Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Je veux rentrer

    Tassadit Imache

    Je veux rentrer

     

    IMACHE.jpgTassadit Imache a publié en 1989 son premier récit autobiographique, Une Fille sans histoire (éd.Calmann-Lévy) et en 1995 Le Dromadaire de Bonaparte (éd.Actes Sud). Avec Je veux rentrer, elle signe un troisième roman où percent les mêmes quêtes sur les origines et interrogations identitaires.

    Sara, pour rendre service à une amie accepte, le temps d'un week-end à la mer, d'accompagner  Stella et son demi-frère Renaud, deux orphelins de la Ddass placés chez une nourrice. Une tante qui s'est fait connaître par un coup de fil à Monique, la nourrice, a organisé le rendez-vous et accepté de prendre en charge les enfants à leur arrivée. Mais le rendez-vous va s'avérer « bidon ». Personne à la gare. Personne non plus à l'hôtel où pourtant... les réservations sont confirmées.

    Le mystère ne serait pas entier si, au cours de ce séjour Sara ne rencontrait un certain Marc Aubin,  avec qui, le soir même,  elle fera l'amour. Ce n'est d’ailleurs pas la première fois qu'elle fait l'amour avec un inconnu. Ce Marc Aubin, « homme providentiel » ou « accompagnateur » prendra en charge le séjour de Sara et des deux enfants. Il les ramènera même à Paris dans sa Jaguar d'un gris pâle. Pourquoi tant de sollicitude s’interroge la jeune femme?

    Mais « en vérité qui tient à connaître le fin fond des histoires de famille? » demande Tassadit Imache. Qui se souci de Patricia Loiseau, la mère de ces deux enfants ?  Et pourquoi ce week-end apparemment si anodin dans l'existence de Sara provoquera t-il sur elle des effets profonds et perturbants?

    Pourquoi d’ailleurs se fait-elle appelé Sara quand son vrai nom est Patricia Chenier ? Et quelle place tient cette « histoire belle et secrète » avec Pierre, l’homme du lundi, qu’elle ne visite que ce jour, toujours vêtue de la même robe, celle de leur première rencontre?

    Pourquoi après avoir passé deux ans sans voir sa mère, décide t-elle, sur un coup de tête, de lui rendre visite. Sa mère qui a eut trois enfants avec un « bicot » et qui s’empresse de convier à sa fille au cours de cette visite aussi brève qu’inopinée : « Il vous aimait. C'est pas parce qu'il ne disait rien qu'il ne vous aimait pas. Votre père ».

    Ces histoires de famille ne sont pas faciles à porter. « On n'est jamais tranquille dans la vie, toujours on est suivi ». « On est sur une pente, faute de marches. A se voir sur la mauvaise pente - comme disent les profs du collège - qui vous entraîne loin de vous même, sans qu'on puisse distinguer vos traces de celles des autres, ceux-là même qui vous poussent sont ceux qui vous ont précédés, père et mère, et derrière eux, les leurs encore les vôtres donc ».

    « Qu'est ce qu'on garde et qu'est ce qu'on jette » se demande Sara en découpant le poireau pour la soupe, cette soupe que lui préparait sa mère...

    Comme souvent dans ses livres, Tassadit Imache interroge le passé, cherche à le saisir, d'autant plus déterminant qu'il est souterrain, d'autant plus implacable qu'il est lointain, d'autant plus présent qu'il est emprunt de ruptures, de déchirures, de non-dits et de silence, d'absence.

    Je Veux rentrer est un livre sombre. L'univers est celui de la banlieue et  des drames familiaux que connaît bien l'auteur, qui, comme Sara dans le roman, travaille dans un service d'aide sociale. Mais davantage qu’un texte sur l’exclusion sociale qui sévit aux portes des grandes villes, Je Veux rentrer est une interrogation intime, profonde et toujours aussi pudique chez Tassadit Imache.

    Les existences à la trajectoire heurtée, brisée, suscitent de nombreuses interrogations auxquelles il n’est pas toujours aisé de fournir des réponses satisfaisantes. Trouver un sens, remettre de l’ordre, redresser cette trajectoire dont l’origine se perd dans un immense trou noir n’est pas à la portée de tous et, comme l’écrit Tassadit Imache, de ces histoires, « certain ne rentrent jamais, perdus à eux-mêmes et au monde ».

     

    Ed. Actes Sud, 1999, 140 pages.