Mourad Djebel
Sens Interdits
Chez Mourad Djebel, « le temps (et même l’espace géographique), (...) ne se retrouve plus dans des repères linéaires (...), ne construit plus mais déconstruit et s’empêtre dans une inconsistance et une inconstance où les objets et les êtres affluent et refluent sans cheminement précis (...) ». Voilà le plus caractéristique de ce roman dont l’originalité est tout entière contenue dans l’écriture et dans la mise en scène d’un récit centré sur la disparition de Yasmina. Autour d’une scène cruciale, récurrente, se tissent les fils d’une histoire livrée par bouffées, en épisodes brusques et parfois inattendus. L’histoire de Maroued et de Yasmina mais aussi celle de trois adolescents, Larbi, Nabile et le même Maroued, liées par un pacte tacite scellé en octobre 1986 dans les odeurs des lacrymogènes et le sifflement des balles des militaires dépêchés pour réprimer des manifestations à Constantine. C’est sur un pont de cette ville, que les trois camarades marcheront « dans les deux sens en faisant des allers-retours ininterrompus pendant plusieurs heures, jouant aux sentinelles ou nous livrant en prisonniers au pont, aux deux abstractions du code de la route (le Sens interdit et le Stop)... ».
Dans ce premier roman, l’auteur mettait toutes les palettes du langage au service d’une « boulimie des mots, des analogies et des fils enchevêtrés de l’histoire » mais aussi d’une remarquable et parfois déroutante « ivresse verbeuse ». Elle était néanmoins et déjà une marque de fabrique certaine, riche de nombreuses originalités stylistiques, poétiques autant que romanesques.
Edition La Différence, 2001, 332 pages, 20,58€