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Le Don de Gabriel

Hanif Kureishi
Le Don de Gabriel


hanif-kureishi.jpgQuel est donc le don de ce jeune garçon qui s’évertue tout au long de ce roman à rabibocher ses parents tout juste séparés ? Le gamin à certes des talents multiples : bon dessinateur, doué pour le cinéma, il sait aussi se débrouiller dans la vie et son aptitude à manipuler - au sens positif, nous pourrions écrire à mettre en scène - n’est pas le moindre dans l’affaire qui occupe le lecteur. Avec tendresse et humour, Hanif Kureishi raconte l’histoire de Rex et Christine. Lui, guitariste de rock doué mais qui n’a pas fait carrière, elle, serveuse dans un bar qui en a eu assez de son « bon à rien » de compagnon, « gaspilleur, paresseux et lent » aussi prompt à « boire toute la journée » qu’à désespérer et à s’apitoyer sur son sort.
Entre nos deux « has been » des années soixante, il y a Gabriel qui, en chef d’orchestre déjà expérimenté, adoucie les aigus, gère les basses, harmonise les désaccords, rapproche les trémolos et sait mettre un bémol aux solos intempestifs. Le gamin (il a quinze ans tout de même) est doué et évolue dans le couple, dans les relations déjantées de ses parents avec maestria. Il ne s’en laisse compter par personne et rien ne peut le détourner de son objectif. Le gamin a de « l’enthousiasme » et ce roman léger traite sur un mode plaisant d’un sujet douloureux, parfois traumatisant : le divorce. L’auteur revient sur quelques-uns de ses thèmes de prédilection (les rapports conjugaux, le désamour, l’indécision masculine...) et comme s’il écrivait le pendant de son précédent et sombre livre, Intimité, il offre ici à ses lecteurs un récit lumineux et heureux.
Point non plus de minorités, de questionnements identitaires ou d’entre-deux culturels. Le Karim du Bouddha de banlieue ou le Shahid de Black Beauty sont loin. L’ouverture thématique est, depuis belle lurette, complète et le refus de faire rimer écriture avec assignation à résidence clairement affirmée. Avec Gabriel, nulle communauté donc ou alors celle des enfants de divorcés : « Faire partie d’un famille « complète » ces jours ci, c’était appartenir à une minorité ». Et, en toile de fond, la musique rock et cette génération des années soixante. Le bilan que dresse le père à son fils des idéaux de sa génération est sévère : il fallait selon lui démolir sans construire et perdre les intelligences (à commencer par la sienne) en énergie négative : « On trouvait ça rebelle. Mais ça signifiait que j’avais l’âme cynique et je le regrette. Je n’ai pas aimé assez de choses. Je n’ai pas ouvert les fenêtres de mon âme. Je n’en ai pas laissé entrer assez. Si seulement j’avais eu ton enthousiasme. C’est cela l’ambition, rien de plus : de l’enthousiasme et des jambes ».
La capitale anglaise est l’autre personnage de ce roman. Dans « cette nouvelle ville internationale nommée Londres » où « toutes les races étaient présentes et vivaient côte à côte, la plupart du temps sans s’entre-tuer » et sans que la ville soit « inutilement anarchique ou corrompue », Gabriel évolue avec naturel. Ce qui n’est pas le cas d’Hannah, immigrée d’Europe de l’Est, employée comme fille au pair par sa mère. Elle est encore étourdie par cette « foule indifférente et ses nombreuses langues », perdue dans certains quartiers londoniens qui lui donne l’impression de se trouver à Calcutta, la pauvre et massive jeune fille doit faire attention : « alors que tout le monde était emporté par le courant ; un instant d’hésitation pouvait engendrer un homicide ».
Né en 1954 d'un père pakistanais et d'une mère anglaise, Hanif Kureishi est l'auteur d'une dizaine de pièces de théâtre, de nombreux scénarios parmi lesquels les célèbres My Beautiful Laundrette (Oscar du meilleur scénario en 1986) et Sammy et Rosie s'envoient en l'air, mis en scène par Stephen Frears. Il a publié plusieurs romans et recueils de nouvelles (édité en France chez Christian Bourgois).

Edition Christian Bourgois, 2002, 302 pages, 23 €

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