« (…) Au lieu de s’interroger sur ces coups de canif saignants portés aux flancs du pacte républicain, ceux qui détiennent l’autorité de la parole publique accusent, dénoncent, stigmatisent, menacent. Ils utilisent ad nauseam ce « langage buveur de sang ». Aveugles à tout ce qui survient hors du cercle mondain qui protège leur hyperactivité, ignorants de tout code social extérieur à leurs modèles et signes, ils se laissent happer par la panique et croient préserver leur monde artificiel en jetant des anathèmes à la ronde. Paralysée, leur intelligence ne leur révèle plus rien de la filiation de ces révoltes au regard des luttes sociales et politiques françaises, celles qui, sur le temps long, furent impulsées par les exclus, les méprisés et brutalisés, toutes celles et tous ceux-là qui, las de patienter, décident une nuit sans lune de frapper à la porte de la République en faisant grand bruit dans l’espoir d’être entendus. Les geôliers de la République peuvent-ils entendre ? Il leur faudrait remettre en cause trop de confort. Il y a plus grande tranquillité à ethniciser »
Christiane Taubira, Paroles de liberté, Flammarion 2014