Joël Callède (Scénariste), Gael Séjourné (Dessinateur)
L’Appel des origines. Harlem.
Voici le premier volet d’une BD signée Callède et Séjourné, les deux compères à qui l’on doit déjà Tatanka. Dans le Harlem des années 20, les Etats-Unis de la belle Anna ne sont pas encore ceux du président Obama. La jeune fille est une métisse (elle aussi). Une blanche pour les Noirs et une noire pour les Blancs. Rejetée par les uns et par les autres. Pas tous bien sûr. Mais cela ne facilite pas la résolution des questions existentielles. Ici, l’entrelacs des origines et le miroir des différences n’aident pas à trouver sa place et à déterminer qui l’on est. « Depuis que je suis née, on me traite de « mal blanchie », de « face de craie » ! Trop blanche pour mes frères noirs et trop noire pour vous » dit elle à un aréopage de producteurs bedonnants et blancs.
Anna aide son oncle et sa tante au Benny’s Diner, le restaurant de la 135e rue où la petite famille sert des travers de porc sauce bayou au trois épices accompagnés d’une purée de patates douces comme nulle part ailleurs à Harlem. La jeune fille a toujours cru que son père était mort. Jusqu’au jour où Mama Jo, sa grand-mère lui apprend la vérité sur son passé. Anna est la fille de Rose et de Clarence Whitmore, le fils aîné d’un satrape du Mississippi qui continuait, sur ses plantations, à traiter ses ouvriers comme au temps pas si lointain de l’esclavage. Pour le père Whitmore, l’amour contre nature de son rejeton et d’une négresse était inimaginable. Fou de rage, il organisa une expédition punitive provoquant la mort de Rose et le départ du reste de la famille vers Harlem.
C’est la lecture d’un article de journal qui apprend à Anna que son père est en vie et qu’il est installé comme guide et chasseur de fauves en Afrique. Elle décide alors de partir à sa recherche. Aidé par Simon, un anthropologue du Muséum d’Histoire Naturelle déjà enamouré, nos deux tourtereaux embarquent pour une double quête des origines, celle du père pour Anna et celle de l’humanité pour Simon.
Cette première partie d’un triptyque a pour cadre le Harlem de la prohibition. Tandis que les Blancs s’encanaillent au Cotton Club qui vient d’ouvrir ses portes, les Noirs du cru se retrouvent au Blue Diamond. Le jazz, métis et ternaire, court de club en club. Les mélodies de Duke Ellington, la rythmique de Sony Greer ou le « Stormy Weather » d’Ethel Waters fusent des sous sols des speakeasies clandestins tandis que la pègre veille au grain.
Un scénario documenté qui tient la route, porté par la puissance des dessins et le chatoiement des couleurs où le bleu nuit, celui du Harlem noctambule, domine. Ici tout est précis, expressif et suggestif. Prochain rendez-vous, l’Afrique lumineuse et le mystère des origines.
Edition Vents d’Ouest 2011. 56 pages, 13,50€