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  • Dits de l’Iman ‘Ali

    Dits de l’Iman ‘Ali
    Choix, traduction de l’arabe et présentation de Youssef Seddik

    coran.jpegYoussef Seddik est philosophe (il a écrit une thèse sur l’horizon hellénique du Coran), anthropologue et docteur à l’EHESS. Il a aussi publié de nombreuses traductions de textes arabes anciens. Il propose ici quelques extraits des dires de l’imam ‘Ali transmis oralement jusqu’au tout début du XIe siècle, et depuis consignés par Charîf al Radi, dans un énorme ouvrage qu’il a appelé Nahj al-balâgha, ou La Voie du mieux-dire.
    Ce livre réunit les sermons, discours, lettres, aphorismes et maximes d’Ali. D’un point de vue religieux, mais également philosophique, il est considéré par les chiites comme le plus important après le Coran aux côtés des Hadiths.
    De l’iman Ali, la mémoire a retenu qu’il s’agit du cousin et du gendre du prophète Mohamed. Les moins oublieux se souviennent du nom de sa femme, Fatima et de leur deux fils Hassan et Hussein au destin aussi tragique que celui de leur père. Premier enfant élevé dans le giron de la religion musulmane, il fut, selon la tradition, de tous les humains, le plus proche du prophète. ‘Ali succéda au troisième calife, Uthman assassiné en 656. Cette succession contestée marque la première grave crise politique de l’islam. « La Grande discorde » voit s’affronter les partisans d‘Ali ou chiites aux parents d’Uthman, menées par Mou’awiya, qui deviendra le cinquième calife et le fondateur de la dynastie des Omeyyades. ‘Ali sera assassiné en janvier 661 à Koufa.
    La diversité des sources d’inspirations, des sujets abordés et l’éloquence pourraient surprendre chez cet homme de religion et ce chef militaire « chargé de gloire » que les biographies décrivent comme trapu, bedonnant, chauve, doté d’une longue barbe blanche, ophtalmique, brusque et peu sociable. Peut-être convient-il d’associer cette sensibilité poétique à sa familiarité et à sa connaissance du Coran. Il est également célèbre pour cela. C’est d’ailleurs là que réside une autre singularité chiite par rapport à la Sunna majoritaire qui, selon Y. Seddik, « nous a coupé de la tradition du Coran ».
    Si ‘Ali est celui qui a ouvert la voie de l’interprétation, il ne fait pas du livre saint un argument de discussion, un élément de controverse : « Ne leur oppose jamais le Coran. Le Coran a bon dos et multiples facettes... » dit-il à son lieutenant et cousin avant de combattre les Khârijites qui brandissaient des copies du Coran sur des lances. Son domaine est celui de l’herméneutique et certains contemporains seraient bien inspirés de se souvenir de cette recommandation.
    Aux côtés des textes circonstanciés - « Le rideau tombera en quatre pans sur la gloire des empires disparus : la perte des principes, l’entêtement à maintenir l’inessentiel, l’élection des vils et la mise à l’écart des plus magnanimes » - voisinent des propos plus généraux et universels : « La plus noble des richesses, c’est l’abandon des convoitises » ou « Trois choses ne sauraient durer : l’argent entre les mains du prodigue, un nuage d’été, et la colère de l’amoureux ».
    « La Voix du mieux dire », du moins ce petit recueil de citations, est aussi (surtout ?) une source d’inspiration d’une modernité parfois surprenante. Ainsi en matière d’éducation, ‘Ali avait quelques siècles d’avance sur le fameux poème de Ghalil Gilbran : «  Ne modelez pas vos enfants sur vos us. Ils sont faits pour une époque qui n’est pas la vôtre ». Quant aux beaux parleurs qui ne manquent pas, ils ne doivent pas oublier que si « le savoir est un culte », il est lié à « faire ». « Celui qui sait doit agir. Car le savoir ne cesse d’appeler l’acte à venir le rejoindre. Si celui-ci ne répond pas, le savoir s’en va et l’abandonne ».
    Modernité encore et toujours du propos dans un temps et une société gagnés par la facilité et la superficialité : « Comment comparer deux actes quand de l’un disparaît le plaisir qui l’a accompagné et n’en reste que les néfastes conséquences et que de l’autre s’oublie la peine et n’en subsiste que le profit ? ». Et enfin face à la débauche de biens dans laquelle nous nous complaisons : « Que tu excèdes ce qui te suffit et te voilà dans une pauvreté sans fin ».
    Ce florilège présenté par Youssef Seddik est une mise en bouche. On attend la traduction complète de cette « Voie du mieux dire » de l’iman ‘Ali.

    Editions Sindbad/Actes Sud, 115 pages, 12,04 Euros