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Kabylie Twist

Lilian Bathelot

Kabylie Twist

220px-Lilian_Bathelot_-_Comédie_du_Livre_2010_-_P1390028.jpgCe n’est pas sans craintes que l’on aborde un roman avec un titre aussi kitsch. Kabylie Twist… Trop souvent, le clinquant n’augure rien de bon. Et pourtant dès les premières pages, l’appréhension tombe. On découvre une histoire ficelée où se croise une dizaine de personnages et, même si cela patine en cours de route, les ressorts du récit, les émotions transmises, la densité des caractères et des situations très diverses emportent l’adhésion. Kabylie Twist c’est la guerre d‘Algérie avec pour toile de fond les années 60-62 en métropole, le twist, les vinyles et autres yéyés. La nuit et le jour, l’enfer et le paradis séparés par une mer, un gouffre pour une génération d’appelés. C’est en « métropole » que s’ouvre le roman : un temps et une société parfaitement rendus par les ambiances (Saint-Tropez, la Madrague, B.B.), les dialogues, le vocabulaire... Sylvie, la jeune femme aux allures de Sagan roule en Aston Martin rouge, les cheveux au vent. Richard, alias Ricky Drums, batteur du groupe les Fury’s, espère enregistrer son premier 45 tours chez Philips. Les deux tourtereaux s’aiment. Mais voilà, feuille de route en poche, Richard doit du jour au lendemain laisser tomber ses illusions et son amour : direction l’Algérie et pas pour y maintenir un peu d’ordre, pas pour de simples « événements » mais pour tomber dans une guerre des plus atroces ; et pas pour quelques semaines, pour vingt-huit mois. Toute une vie pour une génération ! L’essentiel du roman se passe ici, en Algérie, entre les opérations dans le bled et la petite communauté pied noire de Djidjelli (l’actuelle Jijel).

Kabylie Twist  est un roman choral avec en ligne de front : Richard l’appelé, Sylvie impétueuse et libre, Najib, harki par amour, le jeune et sagace inspecteur Lopez et Mr. Germain l’instituteur communiste (ah ! Camus…). Amour, rencontre, amitié, tragédie, trahison, don de soi et… la beauté du pays : tous les ingrédients sont ici réunis.

Chacun parle et les routes de tous se croiseront autour de plusieurs intrigues : une détonante enquête sur des attaques et des atrocités commises dans des fermes de colons isolées, l’engagement des harkis et leur abandon - le déshonneur de l’armée française - le mystère des origines de Najib, enfant trouvé sur les marches de l’hôpital et  adopté par toute la ville, l’amour impossible entre Najib et Claveline, une « impasse » dans cette Algérie coloniale, la dénonciation de la torture, les transformations de Richard après deux ans de guerre à crapahuter dans le djebel avec les hommes de sa harka chargée de « nettoyer » puis de dynamiter les villages et hameaux susceptibles de soutenir les « fellouzes ». Ces Algériens sont les grands absents de ce récit et quand ils apparaissent c’est au titre de terroristes ou de chefs de l’ALN froids et sans pitié. L’ambivalence, le jeu des paradoxes, les ambiguïtés de l’âme et les doutes des consciences qui caractérisent l’esprit de ce roman et des personnages, n’est plus de mise. Mais il est vrai que l’histoire est ici portée par des Français de métropole, des pieds-noirs et un gamin du cru à l’obscure généalogie.

En annexe, Lilian Bathelot fournit quelques repères sur l’histoire du pays - avec ici ou là quelques imprécisions (faire des Berbères des « immigrés » comme les Arabes, les Turcs et autres Français ou écrire que « c’est la conquête française qui [a] fabriqué ce pays » est pour le moins troublant). Il y évoque notamment les quelques 200 000 Pieds noirs restés en Algérie à l’indépendance. Comme Monsieur Germain. Une dernière partie de pétanque avec celui qui s’apprête à partir. Une dernière anisette. Une nouvelle histoire commence.

Gulf Stream 2012, 355 pages, 14,50€

 

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