-tu. Qui sont-ils ? Ce sont des questions inutiles et stupides » Amara Lakhous
Être
« un homme tout court »
Eddy L.Harris
« Fuis, chasse la honte de ton corps, arrache la culpabilité de ta tête, griffe les remords, échappe-toi, pense à toi, protège l’amour qui te contient, que tu contiens, garde-le pour tes pas sur terre, donne-le aux visages dont tu ignores tout, préserve tes caresses pour la peau qui te rend la félicité » Hafid Aggoune
« Il n’y avait pas de fin à cette identité, ou alors celle-ci était à trouver dans le chaos et son propre inachèvement » Ook Chung
« Il n’est pas possible de vivre en dehors de la patrie, et la patrie, ce n’est pas seulement un coin de terre ; c’est aussi un ensemble de coeurs humains qui recherchent et ressentent la même chose. Voilà la patrie, où l’on se sent vraiment chez soi. » Van Gogh
"Impossible de raisonner en termes de Noir, d'Arabe ou de Juif là où [il n'y a] que des hommes".
Abd al Malik
« Se décoloniser de quoi ? De l’identité et de la différence folle.
Je parle à tous les hommes. »
Abdelkebir Khatibi
« Tout être est mon être »
Emir Abd El Kader
Conseil paternel : « Essaie de te créer ton petit monde et ne laisse jamais personne te dire qui tu es ou comment tu devrais être ; même pas moi. C’est toi seul qui décides. » Eddy L.Harris
« Je ne suis prisonnier ni de Harlem ni de la couleur de ma peau » Eddy L.Harris
« J’ai grandi dans la certitude de pouvoir faire tout ce que je souhaitais et être qui je voulais. Je pensais avoir droit à tout, pouvoir être noir et en même temps être davantage que simplement noir. J’ai toujours voulu être davantage. Je n’ai jamais accepté de contrainte. » Eddy L.Harris
La suite demain...
Illustration : Gottfried Lindauer (1839-1926)
Tomika Te Mutu, chef de la tribu des Ngaiterangi, Nouvelle Zélande (vers 1880)